Choisir le bon Juge de l’Exécution (JEX) peut faire la différence entre une procédure efficace et un rejet coûteux en temps et en argent. La compétence territoriale du JEX obéit à des règles spécifiques qu’il convient de maîtriser pour maximiser vos chances de succès.
Le principe de l’option de compétence
La règle fondamentale est simple : le créancier dispose d’un choix. L’article R. 121-2 du Code des procédures civiles d’exécution pose ce principe d’option.
Le JEX du domicile du débiteur
Première option : saisir le juge du lieu où demeure le débiteur. Cette règle rappelle celle de l’article 42 du Code de procédure civile.
Attention au terme « débiteur » et non « défendeur ». Cette distinction est essentielle. Si le défendeur n’est pas le débiteur, l’option ne s’applique pas (Paris, 1re Ch., 5 avril 1995).
Le JEX du lieu d’exécution de la mesure
Seconde option : saisir le juge du lieu d’exécution. Cette option s’avère particulièrement utile quand l’huissier rencontre des obstacles pratiques lors de l’exécution.
Exemple : si une saisie-vente doit être pratiquée sur des biens situés loin du domicile du débiteur, cette option évite des déplacements inutiles.
Les exceptions au principe
Le législateur a prévu de nombreuses exceptions qui limitent ce choix.
Règles spécifiques selon le type de saisie
- Pour la saisie-attribution : seul le JEX du domicile du débiteur est compétent (article R. 211-10 du Code des procédures civiles d’exécution)
- Pour les saisies de droits d’associés et valeurs mobilières : même règle (article R. 232-6)
- Pour les autorisations de mesures conservatoires : là encore, compétence exclusive du JEX du domicile du débiteur (article R. 511-2)
À l’inverse, d’autres textes désignent exclusivement le JEX du lieu où sont situés les biens :
- Contestations sur la saisie-revendication (article R. 222-19)
- Saisie de biens placés en coffre-fort (article R. 224-3)
- Saisie de véhicules terrestres immobilisés (article R. 223-9, 4°)
La saisie immobilière suit une règle spéciale : c’est le JEX du tribunal judiciaire dans le ressort duquel l’immeuble est situé qui est compétent (article R. 311-2).
La nature de la demande peut également modifier la compétence. Pour les mesures conservatoires, les contestations sur la validité relèvent du JEX du domicile du débiteur (article R. 512-2), mais celles sur l’exécution relèvent du JEX du lieu des biens saisis (article R. 512-3).
Cas des débiteurs résidant à l’étranger
Quand le débiteur habite à l’étranger ou si son domicile est inconnu, seul le JEX du lieu d’exécution de la mesure est compétent (article R. 121-2, alinéa 2).
Une question s’est posée pour les mesures conservatoires visant des immeubles en France. La Cour de cassation a tranché : même si l’article R. 511-2 ne prévoit pas le cas d’un débiteur étranger, il faut appliquer l’article R. 121-2, alinéa 2 (Civ. 2e, 9 nov. 2006, n° 04-19.138).
Cette décision a une portée pratique importante : le JEX dans le ressort duquel est situé l’un des immeubles peut autoriser des inscriptions d’hypothèque sur tous les biens immobiliers du débiteur, même ceux situés ailleurs en France.
Les conflits de compétence territoriale
Comment les résoudre
La compétence du JEX est d’ordre public (article R. 121-4). Tout juge saisi à tort doit se déclarer incompétent.
Un juge qui n’est pas le JEX doit relever d’office son incompétence (article R. 121-1, alinéa 1er). Le JEX lui-même peut relever son incompétence (article R. 121-1, dernier alinéa).
Si une partie veut contester la compétence du JEX, elle doit respecter les articles 74 et suivants du Code de procédure civile :
- Soulever l’exception in limine litis
- Motiver cette exception
- Indiquer le juge qu’elle estime compétent
Conséquences d’une erreur de saisine
Une erreur de compétence territoriale n’est pas anodine. Elle entraîne :
- Une perte de temps
- Des frais supplémentaires
- Un risque de prescription
Quand un jugement sur la compétence est frappé d’appel, la cour peut soit renvoyer l’affaire à la juridiction compétente, soit évoquer le fond si elle estime de bonne justice de donner une solution définitive (articles 84 et suivants du Code de procédure civile).
Conseils pratiques pour déterminer le juge compétent
- Identifiez d’abord la nature de la mesure d’exécution ou conservatoire
- Vérifiez s’il existe une disposition spécifique pour cette mesure
- En l’absence de texte particulier, appliquez le principe d’option
- Si le débiteur est domicilié à l’étranger, retenez uniquement le lieu d’exécution
- Anticipez la question du sursis à exécution qui relèvera du premier président de la cour d’appel
Dans le doute, une consultation préalable peut s’avérer judicieuse. Les enjeux d’une voie d’exécution justifient souvent cette précaution.
L’expérience montre que le choix stratégique du tribunal peut influencer l’issue de la procédure, notamment en termes de délais et d’appréciation des contestations. N’hésitez pas à contacter notre cabinet pour évaluer la meilleure stratégie procédurale dans votre situation.
Sources
- Code des procédures civiles d’exécution : articles R. 121-1, R. 121-2, R. 121-4, R. 211-10, R. 232-6, R. 311-2, R. 511-2, R. 512-2, R. 512-3
- Code de procédure civile : articles 42, 74 et suivants, 84 et suivants
- Cour d’appel de Paris, 1re Ch., 5 avril 1995, D. 1995. IR 123
- Cour de cassation, 2e chambre civile, 9 novembre 2006, n° 04-19.138
- Cour de cassation, 2e chambre civile, 21 septembre 2000, n° 98-21.279