La saisie des biens placés dans un coffre-fort constitue une opération particulière du droit de l’exécution. Méconnue, cette procédure obéit à des règles spécifiques qui présentent un intérêt pratique pour les créanciers.
1. Cadre et conditions de la saisie conservatoire
La saisie conservatoire permet au créancier de placer sous main de justice des biens du débiteur sans titre exécutoire. Elle se distingue de la saisie-vente qui vise directement la réalisation des biens.
Pour procéder à une saisie conservatoire, le créancier doit disposer soit d’un titre, soit d’une autorisation judiciaire. Selon l’article L. 511-1 du Code des procédures civiles d’exécution (CPCE), une autorisation du juge de l’exécution est nécessaire lorsque le créancier ne dispose pas d’un titre. Il doit alors justifier de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de sa créance.
Le créancier peut également se prévaloir d’un titre exécutoire, d’une décision de justice sans force exécutoire, d’une lettre de change impayée ou d’un loyer impayé résultant d’un contrat écrit (art. L. 511-2 CPCE).
2. Procédure spécifique au coffre-fort
La procédure de saisie des biens dans un coffre-fort varie selon que le coffre appartient au débiteur ou à un tiers.
Si le coffre appartient au débiteur et est installé à son domicile, la procédure applicable est celle de la saisie-vente ordinaire (art. L. 221-1 CPCE).
En revanche, lorsque le coffre appartient à un tiers (comme une banque), des règles particulières s’appliquent. Le contrat de coffre-fort bancaire n’est pas un contrat de dépôt mais un contrat de garde comme l’a précisé la Cour de cassation (Civ. 1re, 2 juin 1993, n° 91-10.971).
Signification et mentions obligatoires
La procédure débute par un acte d’huissier signifié au tiers propriétaire du coffre (art. R. 224-1 CPCE). Cet acte doit contenir, à peine de nullité :
- L’identification du débiteur
- La référence au titre fondant la saisie
- L’injonction d’interdire l’accès au coffre
- L’obligation pour le tiers de fournir l’identification du coffre
Cette mesure fait échec au secret professionnel que le banquier pourrait opposer (art. L. 123-1 CPCE).
Ensuite, un acte est signifié au débiteur le premier jour ouvrable suivant (art. R. 525-2 CPCE). Ce document dénonce l’acte de saisie et mentionne l’interdiction d’accès au coffre hors présence de l’huissier.
Compétence territoriale pour les contestations
La question de la compétence territoriale pour les contestations présente une complexité certaine. L’article R. 525-2, 5° CPCE désigne le juge du domicile du débiteur, tandis que l’article R. 512-2 CPCE évoque le juge qui a autorisé la mesure ou celui du lieu où demeure le débiteur.
Cette variation terminologique peut générer des difficultés d’interprétation. Une lecture harmonieuse suggère que la règle spéciale de l’article R. 525-2 prévaut pour les contestations propres à la saisie de biens en coffre-fort.
3. Ouverture du coffre et inventaire
Après signification, le débiteur peut demander l’ouverture du coffre en présence de l’huissier (art. R. 525-3 CPCE).
L’huissier dresse alors un inventaire détaillé des biens saisis. Ces biens sont enlevés pour être placés sous sa garde ou celle d’un séquestre désigné par le juge. Dans ce cas, le juge compétent est celui du lieu de la saisie.
Le texte autorise l’huissier à photographier les objets retirés du coffre, pratique utile en cas de contestation ultérieure.
Une copie de l’inventaire est remise ou signifiée au débiteur. Ce document doit désigner, à peine de nullité, le juge de l’exécution compétent pour connaître des contestations relatives aux opérations de saisie.
La conservation des biens saisis est assurée jusqu’à l’issue de la procédure.
4. La conversion en mesure d’exécution forcée
Quand le créancier obtient un titre exécutoire, la saisie conservatoire peut être convertie en mesure d’exécution forcée.
L’article R. 525-5 CPCE distingue deux situations :
- Si les biens ont déjà été retirés du coffre, on applique soit les articles R. 522-7 à R. 522-14 CPCE (si le titre constate une créance), soit l’article R. 222-25 (si le titre ordonne la délivrance d’un bien).
- Si le coffre n’a pas encore été ouvert, on suit soit la procédure de saisie-vente (art. R. 224-3 à R. 224-9), soit celle de saisie-appréhension (art. R. 224-10 à R. 224-12).
Cette conversion nécessite une nouvelle dénonciation au débiteur, l’informant du changement de nature de la procédure.
5. Impact de la résiliation du contrat de location du coffre
Un cas particulier mérite attention : celui où le contrat de location du coffre-fort est résilié pendant la procédure.
L’article R. 525-4 CPCE prévoit que le propriétaire du coffre doit informer immédiatement l’huissier de cette résiliation. L’huissier signifie alors au débiteur une sommation d’être présent à l’ouverture du coffre.
Cette ouverture ne peut intervenir avant un délai de quinze jours. Le débiteur peut toutefois demander une date plus rapprochée.
En cas d’absence du débiteur, l’ouverture forcée se fait en présence du propriétaire du coffre. Les frais sont avancés par le créancier saisissant mais restent à la charge du débiteur.
Sources
- Code des procédures civiles d’exécution, articles L. 111-2, L. 123-1, L. 221-1, L. 511-1, L. 511-2, R. 224-1 à R. 224-12, R. 512-2, R. 525-1 à R. 525-5
- Cour de cassation, 1re chambre civile, 2 juin 1993, n° 91-10.971
- Natalie FRICERO, « Saisie des biens placés dans un coffre-fort », Répertoire de procédure civile, mars 2015
- Décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile