Les impayés représentent une menace constante pour la santé financière des entreprises. Une facture non honorée peut fragiliser votre trésorerie, compromettre vos investissements et, dans les cas les plus graves, menacer la survie même de votre activité. Face à ce risque, l’assurance-crédit constitue un outil de protection particulièrement adapté. Cet article vous présente ce mécanisme souvent méconnu mais qui peut s’avérer décisif pour sécuriser le développement de votre entreprise.
Comprendre l’assurance-crédit
L’assurance-crédit est l’opération par laquelle un créancier souscrit une assurance contre les risques découlant de l’octroi de crédit à ses clients. En termes plus concrets, elle permet à votre entreprise de vous prémunir contre le non-paiement des créances commerciales.
Les différentes formes d’assurance-crédit
On distingue principalement trois catégories d’assurance-crédit:
L’assurance-crédit insolvabilité, forme la plus courante, garantit le créancier contre l’insolvabilité de son débiteur, constatée judiciairement ou présumée après l’expiration d’un délai de carence.
L’assurance aval, plus ancienne et désormais peu usitée, correspond à l’engagement de l’assureur envers un créancier à payer immédiatement au titulaire d’une créance son montant si le débiteur ne règle pas à l’échéance.
L’assurance-caution est une modalité par laquelle un débiteur, ne pouvant fournir une caution à son créancier, lui substitue une « assurance-caution » en garantie de ses propres engagements.
L’assurance-crédit ne doit pas être confondue avec d’autres mécanismes comme l’affacturage ou la garantie bancaire. Sa spécificité réside dans la mutualisation des risques et l’évaluation préalable de la solvabilité des clients.
Un régime juridique particulier
Point important à noter: l’article L. 111-1 du code des assurances dispose expressément que l’assurance-crédit est exclue du champ d’application du droit des assurances terrestres. Elle relève donc principalement du droit commun des obligations, ce qui laisse une grande liberté contractuelle aux parties.
Le fonctionnement de l’assurance-crédit
L’assurance-crédit repose sur plusieurs principes fondamentaux qui déterminent son efficacité et ses limites.
Le principe de globalité
L’assurance doit porter sur l’ensemble de l’activité commerciale de l’assuré qui ne peut sélectionner les risques à sa convenance. Ce principe essentiel permet à l’assureur d’éviter l’anti-sélection des risques, où seules les créances douteuses lui seraient proposées.
La garantie porte donc sur l’intégralité du chiffre d’affaires de l’assuré ou sur une fraction homogène (par exemple, un secteur d’activité). Cette approche globale permet une mutualisation efficace des risques et l’application d’un taux de prime raisonnable.
L’agrément des clients
Selon ce principe central, vous devez soumettre à l’agrément de l’assureur les clients avec lesquels vous souhaitez entretenir des relations commerciales à crédit au-delà d’un certain montant.
Les contrats distinguent généralement:
- Les clients non dénommés, pour lesquels l’assuré n’est pas tenu d’effectuer une demande d’agrément avant de leur accorder un crédit inférieur à un certain seuil (par exemple 4 600 €)
- Les clients dénommés, pour lesquels une demande d’agrément est nécessaire, l’assureur analysant alors la situation financière du client avant d’accorder sa garantie
L’assureur conserve la prérogative de refuser, réduire ou supprimer son agrément en fonction de l’évolution de la solvabilité des clients. Cette clause n’est pas considérée comme potestative par la jurisprudence, car elle dépend de circonstances objectives susceptibles d’un contrôle judiciaire (Civ. 1re, 22 nov. 1989, n° 87-19.149).
La quotité garantie et les franchises
L’assureur garantit la perte résultant de l’insolvabilité du débiteur, mais l’assuré reste toujours associé à la charge définitive du sinistre.
Le montant de l’indemnité correspond au produit de la perte et de la quotité garantie. Cette quotité varie selon le type de client:
- Pour les clients dénommés: entre 75% et 85% de la créance
- Pour les clients non dénommés: entre 50% et 70%
À cette indemnité s’applique généralement un découvert obligatoire, qu’il est interdit à l’assuré de garantir auprès d’un autre assureur. Ce mécanisme responsabilise l’assuré en l’incitant à ne pas accorder son crédit trop facilement.
Les avantages concrets pour votre entreprise
L’assurance-crédit offre bien plus qu’une simple indemnisation en cas d’impayé.
Sécurisation de la trésorerie
Le premier avantage, et non des moindres, est la prévisibilité financière. En cas de défaillance d’un client important, votre trésorerie ne subira pas le choc brutal de l’impayé, préservant ainsi votre capacité d’investissement et de développement.
Pour beaucoup d’entreprises, les créances clients représentent jusqu’à 30% de leur actif. La défaillance d’un client majeur peut donc conduire à des difficultés financières graves, voire au dépôt de bilan. L’assurance-crédit constitue un rempart efficace contre ce risque.
Services de prévention et renseignement commercial
Les assureurs-crédit disposent de bases de données importantes sur la santé financière des entreprises. Ils suivent de près l’activité économique générale et sectorielle, connaissent la situation financière de leurs assurés et se tiennent informés des caractéristiques d’exploitation et de la situation comptable de ces derniers.
Ces informations constituent un avantage considérable pour l’entreprise assurée, qui bénéficie d’une analyse professionnelle du risque client qu’elle n’aurait pas nécessairement les moyens d’effectuer en interne.
Aide au recouvrement
En cas d’impayé, l’assureur-crédit détient généralement un mandat pour procéder au recouvrement de la créance. Cette intervention, qui peut être amiable ou contentieuse, vous évite de mobiliser vos ressources internes pour cette tâche souvent chronophage et délicate.
