Recevoir un courrier de commissaire de justice (anciennement huissier) et ne pas pouvoir payer la somme réclamée est une situation angoissante. Pourtant, ignorer le problème est la pire des stratégies pour éviter des conséquences plus graves. Des solutions concrètes existent pour faire face à la situation, négocier et, si nécessaire, contester la dette. La clé est de réagir de manière informée et rapide. Notre cabinet vous guide à travers les étapes et les recours pour défendre efficacement vos droits.
I. Comprendre le rôle du commissaire de justice (ex-huissier)
Le commissaire de justice est un officier public et ministériel. Ce statut lui confère le monopole de l’exécution forcée des décisions de justice, ce qui le distingue fondamentalement d’une simple société de recouvrement de créances. Son intervention vise à obtenir le paiement d’une dette, en agissant comme intermédiaire entre le créancier et le débiteur.
Quel est son rôle et ses pouvoirs ?
Le rôle du commissaire de justice varie selon la phase de la procédure de recouvrement. Il peut agir de manière amiable pour trouver un accord, mais il est surtout connu pour ses pouvoirs d’exécution forcée. Lorsqu’il est en possession d’un titre exécutoire, il peut mettre en œuvre une mesure coercitive pour recouvrer la créance. Parmi ses prérogatives, il peut procéder à une saisie sur vos comptes bancaires, une saisie sur votre salaire ou encore une saisie de vos biens meubles à votre domicile.
Quand intervient-il : la phase amiable vs la phase judiciaire
L’intervention du commissaire de justice se déroule en deux temps. La phase de recouvrement amiable intervient avant toute décision de justice. Le créancier le mandate pour tenter d’obtenir un paiement volontaire. À ce stade, le commissaire de justice vous adressera une lettre, une sommation de payer, et pourra vous proposer un arrangement ou un échéancier. Aucune mesure de saisie ne peut être engagée sans obtenir un titre exécutoire.
Si la phase amiable échoue ou si le créancier dispose déjà d’une décision de justice, la procédure judiciaire devient effective. Armé d’un titre exécutoire (un jugement ou une ordonnance portant injonction de payer, par exemple), le commissaire de justice peut alors contraindre le débiteur à payer par des mesures d’exécution forcée. La loi ne fixe aucun montant minimum pour qu’un huissier intervienne, même si en pratique, les petites créances sont rarement poursuivies par cette voie en raison des frais de procédure souvent supérieurs au montant de la créance elle-même. Son intervention est régie par un tarif qui peut inclure un droit de recouvrement proportionnel, dont le taux est fixé par décret.
II. Le rôle clé du tiers saisi (banque, employeur) : vos droits et ses obligations
Lorsqu’une saisie est pratiquée sur vos revenus ou votre compte bancaire, un acteur essentiel entre en jeu : le tiers saisi. Il s’agit de la personne ou de l’entité qui détient les fonds pour votre compte, le plus souvent votre banque ou votre employeur. Comprendre ses obligations est un levier de défense, une possibilité d’action souvent méconnue du débiteur.
Qui est le tiers saisi et quelles sont ses obligations de déclaration ?
Le tiers saisi est le débiteur de votre débiteur. Quand un commissaire de justice procède à une saisie-attribution sur votre compte, la banque devient tiers saisi. Pour une saisie des rémunérations, c’est votre employeur. La loi leur impose une obligation d’information stricte et immédiate. Selon l’article L. 211-3 du Code de procédure civile d’exécution (CPCE), le tiers saisi est tenu de déclarer « sur-le-champ » au commissaire de justice l’étendue de ses obligations à votre égard. Il doit notamment préciser le solde de vos comptes ou la nature de votre contrat de travail et indiquer si d’autres saisies sont déjà en cours. Une déclaration tardive, inexacte ou un refus de déclaration expose le tiers saisi à des sanctions, pouvant aller jusqu’à le condamner à payer lui-même la dette à votre place.
Que se passe-t-il si le tiers saisi refuse de payer ?
