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Invoquer la péremption d’instance : modalités et stratégies

Table des matières

La péremption d’instance, cette sanction procédurale méconnue, constitue une arme redoutable dans l’arsenal juridique. Elle permet d’éteindre une instance lorsque les parties restent inactives pendant deux ans. Mais qui peut s’en prévaloir et comment l’invoquer efficacement?

Qui peut invoquer la péremption et comment?

L’article 387 du code de procédure civile établit clairement que « la péremption peut être demandée par l’une quelconque des parties ». Cette formulation ne laisse place à aucune ambiguïté – toute partie à l’instance, qu’elle soit demanderesse ou défenderesse, peut invoquer cet incident procédural.

La Cour de cassation a confirmé cette interprétation large dans plusieurs arrêts, notamment dans sa décision du 28 juin 2012 (Civ. 2e, n° 11-17.873) où elle précise que « les diligences de l’une quelconque des parties interrompent le délai de péremption ». Par extension logique, chacune d’elles peut donc s’en prévaloir.

Pour que la péremption opère, elle doit être constatée par le juge. Elle n’intervient jamais automatiquement, contrairement à certaines prescriptions.

Les deux voies d’invocation par les parties

Deux chemins s’offrent aux plaideurs pour invoquer la péremption :

  • Par voie d’action : lorsqu’une partie constate l’écoulement du délai de deux ans sans diligence et demande directement au juge de constater la péremption.
  • Par voie d’exception : lorsqu’une partie oppose ce moyen à son adversaire qui vient d’accomplir un acte après l’expiration du délai de péremption.

Contrairement au régime antérieur (sous l’empire de l’ancien code de procédure civile de 1806), il est désormais impossible de « couvrir » la péremption par l’accomplissement d’une diligence tardive. L’article 387, alinéa 2 permet explicitement d’opposer la péremption « à la partie qui accomplit un acte après l’expiration du délai ».

Cette évolution marque un tournant dans la conception de la péremption, passée d’une présomption d’abandon à une véritable sanction de l’inaction procédurale.

L’innovation de 2017 : la péremption soulevée d’office

Jusqu’au décret n° 2017-892 du 6 mai 2017, le juge n’avait pas le pouvoir de soulever d’office la péremption. Cette faculté constitue une innovation majeure.

Désormais, l’article 388, alinéa 2 du code de procédure civile autorise le juge à constater d’office la péremption « après avoir invité les parties à présenter leurs observations ». Cette dernière exigence rappelle l’obligation fondamentale du respect du contradictoire, conformément à l’article 16 du même code.

Cette réforme révèle la volonté du législateur de désencombrer les juridictions en permettant l’extinction d’instances dormantes. Elle transforme la péremption en un véritable outil de gestion du flux des affaires.

Les aspects procéduraux cruciaux

Quand invoquer la péremption?

La péremption doit être invoquée une fois le délai de deux ans expiré, mais pas avant. Cette règle, qui découle des articles 386 et 387 du code de procédure civile, a été confirmée par la jurisprudence (Civ. 2e, 23 oct. 1974, n° 73-12.960).

Plus important encore, l’article 388, alinéa 1er impose que « la péremption doit, à peine d’irrecevabilité, être demandée ou opposée avant tout autre moyen ». Le non-respect de cette règle entraîne l’irrecevabilité de l’incident.

Concrètement, si vous avez déjà conclu au fond, soulevé une exception d’incompétence ou invoqué la nullité du jugement de première instance, vous avez renoncé implicitement à invoquer la péremption (Civ. 2e, 15 févr. 1995, n° 93-13.960).

Quel juge saisir?

Devant le tribunal judiciaire ou la cour d’appel, lorsque l’affaire a été confiée à un magistrat de la mise en état, c’est lui qui détient la compétence exclusive pour connaître de l’incident de péremption.

L’article 789, 1° du code de procédure civile (pour le tribunal judiciaire) et l’article 907 (pour la cour d’appel) établissent clairement cette compétence exclusive. Le non-respect de cette règle entraîne l’irrecevabilité de la demande.

Quelle forme adopter?

Les textes n’exigent aucune forme particulière. Toutefois, en cas de représentation obligatoire, la demande doit être formée par acte d’avocat, par voie de conclusions.

