Les virements bancaires, devenus des outils quotidiens pour particuliers et entreprises, reposent sur des mécanismes juridiques précis. Cependant, il arrive qu’un virement ne soit pas exécuté correctement ou subisse un retard, générant des interrogations sur les délais applicables et la responsabilité des établissements bancaires. Comprendre ces règles est essentiel pour protéger ses intérêts et savoir comment réagir face à une anomalie. Notre cabinet vous éclaire sur les principes régissant la non-exécution ou le retard des virements, ainsi que sur les recours possibles.
Notion d’irrévocabilité et opposabilité
L’ordre de virement se distingue de l’opération de virement elle-même. L’ordre constitue l’instruction donnée par le payeur à son prestataire de services de paiement. L’opération de virement correspond à l’exécution de cet ordre, un processus scriptural de transfert de fonds. Cette distinction est fondamentale, notamment pour déterminer le moment où l’ordre devient irrévocable et ses effets vis-à-vis des tiers.
Historiquement, la jurisprudence considérait que le donneur d’ordre pouvait révoquer son mandat tant que son compte n’était pas débité. Cependant, les directives européennes relatives aux services de paiement (DSP 1 et DSP 2), transposées en droit français, ont modifié ce principe. Désormais, la révocation de l’ordre est encadrée et n’est possible que jusqu’à la date d’irrévocabilité fixée par l’article L. 133-8 du Code monétaire et financier. Ce moment correspond généralement à la réception de l’ordre par le prestataire de services de paiement du payeur.
Cette irrévocabilité de l’ordre, une fois acquise, signifie que même le décès, l’incapacité du payeur ou l’ouverture d’une procédure collective à son encontre n’affecteront plus l’exécution du virement. Les fonds sont alors considérés comme sortis du patrimoine du donneur d’ordre, ce qui a des conséquences importantes sur leur opposabilité aux tiers. Il est important de noter que si l’ordre est devenu irrévocable, le payeur ne peut plus en bloquer l’exécution, même s’il peut toujours utiliser les fonds de son compte tant qu’ils n’ont pas été débités, sans toutefois risquer les sanctions applicables aux chèques sans provision.
Cass. Com. 30 juin 2021, n° 20-18.759
Un arrêt de la Cour de cassation du 30 juin 2021 (n° 20-18.759) a apporté des précisions sur l’opposabilité d’un ordre de paiement en cas de procédure collective. La Cour a jugé qu’un ordre de paiement donné par une entreprise la veille de son jugement de liquidation judiciaire est opposable à la banque, même si la réception des fonds par le bénéficiaire a eu lieu après l’ouverture de la procédure. Cette décision conforte la notion d’irrévocabilité de l’ordre, qui fige la situation juridique au moment de son émission, sous réserve des règles spécifiques des procédures collectives. Pour une compréhension plus large, le cadre juridique des virements bancaires mérite d’être exploré.
Responsabilité pour non-exécution ou retard
Le prestataire de services de paiement, le plus souvent une banque, est tenu d’une obligation d’exécuter les ordres de virement avec diligence. En tant que mandataire à titre onéreux, sa responsabilité peut être engagée en cas de non-exécution, de mauvaise exécution ou de retard dans l’exécution d’un virement. Cette responsabilité est d’ordre contractuel et obéit à un régime spécifique défini par le Code monétaire et financier, en application des directives européennes.
La loi impose aux prestataires une obligation d’exécution conforme à l’ordre donné. Cela signifie que le montant total du virement doit être crédité sur le compte du bénéficiaire, sans déduction de frais bancaires non prévus. Toute faute dans l’exécution, comme une double exécution du même ordre, peut engager la responsabilité du prestataire.
En cas d’opération de paiement non autorisée ou mal exécutée, le régime de responsabilité est exclusif et est défini par les articles L. 133-18 à L. 133-24 du Code monétaire et financier. Ces dispositions transposent les articles 58, 59 et 60, paragraphe 1er, de la directive 2007/64/CE (DSP 1). Cela signifie qu’aucun autre régime de responsabilité résultant du droit national, comme la responsabilité contractuelle de droit commun, ne peut être appliqué. En cas de non-exécution ou de mauvaise exécution, le prestataire de services de paiement du payeur doit rembourser au payeur le montant de l’opération non autorisée, à moins que la responsabilité du payeur ne soit engagée dans les conditions prévues par la loi. Les questions de responsabilité de la banque en cas de virement frauduleux sont particulièrement pertinentes dans ce contexte.
