Maîtriser la procédure devant le juge de l’exécution (JEX) constitue un atout déterminant pour obtenir gain de cause. Cette juridiction spécialisée, créée par la loi du 9 juillet 1991, traite l’ensemble du contentieux de l’exécution forcée. Sa procédure obéit à des règles spécifiques qu’il convient de connaître pour éviter tout risque d’irrecevabilité.
L’introduction de l’instance
L’assignation comme mode principal
Depuis le décret n°96-1130 du 18 décembre 1996, le JEX est saisi par assignation.
Cette assignation doit contenir, sous peine de nullité :
- Les mentions classiques des articles 56 et suivants du Code de procédure civile
- La reproduction des articles R. 121-6 à R. 121-10 du Code des procédures civiles d’exécution
Le document est ensuite enrôlé auprès du greffe.
Point crucial : le JEX est saisi dès la signification de l’acte et non par son enrôlement (Avis de la Cour de cassation du 15 juin 1998).
Pour les instances introduites depuis le 1er janvier 2020, l’assignation doit également préciser les conditions de représentation du défendeur, sous la même sanction de nullité (article R. 121-11 du Code des procédures civiles d’exécution).
Les exceptions notables
En matière d’expulsion, la procédure s’avère simplifiée. L’article R. 442-2 du Code des procédures civiles d’exécution permet une saisine par lettre recommandée avec avis de réception ou par déclaration faite ou remise contre récépissé.
Dans certains cas, notamment pour la contestation d’une saisie-attribution, des formalités supplémentaires s’imposent. Ainsi, la contestation doit être dénoncée à l’huissier de justice le jour même de la saisine du JEX ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant. Sans cette formalité, la demande sera jugée irrecevable d’office (Civ. 2e, 20 janvier 2011, n°10-10.768).
Assistance et représentation
Représentation obligatoire depuis 2020
La loi n°2019-222 du 23 mars 2019 a bouleversé les règles en généralisant la représentation obligatoire par avocat devant le JEX. Cette obligation s’applique à toutes les instances introduites depuis le 1er janvier 2020.
Des exceptions limitatives
L’article L. 121-4 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit deux exceptions majeures à cette obligation :
- Les demandes relatives à l’expulsion
- Les litiges concernant une créance inférieure à 10 000 euros
Dans ces cas, les parties peuvent se faire représenter par :
- Un avocat
- Leur conjoint ou partenaire de PACS
- Un parent ou allié en ligne directe ou collatérale (jusqu’au 3ème degré)
- Une personne exclusivement attachée à leur service personnel ou à leur entreprise
L’État et les collectivités peuvent être représentés par un fonctionnaire ou agent de leur administration, même quand la demande excède 10 000 euros (Avis Civ. 2e, 18 février 2021, n°20-70.006).
Pour la saisie des rémunérations, un régime spécifique autorise la représentation par un avocat, un officier ministériel du ressort ou un mandataire muni d’une procuration (article L. 3252-11 du Code du travail).
Le caractère oral de la procédure
Un principe avec des assouplissements
L’article R. 121-8 du Code des procédures civiles d’exécution pose le principe d’une procédure orale. Mais ce caractère oral a été progressivement assoupli.
Le décret n°2010-1165 du 1er octobre 2010 autorise les parties à se référer à des prétentions et moyens formulés par écrit. L’article R. 121-9 du même code permet au juge de dispenser une partie de se présenter à une audience ultérieure, si elle en fait la demande.
L’échange se fait alors par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par notification entre avocats. De même, l’article R. 121-10 autorise l’exposition des moyens par lettre adressée au JEX, à condition de prouver que l’adversaire en a eu connaissance avant l’audience.
Préparation efficace de l’intervention
Pour optimiser une intervention orale, j’invite nos clients à :
- Structurer leur argumentation en points clés
- S’appuyer sur des notes écrites synthétiques
- Anticiper les questions du juge
- Se concentrer sur les éléments factuels et juridiques essentiels
La clarté et la concision restent les maîtres-mots d’une plaidoirie réussie.
La décision du JEX
Notification et exécution immédiate
Le jugement motivé du JEX est notifié aux parties par lettre recommandée avec accusé de réception (article R. 121-15 du Code des procédures civiles d’exécution). Cette notification fait courir le délai d’appel de 15 jours.
Particularité importante : les décisions du JEX sont exécutoires dès leur notification, l’appel et le délai d’appel étant dépourvus d’effet suspensif (article R. 121-21). Cette règle peut avoir des conséquences dramatiques pour la partie qui succombe.
La décision du JEX a, sauf disposition contraire, autorité de chose jugée au principal (article R. 121-14). Elle peut statuer sur les dépens et faire application de l’article 700 du Code de procédure civile.
En cas de mainlevée d’une mesure d’exécution forcée, la suspension des poursuites intervient dès le prononcé de la décision, mais l’effet d’indisponibilité n’est supprimé qu’après sa notification (article R. 121-18).
Pour pallier l’absence d’effet suspensif de l’appel, l’article R. 121-22 prévoit la possibilité de demander un sursis à exécution auprès du Premier Président de la Cour d’appel. Cette demande suspend les poursuites jusqu’à ce que le Premier Président statue.
Maximiser vos chances de succès
Réussir devant le JEX exige une stratégie processuelle rigoureuse. Nos conseils :
- Vérifier minutieusement les conditions de compétence territoriale et d’attribution
- Respecter scrupuleusement les délais et formalités
- Anticiper les arguments adverses
- Préparer des conclusions claires et précises
- S’assurer de la présence de toutes les pièces justificatives nécessaires
Considérant la rapidité de cette procédure et son caractère technique, l’assistance d’un avocat spécialisé s’avère souvent déterminante, même dans les cas où elle n’est pas obligatoire.
Notre cabinet propose une analyse personnalisée de votre dossier. N’hésitez à nous contacter pour optimiser votre stratégie contentieuse devant le JEX.
Sources
- Code des procédures civiles d’exécution, articles L. 121-4, R. 121-6 à R. 121-22, R. 442-2
- Code de l’organisation judiciaire, article L. 213-6
- Loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice
- Décret n°96-1130 du 18 décembre 1996
- Décret n°2010-1165 du 1er octobre 2010
- Civ. 2e, 20 janvier 2011, n°10-10.768
- Avis Civ. 2e, 18 février 2021, n°20-70.006
- Avis de la Cour de cassation du 15 juin 1998