Si le tiers saisi, après avoir reconnu détenir des fonds vous appartenant, refuse de les verser au créancier, la situation se complexifie. Le créancier peut alors saisir le Juge de l’Exécution (JEX) pour trancher ce litige. Conformément à l’article R. 211-9 du CPCE, si le juge constate le refus injustifié du tiers saisi, il peut délivrer un titre exécutoire directement à son encontre. Cela signifie que le créancier pourra alors engager des mesures de saisie non plus contre vous, mais directement contre votre banque ou votre employeur défaillant. Il est dans votre intérêt que cette procédure soit respectée.
III. Vérifier la légitimité de la dette avant de payer
Avant d’envisager toute forme de paiement, il est essentiel de procéder à un audit rigoureux de la créance réclamée. Une dette peut être illégitime pour plusieurs raisons : elle peut être prescrite, le titre exécutoire peut être invalide, ou son montant peut être contestable. Il faut avant tout vérifier la nature du document reçu : est-ce une simple lettre de relance ou un acte ayant une portée légale ?
Les délais de prescription : une arme pour le débiteur
Un créancier ne peut pas agir indéfiniment. Passé un certain délai, une dette est « prescrite » : elle existe toujours, mais ne peut plus faire l’objet d’un recouvrement forcé en justice. La question des délais de prescription des créances est donc un point à vérifier en priorité. Les principaux délais sont :
- 5 ans pour les créances civiles et commerciales (facture impayée, etc.) (art. 2224 du Code civil).
- 2 ans pour les crédits à la consommation (art. L. 218-2 C. conso), souvent assortis d’un taux d’intérêt élevé.
- 3 ans pour les loyers et charges impayés (art. 7-1 de la loi du 6 juillet 1989).
Interruption et suspension : les subtilités qui relancent le compteur
Attention, le décompte de la prescription n’est pas toujours linéaire. Il faut distinguer deux mécanismes pour éviter les erreurs :
- L’interruption : certains actes effacent le délai déjà écoulé et font repartir un nouveau délai pour la même durée. Une action en justice, une mesure d’exécution forcée ou même une reconnaissance de dette de votre part (par exemple, en acceptant un échéancier de paiement) interrompent la prescription.
- La suspension : elle met le décompte en pause, sans effacer le temps déjà couru. Le délai recommence à courir là où il s’était arrêté une fois l’obstacle disparu (par exemple, le temps d’une médiation).
Une simple lettre recommandée de mise en demeure, même si elle a une valeur légale, n’interrompt pas la prescription. Seuls des actes juridiques précis, comme une assignation au tribunal ou une ordonnance portant injonction de payer, ont cet effet.
Le titre exécutoire est-il valide ?
Pour procéder à une saisie, le commissaire de justice doit détenir un titre exécutoire. La liste de ces titres est fixée par l’article L. 111-3 du CPCE (jugement, acte notarié revêtu de la formule exécutoire, etc.). Il est crucial de vérifier plusieurs points :
- La formule exécutoire : Le document doit comporter la formule « En conséquence, la République française mande et ordonne… ».
- La signification : Le jugement ou l’acte a-t-il été correctement porté à votre connaissance ? Une signification irrégulière peut vicier toute la procédure d’exécution.
- La date : Un titre exécutoire issu d’une décision de justice se prescrit par 10 ans.
N’hésitez pas à demander une copie du titre exécutoire qui fonde les poursuites pour l’examiner attentivement, idéalement en allant consulter un avocat.
IV. Négocier avec le commissaire de justice : les solutions amiables
Si la dette est légitime mais que votre situation financière vous empêche de la régler intégralement, la négociation est la première voie à explorer. Un commissaire de justice préférera souvent un accord amiable à une procédure de saisie longue et coûteuse. Le but est d’éviter la voie judiciaire.