Une particularité jurisprudentielle mérite d’être soulignée : il est possible d’invoquer la péremption et de conclure au fond dans les mêmes conclusions, mais uniquement à titre subsidiaire (Civ. 2e, 11 janv. 1995, n° 92-13.102).

La décision du juge et les voies de recours

Le caractère automatique de la péremption

Lorsque les conditions sont réunies, le juge est tenu de constater la péremption. L’article 388, alinéa 1er précise qu’elle « est de droit ». Cette formulation contraste avec l’ancien régime qui laissait au juge une marge d’appréciation.

La jurisprudence confirme cette automaticité : le juge doit simplement vérifier si les conditions objectives de la péremption sont réunies (Civ. 2e, 8 déc. 2005, n° 03-19.947).

Les recours possibles

La décision statuant sur la péremption d’instance est susceptible de recours selon des règles spécifiques :

  • Pour un jugement en premier ressort qui accueille l’incident : appel immédiat possible (article 544, alinéa 2 CPC)
  • Pour un jugement rejetant l’incident : appel uniquement avec le jugement sur le fond (article 545 CPC)
  • Pour une ordonnance du juge de la mise en état : appel dans les 15 jours de sa signification (article 795 CPC)
  • Pour une ordonnance du conseiller de la mise en état : déféré à la cour dans les 15 jours (article 916 CPC)

La Cour de cassation a clarifié que même l’ordonnance rejetant l’incident de péremption peut faire l’objet d’un recours, car il s’agit d’un incident « de nature à mettre fin à l’instance » (Civ. 2e, 18 avr. 2019, n° 17-21.189).

Stratégies contentieuses autour de la péremption

Pour celui qui souhaite s’en prévaloir

  1. Surveiller attentivement les délais : tenir un calendrier précis des dernières diligences accomplies.
  2. Ne pas agir prématurément : attendre l’écoulement complet du délai de deux ans.
  3. Ne jamais conclure au fond avant d’invoquer la péremption : ou vous perdrez définitivement ce moyen.
  4. Vérifier l’absence de diligences interruptives : explorer minutieusement le dossier pour s’assurer qu’aucun acte n’a interrompu le délai.

Pour celui qui souhaite s’en prémunir

  1. Accomplir régulièrement des actes de procédure : chaque diligence interrompt le délai qui repart à zéro.
  2. Demander un sursis à statuer : selon l’article 392, alinéa 2 du CPC, il interrompt le délai de péremption.
  3. Solliciter l’aide juridictionnelle : elle interrompt également le délai (Civ. 2e, 19 nov. 2009, n° 08-16.698).
  4. En appel, après avoir conclu dans les délais des articles 908 et 909 : demander au conseiller de la mise en état de fixer l’affaire (Civ. 2e, 16 déc. 2016, n° 15-27.917).

La péremption représente une technique contentieuse puissante dont l’usage requiert une parfaite maîtrise des règles procédurales. Son maniement délicat exige une analyse approfondie du dossier et une vigilance constante. Un avocat expérimenté peut transformer cet incident en un atout décisif dans votre stratégie judiciaire ou vous prémunir contre son invocation par votre adversaire.

Les conséquences de la péremption étant substantielles, particulièrement en appel où elle confère force de chose jugée au jugement attaqué, il serait imprudent de naviguer seul dans ces eaux procédurales complexes. Notre cabinet peut vous accompagner dans l’élaboration d’une stratégie adaptée à votre situation.

Sources

  • Articles 386 à 393 du code de procédure civile
  • Décret n° 2017-892 du 6 mai 2017
  • Civ. 2e, 28 juin 2012, n° 11-17.873
  • Civ. 2e, 23 oct. 1974, n° 73-12.960
  • Civ. 2e, 15 févr. 1995, n° 93-13.960
  • Civ. 2e, 11 janv. 1995, n° 92-13.102
  • Civ. 2e, 8 déc. 2005, n° 03-19.947
  • Civ. 2e, 18 avr. 2019, n° 17-21.189
  • Civ. 2e, 16 déc. 2016, n° 15-27.917
  • Civ. 2e, 19 nov. 2009, n° 08-16.698
  • VEYRE Liza, « Péremption d’instance », Répertoire de procédure civile, Dalloz, février 2020

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