Art. L. 133-10 CMF (refus motivé)
L’article L. 133-10 du Code monétaire et financier prévoit que le prestataire de services de paiement peut refuser d’exécuter un ordre de paiement, mais cette décision doit être motivée. Ce refus ne peut être discrétionnaire ; il doit être justifié par un défaut empêchant l’exécution de l’ordre, tel qu’une absence de provision, une imprécision de l’ordre (montant, bénéficiaire, identifiants) ou des problèmes liés aux procédures de sécurité. Si toutes les conditions prévues dans le contrat-cadre sont respectées par le donneur d’ordre, le prestataire ne peut refuser l’exécution.
En cas de contestation, le payeur dispose d’un délai de treize mois pour signaler une opération non autorisée ou mal exécutée à son prestataire. Passé ce délai, le droit au remboursement peut être perdu, sauf faute grave de la banque. Si le prestataire ne parvient pas à prouver que le titulaire du compte a divulgué ses éléments d’identification de manière intentionnelle, par imprudence ou négligence grave, il sera condamné à rembourser les débits frauduleux.
Délais d’exécution et indemnisation
Les directives européennes ont considérablement réduit les délais d’exécution des virements. Selon l’article L. 133-12 du Code monétaire et financier, un virement doit être crédité sur le compte du prestataire de services de paiement du bénéficiaire au plus tard à la fin du premier jour ouvrable suivant le moment de réception de l’ordre. Ce délai peut être prolongé d’un jour ouvrable supplémentaire si l’ordre est donné sur support papier. Il existe même désormais des virements instantanés, exécutés en quelques secondes.
Le principe des dates de valeur, qui permettait aux banques de décaler la date de disponibilité des fonds, a également été supprimé par la transposition des DSP. La date de valeur du débit sur le compte du payeur ne peut être antérieure au jour où le montant est effectivement débité. De même, le prestataire du bénéficiaire doit mettre les fonds à la disposition du bénéficiaire immédiatement après qu’ils aient été crédités sur son compte de prestataire, sans que la date de valeur du crédit ne puisse lui être postérieure. Ces prescriptions sont impératives et visent à assurer la disponibilité rapide des fonds.
En cas de mauvaise exécution de l’opération, les frais et intérêts générés sont à la charge du prestataire responsable. Aucun frais ne peut être imputé au client pour l’information fournie ou pour les corrections apportées aux opérations, sauf dans des cas spécifiques de comportements anormaux du payeur.
Procédure collective : incidence sur les virements
La survenance d’une procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire) concernant l’un des participants à l’opération de virement soulève des questions complexes. Si le payeur est concerné, l’opposabilité du virement à la procédure dépend de la date d’irrévocabilité de l’ordre par rapport au jugement d’ouverture.
Si l’irrévocabilité de l’ordre intervient après le jugement d’ouverture, les fonds restent à la disposition de la procédure collective, et le virement est paralysé. En revanche, si l’irrévocabilité de l’ordre est antérieure au jugement, le droit du bénéficiaire est acquis, et le virement devrait être dénoué malgré l’ouverture de la procédure. La question de savoir si le paiement peut être remis en cause au titre de la période suspecte reste distincte et relève des relations entre le donneur d’ordre et le bénéficiaire.
Si c’est le bénéficiaire qui est en procédure collective, il peut toujours recevoir le virement. La loi ne prévoit pas d’opposition licite à l’exécution de l’ordre pour ce seul motif. Cependant, la réception des fonds dans son compte bancaire peut impacter le solde provisoire. Si ce solde est débiteur, le virement ne peut pas être crédité sur le compte après l’ouverture de la procédure pour se compenser avec le solde débiteur existant. Les démarches relatives à l’opposition ou la contestation d’un virement bancaire peuvent alors s’avérer nécessaires.
Enfin, si l’un des établissements bancaires intervenant dans l’opération est en procédure collective, les règles spécifiques des systèmes de règlements interbancaires s’appliquent. Les paiements effectués dans ce cadre ne peuvent être annulés en raison de l’ouverture d’une procédure collective contre l’un des banquiers participants, dès lors qu’ils sont intervenus avant l’expiration du jour où le jugement d’ouverture est rendu. Notre cabinet, avocat en droit bancaire et financier, dispose d’une expertise pour vous accompagner dans ces situations. De plus, les obligations de vigilance pour un virement international sont un aspect à ne pas négliger.
Le droit des virements est complexe et en constante évolution, notamment sous l’impulsion des directives européennes visant à sécuriser et fluidifier les transactions. Face à un virement non exécuté, retardé, ou en cas de litige, l’assistance d’un avocat est précieuse pour faire valoir vos droits.
Pour une analyse approfondie de votre situation et un conseil adapté, prenez contact avec notre équipe d’avocats.
Sources
- Code monétaire et financier
- Code civil
- Code de commerce
- Code de procédure pénale
- Directive 2007/64/CE du 13 novembre 2007 (DSP 1)
- Directive 2015/2366/UE du 25 novembre 2015 (DSP 2)