L’exploitation d’un établissement hôtelier en France représente une aventure entrepreneuriale passionnante, au cœur d’un secteur dynamique mais aussi fortement encadré. Naviguer dans le dédale des règles juridiques et réglementaires peut s’avérer complexe pour un professionnel, qu’il soit nouveau venu ou acteur établi. Une bonne compréhension de ce cadre est pourtant indispensable pour sécuriser son activité, optimiser sa gestion et éviter des déconvenues coûteuses. Cet article vise à éclairer les aspects fondamentaux : qu’est-ce qu’une entreprise hôtelière aux yeux de la loi, comment fonctionne le classement officiel, quelles sont les particularités du bail hôtelier et quelles obligations réglementaires ne peuvent être ignorées ? Il approfondit certains points essentiels de ce cadre général des droits et obligations en hôtellerie.
Définir l’entreprise hôtelière : plus qu’une simple location
Pour commencer, il faut bien cerner ce que recouvre la notion d’hôtel sur le plan juridique. Le code du tourisme, dans son article D. 311-4, le définit comme un « établissement commercial d’hébergement classé, qui offre des chambres ou des appartements meublés en location à une clientèle de passage ». La clé ici est double : il s’agit d’une activité commerciale et elle ne se limite pas à la simple mise à disposition d’un logement meublé.
Contrairement à une location meublée classique, l’hôtellerie implique nécessairement la fourniture de services annexes. Pensez au nettoyage régulier des chambres, à la fourniture du linge de maison, souvent à un service de réception. C’est cet ensemble de prestations qui distingue fondamentalement l’hôtel et justifie son régime propre. Cette nature commerciale a des conséquences directes, notamment sur le choix de la structure juridique de l’entreprise et l’application des règles du droit commercial, y compris pour le contrat d’hôtellerie et les droits et devoirs du client.
Bien souvent, l’offre hôtelière s’enrichit de services complémentaires. Un restaurant ou un bar au sein de l’établissement sont des exemples fréquents. Leur présence entraîne des obligations supplémentaires pour l’exploitant, notamment en matière d’hygiène alimentaire (réglementation issue du code de la santé publique) ou d’obtention des licences nécessaires pour le débit de boissons.
Le code du tourisme reconnaît également la notion d’« hôtel saisonnier », défini comme un établissement dont la durée d’ouverture n’excède pas neuf mois par an. Cette qualification n’est pas anodine : elle a un impact direct en droit du travail. En effet, l’article D. 1251-1 du code du travail autorise, dans les secteurs où c’est l’usage constant comme l’hôtellerie saisonnière, le recours à des contrats à durée déterminée dits « d’usage ». Cette flexibilité permet aux établissements dont l’activité fluctue fortement avec les saisons d’adapter leur personnel sans avoir à justifier des motifs classiques de recours au CDD. C’est une particularité importante à connaître pour la gestion des ressources humaines.
Enfin, il est utile de distinguer l’hôtel d’autres formes d’hébergement touristique réglementées, comme les résidences de tourisme, les meublés de tourisme (type Airbnb encadré), les chambres d’hôtes ou encore les villages de vacances, chacun répondant à des définitions et des règles spécifiques.
Le classement des hôtels : un repère pour les clients, un enjeu pour l’exploitant
Si tous les hôtels ne sont pas classés, l’obtention d’étoiles constitue une démarche stratégique pour de nombreux exploitants. Ce classement, allant de 1 à 5 étoiles, offre une meilleure visibilité et fournit une information standardisée aux clients potentiels sur le niveau d’équipement et de service attendu. Bien que facultatif, il est souvent perçu comme un gage de qualité et un outil de positionnement marketing non négligeable, d’autant que le classement est publié gratuitement par Atout France, l’agence de développement touristique de la France.
Les critères de classement sont régulièrement mis à jour (une révision intervient tous les cinq ans) et couvrent principalement trois domaines : la qualité des équipements (taille des chambres, literie, sanitaires…), le service offert au client (réception, langues parlées, petit-déjeuner…) et les aspects liés à l’accessibilité pour les personnes handicapées et au développement durable. Pour les établissements visant le sommet de la gamme, la distinction « Palace » peut être sollicitée en complément du classement 5 étoiles, sur la base de critères plus subjectifs comme l’histoire du lieu ou l’excellence du service.
