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La compétence territoriale des tribunaux : pourquoi votre adresse est déterminante

Table des matières

Vous déménagez et modifiez votre adresse sur tous vos documents administratifs. Mais avez-vous pensé aux conséquences juridiques de ce changement? Votre adresse détermine le tribunal qui pourra juger vos litiges. Une règle fondamentale qui remonte au droit romain.

Le principe fondamental : « Actor sequitur forum rei »

Cette maxime latine signifie littéralement « le demandeur suit le tribunal du défendeur ». Elle constitue la règle de base en matière de compétence territoriale.

L’article 42 du Code de procédure civile (CPC) la consacre explicitement : « La juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur. »

Ce principe présente plusieurs avantages :

  • Il protège le défendeur contre les actions abusives
  • Il évite le forum shopping (choix stratégique d’une juridiction favorable)
  • Il garantit un accès équitable à la justice

L’article 43 du CPC précise que pour une personne physique, le lieu où elle demeure s’entend de son domicile ou, à défaut, de sa résidence. Pour une personne morale, c’est le lieu de son établissement.

Les entreprises dotées de plusieurs établissements bénéficient de la jurisprudence dite « des gares principales » : le demandeur peut assigner au lieu d’un établissement secondaire si le litige est en rapport avec l’activité de cet établissement.

Les exceptions au principe

Les compétences exclusives

Certains contentieux relèvent obligatoirement d’un tribunal précis, indépendamment du domicile du défendeur.

En matière immobilière, l’article 44 du CPC attribue compétence exclusive au tribunal du lieu de situation de l’immeuble. Cette règle s’applique aux revendications, aux actions en démolition ou aux litiges relatifs aux baux.

Pour les successions, l’article 45 du CPC désigne le tribunal du lieu d’ouverture de la succession (dernier domicile du défunt). Cette concentration du contentieux facilite le règlement global de la succession.

Les procédures collectives obéissent à la même logique. L’article R.600-1 du Code de commerce attribue compétence au tribunal du siège social de l’entreprise ou de l’adresse professionnelle déclarée pour les indépendants.

Les prorogations conventionnelles de compétence

Les parties peuvent déroger aux règles de compétence territoriale par contrat. L’article 48 du CPC encadre strictement cette possibilité :

  • Elle n’est valable qu’entre commerçants
  • La clause doit apparaître de façon très apparente dans le contrat

Attention à ne pas confondre avec les clauses compromissoires qui désignent un tribunal arbitral. L’article 2061 du Code civil, modifié par la loi du 18 novembre 2016, prévoit que « la clause compromissoire doit avoir été acceptée par la partie à laquelle on l’oppose » et qu’elle n’est pas opposable au non-professionnel.

Les options de compétence

L’article 46 du CPC offre au demandeur des options de compétence dans certains cas.

En matière contractuelle

Le demandeur peut saisir, au choix, le tribunal du lieu de livraison effective de la chose ou du lieu d’exécution de la prestation de service.

La jurisprudence précise que le paiement du prix ne constitue pas une prestation de services (Civ. 1re, 16 mars 1999, n°96-22016).

En matière délictuelle

Le demandeur peut choisir entre :

  • Le tribunal du lieu du fait dommageable (où la faute a été commise)
  • Le tribunal du lieu où le dommage a été subi

Ces règles sont particulièrement importantes à l’ère d’internet, même si la simple accessibilité d’un site n’est pas suffisante pour fonder la compétence (Com. 29 mars 2011, n°10-12272).

Pour les pensions alimentaires

En matière d’aliments, le demandeur peut saisir le tribunal du lieu où demeure le créancier. Cette règle, prévue à l’article 46 du CPC, vise à protéger la partie présumée la plus faible.

Le cas particulier de l’article 47

L’article 47 du CPC prévoit un « privilège de juridiction » lorsqu’un magistrat ou un auxiliaire de justice est partie à un litige. Le demandeur peut alors saisir une juridiction située dans un ressort limitrophe.

Cette règle s’applique aux magistrats (professionnels, consulaires et prud’homaux), avocats, huissiers, greffiers et mandataires judiciaires. Elle ne concerne pas les notaires, experts ou avocats aux Conseils.

Ce privilège est d’application automatique et n’est pas susceptible d’abus (Soc. 11 juillet 2002, n°00-44407). La demande peut être présentée à tout moment, mais depuis une réforme récente, elle doit l’être dès que son auteur a connaissance de la cause de renvoi.

Un conseil pratique : vérifiez toujours votre compétence territoriale avant d’engager une action. Une erreur peut entraîner une irrecevabilité, et vos adversaires ne manqueront pas de soulever cette exception.

Notre cabinet peut vous accompagner dans l’analyse de votre situation et déterminer le tribunal compétent pour votre affaire. Contactez-nous pour un rendez-vous d’évaluation.

Sources

  • Code de procédure civile, articles 42 à 48
  • Code civil, article 2061 modifié par la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016
  • Code de commerce, article R.600-1
  • Civ. 1re, 16 mars 1999, n°96-22016, Bull. civ. I, n°96
  • Com. 29 mars 2011, n°10-12272, Procédures 2011, comm. 195
  • Soc. 11 juillet 2002, n°00-44407, Bull. civ. V, n°255
  • Doctrine « Domicile, demeure et résidence » par Jérémy Jourdan-Marques, Maître de conférences à l’Université de Lorraine (janvier 2017)

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