Proposer un plan de paiement réaliste
La clé d’une négociation réussie est de présenter une proposition sérieuse et documentée. Avant de contacter l’étude, préparez un budget détaillé de vos revenus et de vos charges incompressibles pour déterminer votre capacité de remboursement mensuelle. Pour négocier un échelonnement de la dette, votre proposition doit être réaliste. Vous pouvez négocier non seulement un échéancier, mais aussi une remise sur les pénalités ou le taux d’intérêt de retard. Offrir un premier versement, même modeste, est un signe de bonne foi et de volonté très apprécié. Formalisez votre proposition par écrit, en joignant les justificatifs de votre situation.
Demander un délai de grâce au juge
Si la négociation avec le commissaire de justice ou le créancier échoue, vous n’êtes pas démuni. Vous pouvez saisir le juge pour obtenir un délai de paiement. L’article 1343-5 du Code civil permet au juge de reporter ou d’échelonner le paiement des sommes dues, dans la limite de 24 mois. Cette demande est à adresser au juge de l’exécution (JEX) si le créancier a déjà un titre exécutoire. Le juge peut accorder ces délais en fonction de votre situation financière et de votre bonne foi, si vous montrez une réelle volonté de régler la dette.
V. La procédure de surendettement : la solution de la dernière chance
Lorsque les dettes sont trop nombreuses ou trop importantes pour être réglées via un simple échelonnement, la procédure de surendettement constitue une solution structurée et protectrice pour les particuliers. C’est une aide précieuse en cas d’incapacité financière durable.
Qui peut déposer un dossier et pour quelles dettes ?
Cette procédure est ouverte à toute personne physique de bonne foi, domiciliée en France, qui se trouve dans « l’impossibilité manifeste de faire face à l’ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles et à échoir » (art. L. 711-1 C. conso). Elle couvre la plupart des dettes de la vie courante : crédits à la consommation, prêt immobilier, découverts bancaires, loyers, charges, impôts, etc. Sont cependant exclues les dettes professionnelles, les pensions alimentaires et les amendes pénales.
Comment se déroule la procédure auprès de la Banque de France ?
Le débiteur doit constituer un dossier complet et le déposer auprès du secrétariat de la commission de surendettement, situé dans les locaux de la Banque de France. La commission examine d’abord la recevabilité du dossier. Si la demande est jugée recevable, la commission instruit le dossier, dresse un état du passif, évalue le taux d’endettement et oriente le dossier vers la solution la plus adaptée : un plan conventionnel de redressement (négocié avec les créanciers), des mesures imposées (si la négociation échoue), ou une procédure de rétablissement personnel avec ou sans liquidation judiciaire pour les situations d’incapacité les plus critiques.
Quelles sont les conséquences d’un dossier recevable ?
La décision de recevabilité du dossier a des effets protecteurs immédiats et significatifs. L’article L. 722-2 du Code de la consommation prévoit la possibilité de suspendre automatiquement les procédures d’exécution (saisies) pour une durée maximale de deux ans. Il est également interdit au débiteur de payer les dettes antérieures à la décision (sauf dettes alimentaires) et de contracter de nouveaux crédits. En contrepartie de cette protection, le débiteur est inscrit au Fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP).
VI. Saisies et recours : comment réagir et se défendre ?
Lorsque la phase amiable a échoué et qu’une mesure d’exécution forcée est engagée, des recours spécifiques existent pour contester la procédure et faire valoir vos droits devant la justice. Il faut éviter de rester passif.
Saisir le Juge de l’Exécution (JEX) : quand et pourquoi ?
Le Juge de l’Exécution (JEX), qui siège au sein du Tribunal Judiciaire, est le magistrat compétent pour trancher toutes les difficultés relatives aux titres exécutoires et les contestations qui s’élèvent lors d’une exécution forcée (art. L. 213-6 du Code de l’organisation judiciaire). Vous pouvez le saisir via une requête pour contester une saisie que vous estimez irrégulière, former une opposition, demander des délais de paiement, ou encore contester la validité même du titre sur lequel se fondent les poursuites ou le montant de la dette, par exemple en contestant le taux d’intérêt appliqué.
Contester une saisie-attribution : la faute du créancier peut vous sauver
La saisie-attribution sur un compte bancaire produit un effet attributif immédiat : dès l’acte de saisie, les sommes disponibles sont transférées au créancier. Cependant, le paiement effectif est différé. Durant cette période, le créancier doit être diligent. L’article R. 211-8 du CPCE prévoit une sanction redoutable : si le défaut de paiement par le tiers saisi (la banque) est imputable à la négligence du créancier, ce dernier perd ses droits contre le débiteur à concurrence des sommes dues. Si votre créancier, après avoir pratiqué la saisie, reste inactif, ne réclame pas les fonds à la banque et ne met en œuvre aucune action pour se faire payer, vous pourriez invoquer sa négligence pour obtenir la mainlevée de la saisie et être libéré de l’objet de la créance.
Le cas spécifique du chèque impayé : du certificat de non-paiement à l’interdiction bancaire
Un chèque impayé peut rapidement devenir un titre exécutoire. En cas de non-paiement après une seconde présentation ou à l’issue d’un délai de 30 jours, le bénéficiaire peut demander à sa banque un certificat de non-paiement. Une fois signifié par un huissier de justice, ce certificat vaut commandement de payer et permet d’effectuer une saisie sans avoir à passer par une procédure judiciaire classique pour récupérer son argent. Le non-paiement entraîne également votre inscription au Fichier Central des Chèques (FCC) et une interdiction bancaire d’émettre des chèques sur tous vos comptes.
VII. Anticiper : les réformes récentes et à venir qui vous protègent
Le droit de l’exécution et des garanties est en constante évolution. Connaître les dernières réformes est un atout stratégique pour mieux vous défendre, notamment en matière de cautionnement.
Impact de la réforme du droit des sûretés (2021) sur la caution personne physique
L’ordonnance du 15 septembre 2021 a renforcé la protection des personnes physiques qui se portent caution. Deux nouvelles dispositions du Code civil sont essentielles :
- Le devoir de mise en garde (art. 2299 C. civ.) : Un créancier professionnel doit désormais mettre en garde la caution si l’engagement du débiteur principal est inadapté à ses capacités financières au moment de la signature du contrat. À défaut, le créancier peut être déchu de son droit de recouvrement contre la caution, par exemple à hauteur du taux de perte de chance subi.
- La sanction de la disproportion (art. 2300 C. civ.) : Si l’engagement de la caution était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses revenus et son patrimoine (la rendant en situation d’incapacité de payer), il n’est plus nul mais réduit au montant qu’elle pouvait raisonnablement garantir.
Ces nouvelles règles offrent des moyens de défense plus efficaces aux garants poursuivis.
Saisie des rémunérations : vers un transfert de compétence au commissaire de justice en 2025
Une réforme importante, issue de la loi du 20 novembre 2023 et dont les décrets d’application sont attendus courant 2024, va modifier la procédure de saisie des salaires au plus tard le 1er juillet 2025. Actuellement menée par le juge, cette procédure sera « déjudiciarisée » et confiée aux commissaires de justice. Ce sont eux qui mettront en place la saisie auprès de l’employeur et géreront la répartition des fonds. Le juge de l’exécution n’interviendra plus qu’en cas de contestation via une requête. Cette évolution vise à accélérer le recouvrement de créance mais nécessitera une vigilance accrue de la part des débiteurs pour faire valoir leurs droits.
VIII. Besoin d’une solution immédiate ? Contactez notre cabinet
La gestion d’une dette et la confrontation avec un commissaire de justice sont des épreuves complexes qui exigent une expertise juridique pointue. Une analyse approfondie de votre situation, la vérification de la légitimité de la dette, la négociation d’une remise ou d’un plan de paiement, ou la contestation d’une saisie abusive sont des démarches où l’assistance d’un avocat spécialisé est déterminante. Pour obtenir une aide et une réponse concrète, et pour une défense efficace de vos droits, contactez notre cabinet pour un accompagnement personnalisé et pour consulter un expert en la matière.
Sources
- Code des procédures civiles d’exécution
- Code de la consommation
- Code civil
- Code de commerce
- Code monétaire et financier
- Code du travail
- Code de l’organisation judiciaire