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La saisie européenne des comptes bancaires : recouvrer vos créances par-delà les frontières

Table des matières

La récupération d’argent à l’international s’apparente souvent à un parcours du combattant. Le débiteur domicilié dans un autre pays, des comptes bancaires dispersés dans l’Union européenne, des législations nationales divergentes… Autant d’obstacles qui compliquent le recouvrement de créances transfrontalières.

Depuis 2017, un nouvel outil bouleverse cette donne : l’ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires (OESC). Ce mécanisme permet de bloquer les comptes de votre débiteur dans tous les États membres, sans procédure d’exequatur préalable.

1. Le cadre juridique de la saisie européenne

L’OESC est issue du règlement n°655/2014 du 15 mai 2014, entré en vigueur le 18 janvier 2017. Ce texte crée une procédure européenne uniforme permettant à un créancier d’obtenir une ordonnance qui empêche le transfert ou le retrait de fonds détenus par son débiteur sur un compte bancaire dans un État membre.

Sa mise en œuvre pratique est complétée par le règlement d’exécution n°2016/1823 du 10 octobre 2016 qui établit les formulaires standardisés.

L’OESC s’applique uniquement aux créances pécuniaires en matière civile et commerciale dans les litiges transfrontaliers. Un litige est considéré comme transfrontalier lorsque le compte bancaire visé est tenu dans un État membre différent de celui de la juridiction saisie ou du domicile du créancier (article 3 du règlement).

Sont exclus du champ d’application : les régimes matrimoniaux, les successions, les faillites, la sécurité sociale et l’arbitrage (article 2 du règlement).

2. Les conditions d’obtention de l’ordonnance

La compétence du juge

Le juge compétent varie selon la situation du créancier :

  • S’il ne dispose pas encore d’un titre exécutoire : ce sont les juridictions compétentes pour statuer sur le fond selon le règlement Bruxelles I bis (article 6§1 du règlement).
  • S’il dispose déjà d’un titre exécutoire : ce sont les juridictions de l’État membre dans lequel le titre a été délivré (article 6§3).
  • Si le débiteur est un consommateur : ce sont les juridictions de l’État membre où il est domicilié (article 6§2).

En France, c’est le juge de l’exécution du tribunal judiciaire qui est compétent.

Les conditions de fond

Pour obtenir une OESC, le créancier doit démontrer :

  1. L’urgence de la mesure : il existe un risque réel que le recouvrement ultérieur de sa créance soit empêché ou rendu sensiblement plus difficile (article 7§1).
  2. Le caractère fondé de sa créance : lorsqu’il ne possède pas encore de titre exécutoire, le créancier doit convaincre le juge qu’il sera probablement fait droit à sa demande au fond (article 7§2).

La jurisprudence de la CJUE a précisé que l’injonction de payer bulgare non revêtue de la formule exécutoire ne constitue pas un titre exécutoire au sens du règlement (CJUE, 7 nov. 2019, aff. C-555/18, K.H.K).

La constitution d’une garantie

Le juge peut exiger du créancier qu’il constitue une garantie suffisante pour assurer la réparation de tout préjudice causé au débiteur par l’ordonnance.

Cette garantie est obligatoire quand le créancier n’a pas encore obtenu de titre exécutoire (article 12). Elle devient facultative lorsqu’il possède déjà un tel titre.

3. La procédure d’obtention et d’exécution

La demande d’information sur les comptes

L’une des innovations majeures du règlement réside dans la possibilité pour le créancier de demander des informations sur les comptes bancaires du débiteur. L’article 14 prévoit que le créancier peut demander à l’autorité chargée de l’obtention d’informations de l’État membre d’exécution de rechercher ces données.

Pour ce faire, le créancier doit :

  • justifier qu’il possède un titre exécutoire (ou qu’il obtiendra probablement gain de cause),
  • expliquer pourquoi il pense que le débiteur détient un compte dans cet État membre,
  • fournir toutes informations utiles concernant le débiteur et ses comptes.

En France, cette autorité est l’huissier de justice, qui peut interroger le FICOBA (Fichier national des comptes bancaires).

La délivrance de l’ordonnance

La procédure est non contradictoire pour préserver l’effet de surprise. Le débiteur n’est donc pas informé de la demande d’ordonnance.

Le juge statue dans des délais très brefs :

  • 10 jours ouvrables suivant l’introduction de la demande si le créancier ne dispose pas d’un titre exécutoire
  • 5 jours ouvrables s’il possède déjà un tel titre

L’ordonnance est établie via un formulaire type (annexe II du règlement d’exécution n°2016/1823). Elle reste en vigueur jusqu’à ce qu’elle soit révoquée, que le débiteur fournisse une garantie alternative, ou que le créancier obtienne une mesure d’exécution forcée (article 20).

La mise en œuvre de la saisie

L’ordonnance est reconnue sans procédure particulière et exécutoire dans tous les États membres (article 22).

Dans l’État membre d’exécution, l’ordonnance est transmise à la banque qui doit l’exécuter sans délai (article 24). La banque doit saisir les fonds à hauteur du montant indiqué dans l’ordonnance.

Dans les trois jours ouvrables suivant la mise en œuvre, la banque émet une déclaration (formulaire type) indiquant si et dans quelle mesure les fonds ont été saisis.

Le débiteur est informé après que la mesure a pris effet, par la signification de divers documents incluant l’ordonnance (article 28).

4. Les voies de recours du débiteur

Les motifs de contestation

Le débiteur dispose de plusieurs motifs de contestation (articles 33 et 34) :

  • Le non-respect des conditions d’émission de l’ordonnance (absence d’urgence, créance non fondée)
  • L’absence de caractère transfrontalier du litige
  • Le paiement total ou partiel de la créance
  • L’exclusion des sommes insaisissables selon le droit national
  • L’immunité d’exécution du débiteur
  • Des vices de procédure (délais non respectés, informations incomplètes…)

Le débiteur peut également demander la libération des fonds saisis en fournissant une garantie alternative (article 38).

La procédure de contestation

Les recours doivent être introduits auprès des juridictions compétentes :

  • Les juridictions de l’État membre d’origine pour les contestations portant sur la délivrance de l’ordonnance
  • Les juridictions de l’État membre d’exécution pour les contestations portant sur l’exécution

Les décisions rendues sur ces recours sont exécutoires dans tous les États membres sans procédure particulière.

Sources

  • Règlement (UE) n°655/2014 du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 portant création d’une procédure d’ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires
  • Règlement d’exécution (UE) n°2016/1823 de la Commission du 10 octobre 2016 établissant les formulaires
  • Code des procédures civiles d’exécution, articles L.111-1-1 à L.111-1-3 et R.511-1 à R.525-5
  • CJUE, 7 novembre 2019, aff. C-555/18, K.H.K, D. 2019. 2187
  • PIÉDELIÈVRE S., « La saisie des comptes bancaires européens : À propos de la proposition de règlement européen », in Un recouvrement de créances sans frontière ?, 2013, Larcier, p. 13
  • GUINCHARD S., « De la première saisie conservatoire européenne. Présentation du règlement n°655/2014 », RTD eur. 2014. 922

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