La procédure pour obtenir ou renouveler un classement est formalisée. L’exploitant doit mandater un organisme évaluateur indépendant, accrédité par le Comité français d’accréditation (COFRAC) ou un équivalent européen. Cet organisme réalise une visite de contrôle et établit un certificat attestant (ou non) de la conformité de l’établissement aux exigences de la catégorie visée. C’est sur la base de ce rapport que l’exploitant transmet sa demande à Atout France, qui prononce alors la décision de classement.
Une fois classé, l’hôtel doit obligatoirement apposer un panonceau officiel sur sa façade, indiquant sa catégorie. Le non-respect des règles liées au classement (informations erronées, mauvais entretien grave de l’établissement) peut entraîner des sanctions administratives, comme la radiation de la liste des hôtels classés prononcée par le préfet, ou des sanctions pénales sous forme d’amendes. Pour soutenir les efforts de modernisation, des dispositifs d’aide financière, tel que le prêt participatif pour la rénovation hôtelière (PPRH) géré par Bpifrance, peuvent être mobilisés par les exploitants souhaitant rénover en vue d’un classement.
Le bail hôtelier : un bail commercial aux règles adaptées
Lorsqu’un hôtelier n’est pas propriétaire des murs de son établissement, la relation avec le bailleur est encadrée par un contrat de bail. Ce bail est, par principe, soumis au statut protecteur des baux commerciaux régi par les articles L. 145-1 et suivants du code de commerce. Cela signifie notamment que le locataire hôtelier bénéficie, comme tout commerçant locataire, du droit au renouvellement de son bail ou, à défaut, à une indemnité d’éviction.
Cependant, la nature même de l’activité hôtelière justifie certaines adaptations par rapport au régime général des baux commerciaux. La plus évidente concerne la sous-location : alors que l’article L. 145-31 du code de commerce interdit en principe au locataire de sous-louer sans l’accord du bailleur, cette interdiction ne trouve pas à s’appliquer à l’hôtelier. La sous-location des chambres aux clients de passage est l’essence même de son métier et ne peut donc lui être reprochée.
Le point le plus spécifique concerne les travaux d’amélioration et d’équipement que le locataire hôtelier pourrait souhaiter réaliser dans les lieux loués. Le code du tourisme (articles L. 311-1 et suivants) prévoit un régime particulier, globalement favorable au locataire. Pour les travaux courants d’amélioration (installation de climatisation, rénovation de salles de bain, etc.), même s’ils modifient la distribution intérieure, le propriétaire ne peut pas s’y opposer, à condition qu’ils ne touchent pas au gros œuvre.
En revanche, une procédure stricte doit impérativement être suivie par le locataire avant le début des travaux. Il doit notifier son intention au propriétaire par lettre recommandée avec accusé de réception, en joignant plans et devis. Cette notification est essentielle. Son omission, même si le bailleur était au courant ou d’accord verbalement, peut avoir des conséquences très lourdes : le bailleur pourrait alors demander une augmentation immédiate du loyer tenant compte des améliorations (déplafonnement), voire demander la résiliation du bail pour manquement contractuel. Imaginez la mauvaise surprise de réaliser des investissements importants et de voir votre loyer augmenter significativement faute d’avoir respecté cette formalité !
Si les travaux envisagés affectent le gros œuvre de l’immeuble, l’accord préalable et exprès du propriétaire est nécessaire. Ce dernier a deux mois pour répondre à la demande du locataire ; son silence vaut acceptation. En cas de refus, le locataire peut saisir une commission départementale spécifique pour tenter d’obtenir une autorisation.
L’autre avantage majeur de respecter cette procédure de notification est financier. L’article L. 311-3 du code du tourisme prévoit que si le locataire a correctement notifié ses travaux (non structurels ou autorisés), le bailleur ne pourra pas invoquer l’incorporation de ces améliorations à l’immeuble pour augmenter le loyer pendant une durée de douze ans suivant leur achèvement. C’est un délai protecteur important pour l’exploitant qui investit. La jurisprudence a précisé que si ce délai de 12 ans expire en cours de bail renouvelé, le bailleur peut alors demander une augmentation de loyer (par paliers) pour tenir compte de ces améliorations devenues « acquises » à l’immeuble.
Concernant la fixation du loyer lors du renouvellement du bail, les règles classiques des baux commerciaux s’appliquent, avec une attention particulière à la notion de « monovalence » (article R. 145-10 du code de commerce). Si l’immeuble est considéré comme construit ou aménagé en vue d’une seule utilisation (ce qui est souvent le cas pour un hôtel, même avec restaurant/bar), le loyer peut être fixé selon les usages observés dans la branche d’activité, c’est-à-dire souvent selon la méthode hôtelière (pourcentage du chiffre d’affaires ou de la recette théorique).
