La réitération des enchères : mécanisme et conséquences

Table des matières

1. Principe et définition de la réitération des enchères

Évolution terminologique : de la folle enchère à la réitération

La réitération des enchères a remplacé le terme « folle enchère » lors de la réforme de la procédure de saisie immobilière par l’ordonnance n°2006-461 du 21 avril 2006. Cette notion désignait autrefois tant l’enchère inconsidérée portée par un adjudicataire défaillant que la procédure engagée contre lui pour revendre le bien.

Le terme « folle enchère » subsiste encore dans certains textes (notamment l’article 1278 du Code de procédure civile), mais il s’efface progressivement au profit d’une terminologie plus précise et technique.

Champ d’application

La réitération des enchères désigne la remise en vente d’un bien précédemment adjugé lorsque l’adjudicataire n’a pas payé le prix et les frais dans les délais impartis. Ce mécanisme s’applique aux ventes immobilières comme mobilières.

Elle concerne principalement :

  • Les ventes sur saisie immobilière
  • Les ventes sur licitation
  • Les ventes d’immeubles appartenant à des mineurs ou majeurs sous tutelle
  • Les ventes d’immeubles dépendant d’une liquidation judiciaire
  • Les ventes notariales volontaires
  • Les ventes aux enchères mobilières

Son principe est constant : l’adjudicataire défaillant supporte la différence entre son enchère et le prix de revente si celui-ci est inférieur, ainsi que les frais de la première vente.

2. La réitération des enchères immobilières

Conditions de fond

La réitération des enchères immobilières s’applique lorsque l’adjudicataire n’exécute pas ses obligations dans le délai imparti. Ces obligations consistent en :

  • Le paiement du prix de vente
  • Le règlement des frais taxés
  • L’acquittement des droits de mutation

Le délai de paiement est généralement de deux mois à compter de l’adjudication définitive. Le prix doit être versé au séquestre désigné ou consigné à la Caisse des dépôts et consignations.

Seuls certains acteurs peuvent solliciter cette procédure :

  • Le créancier poursuivant
  • Les créanciers inscrits
  • Le débiteur saisi
  • Par extension, les créanciers d’un créancier inscrit via l’action oblique (article 1341 du Code civil)

Les créanciers chirographaires n’ont pas ce droit.

Procédure de réitération

Certificat de non-paiement

La procédure débute par la délivrance d’un certificat attestant le défaut de paiement. Ce document est délivré par le greffe à la demande de la partie poursuivante. Il constate l’absence de justification du versement du prix, du paiement des frais ou des droits de mutation.

Signification

Ce certificat est signifié à l’adjudicataire défaillant, au saisi et, le cas échéant, au créancier ayant sollicité la vente. L’acte de signification contient, à peine de nullité :

  • Une sommation de payer dans un délai de huit jours
  • Un rappel des dispositions légales concernant les conséquences du non-paiement

Contestation

L’adjudicataire peut contester ce certificat dans les quinze jours suivant sa signification. Cette contestation est formée par dépôt de conclusions d’avocat au greffe du juge de l’exécution. La décision du juge n’est pas susceptible d’appel.

Nouvelle audience

À défaut de paiement dans le délai de huit jours, la partie poursuivante saisit le juge par requête pour fixer une nouvelle audience. Cette audience est fixée dans un délai de deux à quatre mois. Toutes les parties (saisi, créancier poursuivant, créanciers inscrits et adjudicataire défaillant) sont informées par lettre recommandée avec AR.

Publicité et enchères

La nouvelle vente est précédée des formalités de publicité habituelles, avec mention du montant de l’adjudication impayée. Les enchères sont réitérées dans les mêmes conditions que la vente initiale. L’adjudicataire défaillant ne peut enchérir, ni personnellement ni par personne interposée.

Une surenchère peut être formée à l’audience de réitération, comme l’a confirmé la Cour de cassation (Civ. 2e, 7 janvier 2016, n°14-26.887).

Effets juridiques

Résolution de la vente

La première adjudication est résolue rétroactivement. L’adjudicataire défaillant est réputé n’avoir jamais été propriétaire, et les actes qu’il a passés concernant l’immeuble sont anéantis. La loi lui interdit d’ailleurs d’accomplir des actes de disposition avant le paiement complet, sauf la constitution d’une hypothèque pour financer l’acquisition.

Conséquences pour l’adjudicataire défaillant

L’adjudicataire défaillant reste tenu :

  • De payer la différence entre son enchère et le prix de la nouvelle adjudication, si celui-ci est inférieur
  • Des frais taxés afférents à la première adjudication, même si le bien est revendu à un prix supérieur
  • Il ne peut réclamer le remboursement des sommes déjà versées

Conséquences pour le nouvel adjudicataire

Le nouvel adjudicataire devient propriétaire de l’immeuble mais doit supporter les frais afférents à la nouvelle adjudication. Le titre de vente ne lui est délivré qu’après paiement de ces frais.

3. La réitération des enchères mobilières

Spécificités par rapport aux ventes immobilières

La réitération des enchères mobilières partage le même principe que son équivalent immobilier, mais présente certaines spécificités :

  • Délais plus courts : la défaillance est généralement constatée immédiatement, l’acheteur devant payer comptant
  • Procédure simplifiée : moins de formalités préalables à la revente
  • Variabilité selon les types de biens : les règles diffèrent selon qu’il s’agit de meubles ordinaires, de fonds de commerce, ou de navires et aéronefs

Pour les meubles ordinaires, la défaillance est constatée lorsque l’adjudicataire ne paie pas le prix de vente majoré des frais (généralement entre 14,40% et 30% selon la nature de la vente). L’adjudicataire est alors considéré comme fol enchérisseur.

Procédures applicables selon le type de bien

Meubles ordinaires

Pour les ventes judiciaires de meubles, l’article L. 322-14 du Code de commerce prévoit que la défaillance de l’adjudicataire entraîne sa responsabilité. Le bien est remis en vente et l’adjudicataire défaillant est tenu de la différence entre son prix et celui de la revente, sans pouvoir réclamer l’excédent s’il y en a.

La procédure est simplifiée : le commissaire de justice constate la défaillance et remet immédiatement le bien en vente, souvent lors de la même vacation. Le titre exécutoire est le procès-verbal de la vente constatant la défaillance.

Fonds de commerce

Pour les fonds de commerce, la réitération suit des règles proches de celles applicables aux immeubles. Le tribunal de commerce fixe une nouvelle date d’audience pour la revente. L’adjudicataire défaillant ne peut se porter acquéreur et supporte la différence de prix et les frais.

Navires, bateaux et aéronefs

Pour ces biens particuliers, l’article L. 5114-24 du Code des transports prévoit une procédure spécifique. Le certificat de non-paiement est délivré par le greffe du tribunal judiciaire. La procédure ressemble à celle des immeubles, avec une publication spécifique dans les journaux maritimes ou aéronautiques spécialisés.


La réitération des enchères constitue ainsi un mécanisme essentiel pour assurer l’efficacité des ventes aux enchères. Elle sanctionne l’adjudicataire défaillant tout en permettant la réalisation rapide du bien au profit des créanciers. Son régime, détaillé et encadré, varie selon la nature du bien en cause mais repose sur un principe constant : la protection des intérêts du créancier poursuivant et du saisi contre la légèreté ou l’insolvabilité de l’adjudicataire.

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