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Le bénéficiaire effectif : définition, identification et entités concernées

Table des matières

La transparence est devenue une exigence de plus en plus présente dans le monde des affaires. Dans ce contexte, notamment celui de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT), une notion a pris une importance considérable pour de nombreuses entreprises : celle de « bénéficiaire effectif ». Vous dirigez une société, une association, ou une autre structure ? Comprendre qui est ce bénéficiaire effectif et si votre entité est tenue de l’identifier est une première étape essentielle pour naviguer dans ces obligations réglementaires. Cet article a pour objectif de vous éclairer sur ces points fondamentaux. Pour une vue d’ensemble rapide de toutes les obligations essentielles liées au registre des bénéficiaires effectifs, consultez notre guide simplifié.

Qui se cache derrière le terme « bénéficiaire effectif » ?

L’idée derrière la notion de bénéficiaire effectif est simple en apparence : il s’agit de savoir qui réellement contrôle ou profite d’une structure juridique, au-delà des apparences ou des montages parfois complexes. La loi nous donne une définition plus précise.

Le principe fondamental : toujours une personne physique

Le Code monétaire et financier est clair : le bénéficiaire effectif est toujours une ou plusieurs personnes physiques. L’article L. 561-2-2 le définit comme la personne physique qui, en dernier lieu, soit possède ou contrôle, directement ou indirectement, l’entité cliente, soit celle pour laquelle une opération est exécutée ou une activité réalisée. Oubliez donc les sociétés mères ou les holdings comme bénéficiaires effectifs finaux ; l’objectif est d’identifier l’individu ou les individus qui tirent les ficelles ou les bénéfices à la fin de la chaîne.

Les critères pour identifier le bénéficiaire effectif d’une société

Pour les sociétés, qui représentent la majorité des cas, la réglementation fournit des critères précis pour identifier ce ou ces bénéficiaires effectifs. Ces critères ne sont pas alternatifs au choix, il faut les examiner dans l’ordre. L’article R. 561-1 du Code monétaire et financier détaille ces modalités.

Le premier critère est celui de la détention du capital ou des droits de vote. Est considérée comme bénéficiaire effectif toute personne physique qui détient, directement ou indirectement, plus de 25% du capital ou des droits de vote de la société. Ce seuil de 25% est le premier indicateur à vérifier. La détention peut être directe (la personne possède elle-même les parts ou actions) ou indirecte (elle les possède via une ou plusieurs autres sociétés qu’elle contrôle).  

Si personne ne dépasse ce seuil de 25%, ou si ce critère seul ne reflète pas la réalité du contrôle, on examine le deuxième critère : l’exercice d’un pouvoir de contrôle sur la société par tout autre moyen. Qu’est-ce que cela signifie concrètement ? La loi renvoie ici à certaines définitions du contrôle dans le Code de commerce (notamment l’article L. 233-3). Cela peut recouvrir plusieurs situations :

  • Une personne qui « détermine en fait, par les droits de vote dont elle dispose, les décisions dans les assemblées générales ». Pensez à un actionnaire minoritaire qui, en raison de la dispersion du reste du capital ou d’un pacte d’actionnaires, arrive à imposer ses vues.
  • Une personne qui dispose du pouvoir de nommer ou de révoquer la majorité des membres des organes de direction (gérants, membres du conseil d’administration ou de surveillance, etc.). Ce pouvoir peut découler des statuts, d’un pacte, ou d’une situation de fait.

Ce deuxième critère vise donc les situations où une personne, sans forcément détenir une part importante du capital, exerce une influence déterminante sur la gestion et les décisions de la société.

Enfin, que se passe-t-il si, après avoir examiné ces deux critères, aucune personne physique ne peut être identifiée comme exerçant un contrôle ? Et à condition qu’il n’y ait pas de soupçon de blanchiment. Dans ce cas seulement, la réglementation prévoit une solution « par défaut », comme le précise l’alinéa 2 de l’article R. 561-1 du Code monétaire et financier. Le bénéficiaire effectif est alors considéré comme étant le ou les dirigeants légaux de la société. Selon la forme de la société, il s’agira :

  • Du ou des gérants (pour les SNC, SCS, SARL, sociétés civiles).
  • Du directeur général (pour les SA avec conseil d’administration).
  • Du président du directoire ou du directeur général unique (pour les SA avec directoire et conseil de surveillance).
  • Du président et, le cas échéant, du directeur général (pour les SAS).

Si le représentant légal est lui-même une autre société, on remontera alors à la personne physique qui dirige cette dernière. Cette désignation par défaut est une solution de dernier recours pour assurer qu’il y ait toujours une personne physique identifiée.

Et pour les autres formes juridiques ?

Le législateur a prévu des règles adaptées pour d’autres types de structures. Sans entrer dans un détail excessif ici, sachez que des critères spécifiques existent aussi pour :

  • Les placements collectifs (OPCVM, FIA…) : les règles ressemblent à celles des sociétés, visant la détention de parts ou le contrôle sur la société de gestion (article R. 561-2 C. mon. fin.).
  • Les associations, fondations, GIE : les critères incluent la détention de plus de 25% du « capital » (si applicable), la vocation à en devenir titulaire, le pouvoir de nommer/révoquer les dirigeants, ou un contrôle par d’autres moyens. À défaut, ce sont les représentants légaux (président d’association, etc.) qui sont désignés (article R. 561-3 C. mon. fin.).
  • Les fiducies et trusts : l’identification vise le constituant, le fiduciaire (trustee), le bénéficiaire, et éventuellement le protecteur (article R. 561-3-0 C. mon. fin.).

Ces structures ne sont donc pas hors du champ d’application, même si les modalités d’identification sont ajustées.