Optimisation fiscale
Les primes d’assurance-crédit sont déductibles pour la détermination du bénéfice imposable, en tant que charges d’exploitation. Cette déductibilité constitue un avantage fiscal non négligeable par rapport à d’autres méthodes de gestion du risque client.
Quand et comment mettre en place une assurance-crédit
Toutes les entreprises n’ont pas le même intérêt à souscrire une assurance-crédit. Votre décision doit être fonction de plusieurs facteurs.
Évaluer l’opportunité pour votre structure
L’assurance-crédit est particulièrement pertinente dans les situations suivantes:
- Votre entreprise accorde des délais de paiement importants
- Vos clients sont concentrés et représentent des volumes significatifs
- Vous opérez dans un secteur connaissant un taux élevé de défaillances
- Vous souhaitez développer votre activité en toute sécurité
À l’inverse, elle peut s’avérer moins utile si vos ventes sont très dispersées sur de nombreux clients avec des montants faibles, ou si votre activité est principalement réglée au comptant.
Le processus de souscription
Pour souscrire une assurance-crédit, vous devrez fournir à l’assureur, au moyen d’un document appelé « proposition confidentielle d’assurance », des informations détaillées sur votre activité:
- La nature de votre clientèle
- La répartition de votre chiffre d’affaires
- Le nombre de clients auxquels est accordé un crédit
- Un état estimatif des principaux crédits
- Vos bilans et chiffres d’affaires des derniers exercices
- Le montant des créances litigieuses ou perdues récemment
Ces éléments permettront à l’assureur d’évaluer votre risque et de déterminer les conditions contractuelles adaptées à votre situation.
Points de vigilance contractuels
Lors de la négociation du contrat, portez une attention particulière aux éléments suivants:
- La définition de l’insolvabilité (constatée judiciairement ou présumée après délai)
- Les délais de carence avant indemnisation
- Les exclusions de garantie
- Les obligations déclaratives en cours de contrat
- Les conditions de révision ou de résiliation des garanties
Coût et retour sur investissement
Le taux de prime dépend de nombreux facteurs: votre secteur d’activité, l’importance et la nature de votre clientèle, la répartition de votre chiffre d’affaires selon les durées de crédit accordées, votre historique de pertes, la conjoncture économique…
Le coût doit être mis en perspective avec le niveau de risque réel de votre portefeuille clients et les conséquences financières potentielles d’un impayé significatif.
Gestion des sinistres et indemnisation
En cas de défaillance d’un client, plusieurs étapes sont nécessaires avant d’obtenir une indemnisation.
La notion d’insolvabilité
Le simple impayé ne suffit pas à déclencher la garantie. L’assurance-crédit couvre l’insolvabilité du débiteur, qui peut être:
- Constatée judiciairement (jugement arrêtant le plan de redressement, jugement de liquidation judiciaire, accord de règlement amiable)
- Présumée après l’écoulement d’un délai de carence prévu au contrat
Délai de carence et conditions d’indemnisation
Les contrats prévoient généralement un délai de carence avant indemnisation:
- Six à neuf mois pour les clients dénommés
- Trois mois pour les clients non dénommés
La clause « petit sinistre » peut réduire ces délais à quinze jours et un mois respectivement.
Dès que l’insolvabilité prévue au contrat est constituée, l’assureur-crédit verse l’indemnité contractuelle. En cas de procédure collective, il verse souvent un acompte dans le mois qui suit l’admission de la créance.
Subrogation et recours
Après indemnisation, l’assureur-crédit est subrogé dans les droits et actions de l’assuré contre le débiteur défaillant. Cette subrogation, prévue par l’article 22 de la loi n° 72-650 du 11 juillet 1972, lui permet de tenter de récupérer tout ou partie de la créance.
L’effet translatif de cette subrogation porte sur tous les droits et actions transmis à l’assureur, y compris les actions à caractère délictuel ou les garanties comme la clause de réserve de propriété.
Des formules adaptées aux besoins spécifiques des entreprises
Au-delà de l’assurance-crédit classique, des formules particulières ont été développées pour répondre à des besoins spécifiques.
Pour les grandes entreprises: l’assurance excess
Cette formule concerne les entreprises dont les fonds propres leur permettent d’être leur propre assureur jusqu’à un certain montant. Seule une part exceptionnelle d’impayé est prise en charge par l’assureur.
L’assurance excess prévoit une franchise annuelle globale importante (par exemple 150 000 €) et un plafond d’indemnité (par exemple 900 000 €). Entre ces deux limites, l’assureur s’engage à indemniser les sinistres à 100%.
Pour les PME: des offres simplifiées
Des contrats adaptés ont été créés pour les petites entreprises, avec une déclaration du risque simplifiée, une quotité garantie de l’ordre de 70% et une prime forfaitaire calculée sur le chiffre d’affaires en fonction de la sinistralité du secteur d’activité.
Notre cabinet dispose d’une expertise approfondie en matière d’assurance-crédit et peut vous accompagner à chaque étape: analyse de vos besoins, négociation des conditions contractuelles, gestion des sinistres et éventuels contentieux avec l’assureur. N’hésitez pas à nous contacter pour une étude personnalisée de votre situation et des solutions les plus adaptées à la protection de votre entreprise contre le risque d’impayés.
Sources
- Code des assurances, article L. 111-1
- Loi n° 72-650 du 11 juillet 1972, article 22
- Code civil, article 1346 (subrogation)
- CASSON Philippe, « Assurance-crédit », Répertoire de droit commercial, 2017