Le démarchage bancaire et financier est une pratique commerciale encadrée par un formalisme dense, destiné à protéger les épargnants et les emprunteurs. Souvent perçue comme intrusive, cette méthode de vente est pourtant légale si elle respecte un ensemble d’obligations précises. Notre cabinet constate que de nombreux litiges naissent d’une méconnaissance de ce cadre, tant par les consommateurs que par certains professionnels. Comprendre les règles qui régissent cette activité, détaillée dans le droit des établissements de crédit, est donc une première étape pour faire valoir ses droits. Pour une assistance personnalisée, notre équipe d’avocats compétents en droit bancaire et financier peut analyser votre situation.
Qu’est-ce que le démarchage bancaire et financier ? définition et portée
La loi ne laisse que peu de place à l’interprétation pour définir le démarchage. Il s’agit d’une notion juridique précise qui repose sur des critères factuels et non sur l’intention commerciale du démarcheur. Cette rigueur a pour objectif de soumettre un large éventail de pratiques à un régime protecteur pour le consommateur.
Une prise de contact non sollicitée : le critère clé (art. l. 341-1 cmf)
Le Code monétaire et financier est particulièrement clair sur ce point. Constitue un acte de démarchage toute prise de contact qui n’a pas été sollicitée par la personne démarchée. L’initiative du contact doit donc émaner du professionnel. Peu importe que le client ait, par le passé, montré un intérêt vague pour un type de produit. Si le professionnel est à l’origine de la démarche active et personnalisée en vue d’obtenir un accord, l’opération relève du régime du démarchage. L’article L. 341-1 du Code monétaire et financier vise également les visites physiques au domicile, sur le lieu de travail ou dans tout autre lieu non destiné à la commercialisation de produits financiers, même si le contact initial émane du client.
Les moyens de contact visés (téléphone, internet, physique)
La réglementation adopte une vision extensive des canaux de communication. Elle précise que le démarchage est caractérisé « par quelque moyen que ce soit ». Sont donc concernés les appels téléphoniques, l’envoi de courriers électroniques personnalisés, les contacts via les réseaux sociaux, les visites à domicile ou sur le lieu de travail. Cette approche large permet d’adapter la protection aux nouvelles technologies et aux nouvelles stratégies commerciales. Un simple courriel non sollicité proposant un produit financier spécifique peut ainsi être qualifié d’acte de démarchage.
Les services et opérations bancaires ou financiers concernés
Le champ d’application matériel du démarchage est lui aussi très large. La loi vise toute démarche en vue d’obtenir un accord sur la réalisation d’une opération de banque, au sens des articles L. 311-1 et L. 311-2 du Code monétaire et financier. Cela inclut :
- La réception de fonds du public (ouverture de comptes de dépôt).
- Les opérations de crédit (prêts à la consommation, crédits immobiliers).
- Les services de paiement.
- Les opérations connexes comme le change, les opérations sur or ou métaux précieux, ou encore le conseil en gestion de patrimoine.
- La fourniture de services d’investissement (gestion de portefeuille, conseil en investissement).
- Les opérations sur biens divers.
En somme, la quasi-totalité des services proposés par une banque ou une institution financière entre dans le périmètre de cette réglementation lorsqu’ils sont proposés via une prise de contact non sollicitée.
Les opérations expressément exclues du régime du démarchage
Pour ne pas paralyser l’activité commerciale normale des établissements financiers, le législateur a prévu des exceptions au régime strict du démarchage. Ces exclusions sont d’interprétation stricte et visent des situations où le consommateur est présumé moins vulnérable.
Contacts en locaux bancaires ou assurantiels
Toute démarche effectuée dans les agences et locaux d’un établissement de crédit, d’une entreprise d’investissement ou d’une compagnie d’assurance est exclue du régime du démarchage. La loi considère que le client qui se rend physiquement dans ces lieux fait une démarche volontaire et n’est pas pris au dépourvu. Il est donc dans une position qui ne nécessite pas la protection renforcée du démarchage.
Contacts avec la clientèle existante pour des opérations similaires
Lorsqu’un professionnel contacte un de ses clients existants, la démarche n’est pas qualifiée de démarchage si elle porte sur une opération de même nature que celles qui font déjà l’objet d’un contrat en cours. Par exemple, une banque qui contacte un client détenant un compte-titres pour lui proposer une nouvelle valeur mobilière n’effectue pas un acte de démarchage. L’idée est que le client est déjà familiarisé avec ce type d’opération et les risques associés.
Services spécifiques et crédits affectés (art. l. 341-2 cmf)
L’article L. 341-2 du Code monétaire et financier prévoit plusieurs autres exclusions notables. Les démarches visant à proposer des crédits affectés (par exemple, un crédit pour l’achat d’une automobile proposé sur le lieu de vente) ne sont pas soumises à ce régime. De même, les contrats de location-vente ou de location avec option d’achat, y compris pour des besoins professionnels, échappent à cette qualification. Ces exceptions s’expliquent par le contexte commercial spécifique dans lequel ces offres sont formulées, qui est déjà encadré par d’autres dispositions, notamment celles du Code de la consommation.
Les règles de bonne conduite et obligations des démarcheurs
Le démarchage n’est pas seulement une question de définition, c’est avant tout un ensemble d’obligations déontologiques et légales qui pèsent sur le professionnel. Ces règles visent à rééquilibrer la relation en assurant un consentement éclairé du client. Le non-respect de ces devoirs peut s’apparenter à des pratiques commerciales trompeuses.
Le devoir d’information préalable (situation financière, expérience, objectifs) (art. l. 341-11 cmf)
Avant de formuler la moindre offre, le démarcheur a l’obligation de s’enquérir de la situation personnelle de son interlocuteur. L’article L. 341-11 du Code monétaire et financier impose de recueillir des informations sur sa situation financière, son expérience en matière de placements et ses objectifs. Cette étape est fondamentale : elle doit permettre au professionnel de s’assurer que le produit ou service proposé est bien adapté au profil de la personne démarchée. Proposer un produit financier à haut risque à une personne sans expérience et aux revenus modestes constituerait une faute.
Le devoir de transparence et de clarté de l’information (art. l. 341-12 cmf)
Toutes les informations communiquées doivent être claires, exactes et non trompeuses. Le démarcheur doit remettre un certain nombre de documents et d’informations, notamment son identité, le nom de l’entreprise pour laquelle il agit, et les caractéristiques précises de l’opération proposée. L’article L. 341-12 du Code monétaire et financier insiste sur la nécessité de présenter les risques, les frais et les conditions de manière compréhensible. L’objectif est d’éviter que le client ne s’engage sur la base d’une présentation partielle ou biaisée des avantages du produit.
Le droit de rétractation du client démarché : modalités et délais (art. l. 341-16 cmf)
Le consommateur qui a signé un contrat dans le cadre d’un démarchage bénéficie d’un droit de rétractation. Il dispose d’un délai de quatorze jours calendaires pour changer d’avis, sans avoir à fournir de justification ni à supporter de pénalités. Ce délai, prévu par l’article L. 341-16 du Code monétaire et financier, commence à courir à compter du jour de la conclusion du contrat ou, si cette date est postérieure, du jour où le client reçoit les conditions contractuelles. L’exercice de ce droit met fin au contrat. Le démarcheur doit obligatoirement informer le client de l’existence de ce droit et lui fournir un formulaire type pour en faciliter l’usage.
Qui peut exercer le démarchage ? habilitation et fichier
L’activité de démarchage bancaire et financier n’est pas ouverte à tous. En raison des risques qu’elle comporte pour l’épargne du public, elle est réservée à des personnes et entités précisément identifiées et soumises à des conditions strictes d’honorabilité et de compétence.
Les personnes et entités habilitées (art. l. 341-3 et s. cmf)
Seules certaines catégories de professionnels sont autorisées à pratiquer le démarchage. Il s’agit principalement des établissements de crédit, des entreprises d’investissement, des entreprises d’assurance, ainsi que de leurs salariés. Peuvent également être habilités les intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement (IOBSP), dont les obligations légales sont spécifiques. Cette liste limitative garantit que le démarchage est exercé par des acteurs supervisés par les autorités de contrôle comme l’ACPR ou l’AMF.
L’inscription au fichier des démarcheurs (décret n° 2004-1018)
Pour assurer la traçabilité et le contrôle des personnes physiques pratiquant le démarchage, un fichier unique des démarcheurs a été créé. Géré par l’ORIAS (Organisme pour le registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance), ce fichier recense toutes les personnes habilitées. L’inscription est une condition nécessaire à l’exercice de l’activité. Elle permet de vérifier que le démarcheur remplit les conditions d’âge, d’honorabilité et de compétence professionnelle requises. Le public peut consulter ce registre pour s’assurer que la personne qui le contacte est bien autorisée à le faire.
Le mandat de démarchage : conditions et limites (art. l. 341-4 cmf)
Les entités habilitées peuvent mandater des personnes physiques ou, dans certains cas, des personnes morales pour exercer l’activité de démarchage en leur nom et pour leur compte. Ce mandat doit être écrit et préciser la nature des produits et services que le mandataire est autorisé à proposer. Le mandant, c’est-à-dire l’établissement financier, demeure entièrement responsable des actes de son mandataire. Il doit s’assurer que ce dernier respecte toutes les règles de bonne conduite et dispose d’une carte de démarchage en cours de validité.
Sanctions en cas de non-respect de la réglementation sur le démarchage
Le législateur a prévu un arsenal de sanctions pour réprimer les manquements aux règles du démarchage. Ces sanctions, qui peuvent être disciplinaires ou pénales, visent à la fois le démarcheur et l’établissement qui l’emploie ou le mandate. Elles rappellent que la protection de l’épargnant est une priorité et que les pratiques commerciales agressives sont sévèrement réprimées.
Sanctions disciplinaires (acpr, amf) (art. l. 341-17 cmf)
Les autorités de tutelle, comme l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) pour les banques ou l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) pour les produits financiers, peuvent prononcer des sanctions disciplinaires. Celles-ci peuvent aller du simple avertissement ou blâme à des mesures plus sévères comme l’interdiction temporaire ou définitive d’exercer l’activité. Des sanctions pécuniaires importantes peuvent également être infligées à l’encontre de l’établissement fautif, en application de l’article L. 341-17 du Code monétaire et financier.
Sanctions pénales (art. l. 353-1 cmf)
Le non-respect de la réglementation sur le démarchage peut également constituer une infraction pénale. L’article L. 353-1 du Code monétaire et financier punit de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende le fait de se livrer à une activité de démarchage sans y être habilité, sans détenir de carte de démarchage, ou en ne respectant pas le droit de rétractation du client. D’autres infractions, comme l’escroquerie ou l’abus de faiblesse, peuvent également être retenues selon les circonstances.
L’accompagnement d’un avocat face au démarchage bancaire et financier
La complexité des règles applicables au démarchage et la technicité des produits financiers proposés peuvent placer le consommateur en situation de vulnérabilité. Un engagement pris à la suite d’une démarche insistante ou d’informations incomplètes peut avoir des conséquences financières lourdes. L’intervention d’un avocat permet d’analyser la situation au regard de la loi, de vérifier si l’ensemble des obligations du professionnel a été respecté et, le cas échéant, de contester la validité du contrat. Il peut s’agir de faire valoir un droit de rétractation tardif en cas de défaut d’information, d’engager une action en nullité du contrat pour non-respect des règles de forme ou de rechercher la responsabilité du démarcheur et de son mandant pour manquement au devoir de conseil. Si vous estimez avoir été victime de pratiques de démarchage abusives, notre cabinet, expert en droit bancaire et financier, est à votre disposition pour défendre vos intérêts.
Sources
- Code monétaire et financier, articles L. 341-1 et suivants.
- Code monétaire et financier, articles L. 353-1 et suivants.
- Décret n° 2004-1018 du 28 septembre 2004 relatif au fichier des personnes habilitées à exercer une activité de démarchage bancaire ou financier.
- Décret n° 2004-1019 du 28 septembre 2004 relatif au démarchage bancaire ou financier.