Enfin, à la fin du bail, le locataire n’est pas tenu de remettre les lieux dans leur état antérieur aux travaux régulièrement réalisés. Si le bailleur refuse le renouvellement sans motif légitime, l’indemnité d’éviction due au locataire devra tenir compte de la plus-value apportée au fonds de commerce par ces travaux. Si l’hôtelier est propriétaire des murs et du fonds et cède l’ensemble, il faut savoir que le mobilier indispensable à l’exploitation est souvent considéré par les tribunaux comme « immeuble par destination » (sur la base de l’article 524 du code civil), ce qui signifie qu’il est vendu avec l’immeuble et ne peut faire l’objet de saisies mobilières séparées.
Il est à noter que le mécanisme spécifique du « warrant hôtelier », qui permettait autrefois de garantir un prêt sur le matériel de l’hôtel, a été abrogé par une ordonnance de 2021 et n’est donc plus utilisable.
Accessibilité et sécurité : des obligations incontournables
Au-delà du bail, l’exploitant hôtelier est soumis à des réglementations transversales importantes, car son établissement est un Établissement Recevant du Public (ERP).
L’accessibilité aux personnes handicapées est une obligation légale majeure (article L. 111-7 et suivants du code de la construction et de l’habitation – CCH). Les hôtels doivent être conçus ou aménagés pour permettre l’accès et la circulation de tous, quel que soit le type de handicap (moteur, sensoriel, cognitif…). Cela concerne l’architecture (rampes, portes larges), les équipements (sanitaires adaptés, ascenseurs si capacité > 50 personnes), la signalétique, ou encore les places de stationnement réservées. Pour les établissements existants qui n’étaient pas conformes, le dispositif des Agendas d’Accessibilité Programmée (Ad’AP) a permis de planifier les travaux sur plusieurs années, mais l’obligation de mise en conformité demeure. Le non-respect peut entraîner des sanctions administratives (fermeture) et pénales (amendes pouvant atteindre 45 000 euros selon l’article L. 152-4 du CCH).
La sécurité incendie est une autre préoccupation primordiale (articles R. 123-2 et suivants du CCH). L’exploitant a une responsabilité directe dans la prévention des risques. Il doit respecter des normes strictes concernant les matériaux de construction, les issues de secours, les systèmes d’alarme et d’extinction, l’éclairage de sécurité, et l’installation de détecteurs de fumée dans les chambres. La formation du personnel aux procédures d’évacuation et à la manipulation des extincteurs est également essentielle. Un manquement à ces règles peut non seulement entraîner la fermeture administrative de l’hôtel, mais aussi engager la responsabilité civile et pénale de l’exploitant en cas d’incendie, même d’origine accidentelle ou criminelle, si des négligences ont contribué au sinistre ou à ses conséquences. Pour une analyse approfondie des différentes facettes de la responsabilité de l’hôtelier, notamment en cas de dommages aux clients ou à leurs biens, vous pouvez consulter notre article dédié.
D’autres normes techniques s’appliquent, notamment en matière d’isolation thermique et acoustique, visant à assurer le confort des clients et le respect de l’environnement. Si les obligations légales en matière de développement durable sont encore limitées pour beaucoup d’hôtels, les certifications environnementales volontaires (Ecolabel européen, Clef Verte…) deviennent des arguments commerciaux de plus en plus valorisés par la clientèle.
Enfin, il faut noter qu’une protection spécifique qui existait autrefois pour l’hôtelier a disparu : le « privilège de l’hôtelier », prévu par l’ancien article 2332 du code civil, a été abrogé par l’ordonnance du 15 septembre 2021. Cela signifie que l’hôtelier ne bénéficie plus d’un droit prioritaire sur les biens de son client pour garantir le paiement de sa créance, ni d’un droit de rétention spécifique sur ces biens. En cas d’impayé, il doit désormais utiliser les voies de recouvrement de droit commun.
Pour vous assurer que votre établissement respecte l’ensemble de ces réglementations complexes ou pour revoir votre bail hôtelier, notre équipe, experte en droit commercial, se tient à votre disposition.
Sources
- Code du tourisme
- Code de commerce
- Code civil
- Code de la construction et de l’habitation
- Code du travail
- Code de la santé publique
- Ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés