L’industrie bancaire, pilier fondamental de notre économie moderne, est soumise à une réglementation stricte. Cette régulation trouve sa justification dans la nécessité de protéger les déposants et d’assurer la stabilité du système financier.
Pourquoi un agrément est-il nécessaire ?
L’agrément bancaire représente la pierre angulaire du contrôle exercé sur le secteur financier. Il constitue une autorisation administrative obligatoire pour exercer des activités bancaires et financières réglementées.
L’article L. 511-10 du Code monétaire et financier définit l’agrément comme la condition sine qua non pour effectuer des opérations de banque. Cette exigence découle d’un double impératif : protéger l’épargne du public et garantir la stabilité du système financier.
La Cour de cassation, dans un arrêt d’assemblée plénière du 4 mars 2005, a souligné l’importance de cet agrément, tout en précisant que son absence n’entraînait pas automatiquement la nullité des contrats conclus par l’établissement non agréé.
Les différentes catégories d’établissements de crédit
Le paysage bancaire français se caractérise par une diversité d’acteurs aux statuts juridiques variés.
Banques universelles
Ces établissements peuvent réaliser toutes les opérations de banque. Ils constituent le modèle traditionnel de la banque commerciale, capable de collecter des dépôts, d’octroyer des crédits et de gérer des moyens de paiement.
Banques coopératives et mutualistes
Crédit Agricole, Banques Populaires, Crédit Mutuel – ces réseaux mutualistes ou coopératifs représentent une part significative du marché bancaire français. Leur particularité ? Elles appartiennent à leurs sociétaires et non à des actionnaires classiques.
L’article L. 512-1 et suivants du Code monétaire et financier encadre spécifiquement leur fonctionnement.
Sociétés de financement
Introduites par l’ordonnance n° 2013-544 du 27 juin 2013, ces entités sont définies à l’article L. 511-1 du Code monétaire et financier comme des « personnes morales, autres que des établissements de crédit, qui effectuent à titre de profession habituelle et pour leur propre compte des opérations de crédit ».
Elles ne peuvent pas recevoir de dépôts du public, ce qui les distingue fondamentalement des banques.
Établissements de crédit spécialisés
Ces structures ne peuvent effectuer que les opérations bancaires mentionnées dans leur agrément ou résultant des dispositions législatives qui leur sont propres. On retrouve dans cette catégorie les anciens établissements financiers spécialisés.
Conditions et procédure d’agrément
Le processus d’agrément est strictement encadré par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).
Exigences financières
Le capital minimum requis varie selon le type d’établissement :
- 5 millions d’euros pour les banques et banques mutualistes
- Des montants variables pour les autres types d’établissements
Cette exigence de capital minimum, prévue à l’article L. 511-11 du Code monétaire et financier, vise à garantir la solidité financière de l’établissement.
Exigences concernant les dirigeants
Les « quatre yeux » – c’est la règle qui impose que l’établissement soit dirigé par au moins deux personnes. Ces dernières doivent présenter l’honorabilité, la compétence et l’expérience nécessaires, comme l’exige l’article L. 511-10 du Code monétaire et financier.
Un simple contrôle ACPR sur casier judiciaire? Pas seulement. L’évaluation des compétences s’avère particulièrement approfondie.
Qualité des apporteurs de capitaux
La réglementation impose un examen minutieux de l’identité et de la qualité des actionnaires détenteurs d’une participation qualifiée. Cette vérification s’inscrit dans une démarche préventive contre le blanchiment d’argent.
Moyens techniques et humains
L’établissement doit démontrer sa capacité opérationnelle à exercer l’activité envisagée. Cela implique des locaux adaptés, des systèmes informatiques sécurisés et un personnel qualifié.
Le « passeport européen » bancaire
Innovation majeure du droit bancaire européen, le passeport européen permet à un établissement agréé dans un État membre d’exercer ses activités dans l’ensemble de l’Union Européenne.
Principe de reconnaissance mutuelle
Ce principe, consacré par la directive 2000/12/CE puis la directive 2013/36/UE, permet à un établissement bancaire agréé dans un État membre de bénéficier d’une reconnaissance automatique de son agrément dans les autres États membres.
Surveillance par l’État d’origine
Le contrôle prudentiel reste de la compétence de l’État d’origine, conformément au principe du « home country control ». Cette règle peut créer des tensions si les standards de supervision varient entre pays membres.
Dans l’affaire C-452/04 du 3 octobre 2006, la CJCE a précisé que le droit communautaire n’interdisait pas l’exigence d’un agrément national pour l’octroi de crédits par une société établie dans un État tiers.
Retrait et absence d’agrément : conséquences juridiques
Le retrait d’agrément peut intervenir à la demande de l’établissement ou être décidé par l’ACPR. Les causes possibles incluent le non-respect des conditions initiales d’agrément ou l’inactivité prolongée.
L’article L. 511-15 du Code monétaire et financier précise les modalités de ce retrait, qui entraîne généralement la liquidation de l’établissement.
Quant à l’absence d’agrément, si elle constitue une infraction pénale (article L. 571-3 du Code monétaire et financier), elle n’entraîne pas systématiquement la nullité des contrats conclus, selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation, notamment dans les arrêts des 28 novembre 2006 et 3 juillet 2007.
La chambre commerciale de la Cour de cassation l’a encore rappelé dans un arrêt du 15 juin 2022 (n° 20-22.160) : « Le seul fait qu’une opération de crédit ait été conclue en méconnaissance de cette interdiction n’est pas de nature à en entraîner l’annulation ».
Pourquoi? Car la nullité sanctionnerait indirectement le client qui cherche précisément à être protégé par la législation bancaire.
Sources
- Code monétaire et financier, articles L. 511-1 à L. 511-17, L. 571-3, L. 512-1 et suivants
- Ordonnance n° 2013-544 du 27 juin 2013 relative aux établissements de crédit et aux sociétés de financement
- Directive 2013/36/UE concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit
- Cass. ass. plén., 4 mars 2005, n° 03-11.725
- Cass. com., 28 novembre 2006, D. 2007. AJ 13
- Cass. com., 3 juillet 2007, D. 2007. AJ 2029
- Cass. com., 15 juin 2022, n° 20-22.160
- CJCE, 3 octobre 2006, affaire C-452/04