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Le compte bancaire : ouverture, fonctionnement et particularités juridiques

Table des matières

La vie moderne exige un compte bancaire. Son absence complique paiements, perception des revenus et intégration sociale. Pourtant, ses aspects juridiques demeurent souvent méconnus du grand public.

Le droit au compte : un mécanisme d’inclusion bancaire

Le législateur a créé un « droit au compte » pour lutter contre l’exclusion bancaire. L’article L.312-1 du Code monétaire et financier établit ce droit pour toute personne physique ou morale domiciliée en France, ainsi que pour les personnes physiques françaises résidant à l’étranger.

La procédure est simple : après un refus d’ouverture de compte par une banque, celle-ci doit remettre une attestation de refus. Le demandeur peut alors solliciter la Banque de France qui désignera un établissement tenu d’ouvrir un compte.

Depuis le décret n°2022-347 du 11 mars 2022, la procédure s’est affinée. Les personnes dont le compte a été résilié sont considérées comme dépourvues de compte. Un système de refus implicite a été instauré : en l’absence de réponse bancaire dans les 15 jours, le demandeur peut saisir la Banque de France.

Les services bancaires de base (art. D.312-5 CMF) comprennent notamment :

  • L’ouverture et la tenue du compte
  • Un moyen de consultation du compte à distance
  • Des virements et prélèvements
  • Une carte de paiement à autorisation systématique
  • Deux chèques de banque par mois

Ces services sont obligatoirement gratuits. Une banque ne peut clôturer un compte ouvert sur injonction qu’avec un préavis de deux mois et une motivation précise. La Chambre commerciale (30 juin 2021, n°19-14.313) a confirmé que l’utilisation du compte pour des opérations illégales justifie sa résiliation sans préavis.

La convention de compte de dépôt : un contrat encadré

La loi Murcef (2001) a rendu obligatoire la convention écrite pour les comptes de dépôt des personnes physiques non-professionnelles. L’article L.312-1-1 du CMF précise son contenu minimal.

L’arrêté du 29 juillet 2009 détaille les mentions obligatoires :

  • Identité du prestataire
  • Modalités de fonctionnement du compte
  • Tarification
  • Procédures de réclamation
  • Durée du contrat

Cette convention écrite n’est pas une formalité vaine. Dans un arrêt du 1er juillet 1997, la Cour de cassation a rappelé qu’en l’absence de convention écrite, certaines clauses défavorables au client peuvent être jugées inopposables.

Les modifications tarifaires suivent un processus strict : information deux mois avant application et droit de résiliation sans frais pour le client en cas de désaccord. Les frais d’incidents bancaires sont plafonnés pour les personnes vulnérables (4€ par opération et 20€ par mois).

Le devoir de vigilance du banquier : une obligation légale

L’ouverture d’un compte impose au banquier des vérifications précises. L’article R.312-2 du CMF l’oblige à vérifier l’identité et le domicile du postulant via un « document officiel comportant sa photographie ».

La jurisprudence a sanctionné les manquements à cette obligation. Dans un arrêt du 23 juin 2004 (n°02-17.789), la Cour de cassation a retenu la responsabilité d’une banque ayant accepté un permis de conduire suspect sans vérification approfondie.

En matière de lutte contre le blanchiment, l’article L.561-5 du CMF renforce ces obligations. Le banquier doit identifier le bénéficiaire effectif de l’opération par des « moyens adaptés » et vérifier ces éléments avec un « document écrit probant ».

Pour les personnes morales, la vigilance s’étend à l’existence juridique et aux pouvoirs des représentants. La Cour a jugé (27 mai 2008, n°07-15.132) qu’une banque avait manqué à ses obligations en n’examinant pas la conformité des pouvoirs d’un représentant au regard des statuts.

Pour les professions réglementées, le banquier doit vérifier la conformité de l’activité avec l’agrément professionnel. Un arrêt du 22 novembre 2011 (n°10-30.101) l’a clairement établi.

Compte de dépôt et compte courant : une distinction subtile mais fondamentale

La distinction entre compte de dépôt et compte courant n’est pas toujours évidente. La jurisprudence réserve au compte courant un régime dérogatoire au code civil. Les comptes collectifs, qu’il s’agisse de comptes joints ou indivis, présentent également des particularités juridiques.

  • L’enchevêtrement des créances réciproques
  • Le principe de généralité (toutes les créances entrent en compte)
  • La fusion des créances dans un solde unique
  • Une fonction de garantie

À l’inverse, le compte de dépôt n’obéit pas à cette règle d’affectation générale et sert principalement de mécanisme de règlement.

La qualification donnée par la banque n’est pas déterminante. Dans un arrêt du 8 janvier 2009 (n°06-17.630), la Cour de cassation a jugé abusive l’assimilation d’un compte de dépôt à un compte courant.

Le compte de paiement : une innovation pour l’inclusion bancaire

Apparu avec la directive européenne de 2014, le compte de paiement est défini à l’article L.522-4 du CMF. Contrairement aux comptes bancaires traditionnels, il est tenu par des établissements de paiement qui ne sont pas autorisés à recevoir des fonds remboursables du public.

Les fonds déposés sont exclusivement destinés à l’exécution d’opérations de paiement et ne peuvent être utilisés par l’établissement pour son compte propre.

Ce type de compte présente un intérêt pour les personnes en situation d’exclusion bancaire. Des services comme « Nickel » proposent des comptes sans banque, ouverts avec une simple pièce d’identité, permettant les opérations de paiement sans découvert ou crédit.

La juridiction commerciale a confirmé dans un arrêt du 10 septembre 2014 (CE 10 sept. 2014, req. n°381183) que le droit au compte ne porte pas atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle et n’emporte aucune violation du droit de propriété.

La possibilité de clôturer son compte sans frais avec un préavis maximal de 30 jours est garantie par l’article L.312-1-7 du CMF, facilitant ainsi la mobilité bancaire.

Un avocat peut s’avérer indispensable pour intervenir lors de litiges avec votre banque, notamment en cas de refus abusif d’ouverture de compte, de clauses contestables dans la convention, ou de défaut d’information sur les modifications tarifaires. Notre cabinet d’avocats accompagne régulièrement des clients dans ces démarches complexes, où la connaissance fine des subtilités du droit bancaire fait souvent la différence.

Sources

  • Code monétaire et financier, articles L.312-1, L.312-1-1, L.312-1-7, L.522-4, L.561-5, R.312-2, D.312-5
  • Cour de cassation, chambre commerciale, 30 juin 2021, n°19-14.313
  • Cour de cassation, chambre commerciale, 23 juin 2004, n°02-17.789
  • Cour de cassation, chambre commerciale, 27 mai 2008, n°07-15.132
  • Cour de cassation, 1ère chambre civile, 8 janvier 2009, n°06-17.630
  • Cour de cassation, chambre commerciale, 22 novembre 2011, n°10-30.101
  • Conseil d’État, 10 septembre 2014, req. n°381183
  • Décret n°2022-347 du 11 mars 2022 relatif à la procédure de droit au compte
  • Arrêté du 29 juillet 2009 relatif aux relations entre les prestataires de services de paiement et leurs clients
  • Loi n°2001-1168 du 11 décembre 2001 dite « loi Murcef »

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