Attention aux situations complexes : les points qui posent question

Malgré les précisions apportées par les textes successifs, certaines situations restent délicates à analyser en pratique. Deux points méritent une attention particulière.

Premièrement, comment calculer la détention indirecte pour le seuil de 25% ? Imaginez une personne A qui détient 50% d’une société B, qui elle-même détient 50% d’une société C. A est-elle bénéficiaire effectif de C ? Faut-il multiplier les pourcentages (50% de 50% = 25%, donc A n’atteint pas le seuil de plus de 25%) ? Ou considérer qu’à partir du moment où A contrôle B (avec 50%), elle contrôle indirectement ce que B détient (donc les 50% de C) ? La première méthode, dite du « produit des participations », est celle généralement privilégiée par les autorités de contrôle (comme l’ACPR et l’AMF) dans leurs lignes directrices passées. La seconde, dite « de la cascade » ou du contrôle, est moins souvent retenue dans ce contexte précis. En l’absence de clarification légale explicite sur la méthode de calcul, la prudence commande souvent de suivre l’approche des régulateurs (produit des participations) et de documenter son calcul. Un doute ? Mieux vaut consulter.

Deuxièmement, que faire si une société cotée s’intercale dans la chaîne de détention ? Nous verrons plus loin que les sociétés cotées sont exemptées de l’obligation de déclarer leurs propres bénéficiaires effectifs. Mais cela signifie-t-il que la recherche s’arrête si l’on « tombe » sur une société cotée dans l’actionnariat d’une société non cotée ? La logique et l’objectif de transparence suggèrent que non. L’exemption de déclaration de la société cotée ne devrait pas bloquer l’identification du bénéficiaire effectif final de la société non cotée qui, elle, reste soumise à l’obligation. Il faut donc, en principe, continuer à chercher qui contrôle la société cotée pour identifier la personne physique en bout de chaîne. Cependant, obtenir ces informations peut être complexe. Là encore, la situation mérite une analyse attentive.

Votre entreprise est-elle concernée par ces obligations ?

Maintenant que la notion de bénéficiaire effectif est un peu plus claire, la question suivante est : votre structure est-elle soumise à l’obligation de l’identifier et de le déclarer ? Une fois cette identification effectuée, il est essentiel de comprendre les modalités pratiques de la déclaration officielle de vos bénéficiaires effectifs au Registre du Commerce et des Sociétés.

Un champ d’application très large

La réponse est oui pour une très grande majorité des entités juridiques immatriculées en France. L’article L. 561-45-1 du Code monétaire et financier vise explicitement :

  • Les sociétés ayant leur siège en France et jouissant de la personnalité morale (SARL, EURL, SA, SAS, SASU, SNC, SCS, SCA, sociétés civiles comme les SCI…).
  • Les Groupements d’Intérêt Économique (GIE).
  • Les sociétés commerciales étrangères qui ont un établissement en France.
  • D’autres personnes morales dont l’immatriculation est prévue par la loi (par exemple, les Groupements Européens d’Intérêt Économique – GEIE – ayant leur siège en France).

La forme juridique importe peu, dès lors que l’entité est immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés (RCS).

L’extension récente à toutes les associations et fondations

Une évolution importante est intervenue avec la loi du 22 avril 2024 (dite loi DDADUE). Alors qu’auparavant, seules certaines associations (celles qui émettaient des obligations et devaient s’immatriculer au RCS) étaient concernées, l’obligation d’identifier et de conserver les informations sur les bénéficiaires effectifs a été étendue à toutes les associations régies par la loi de 1901, ainsi qu’aux fondations, aux fonds de dotation et aux fonds de pérennité. Ces organismes devront déclarer ces informations en complément de leurs autres obligations déclaratives, via des registres spécifiques (comme le répertoire national des associations). Pour une association classique, le bénéficiaire effectif sera très souvent son président ou principal dirigeant légal. C’est un changement notable pour le secteur non lucratif.

L’exception majeure : les sociétés cotées

Il existe une exception importante à cette large portée : les sociétés dont les titres sont admis à la négociation sur un marché réglementé en France, dans l’Espace Économique Européen, ou sur un marché étranger imposant des obligations de transparence équivalentes, sont exclues de ce dispositif d’identification et de déclaration des bénéficiaires effectifs (article L. 561-45-1 C. mon. fin.). La raison ? On considère que les obligations de publicité et de transparence qui pèsent déjà sur ces sociétés (franchissements de seuils, informations sur les dirigeants…) permettent déjà d’avoir une visibilité suffisante sur leur actionnariat et leur contrôle. Cette exemption concerne cependant uniquement la société cotée elle-même, pas nécessairement ses filiales non cotées.

L’identification du bénéficiaire effectif est une étape clé, mais elle s’inscrit dans un cadre plus large. Pour mieux appréhender toutes les implications, notamment en matière d’accès aux informations, de sanctions et des nouvelles obligations directes pour les bénéficiaires eux-mêmes, il est essentiel de rester informé.

Identifier correctement le ou les bénéficiaires effectifs de votre structure est une étape fondamentale pour assurer votre conformité. Si vous avez des doutes sur votre situation spécifique, notre cabinet peut vous aider à analyser votre structure de contrôle et vous apporter un accompagnement juridique expert et sur mesure en droit commercial.

Sources

  • Code monétaire et financier : notamment articles L. 561-2-2, L. 561-45-1, R. 561-1, R. 561-2, R. 561-3, R. 561-3-0.
  • Code de commerce : notamment articles L. 123-1, L. 233-3.
  • Loi n° 2024-364 du 22 avril 2024 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (DDADUE).

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