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Le gage immobilier : une sûreté en désuétude

Table des matières

Le gage immobilier reste cette grande oubliée parmi les sûretés immobilières. Contrairement à l’hypothèque qui domine le paysage juridique, le gage immobilier – autrefois appelé antichrèse – souffre d’un désintérêt marqué en pratique.

Définition et spécificités

Le gage immobilier se définit comme « l’affectation d’un immeuble en garantie d’une obligation avec dépossession de celui qui la constitue » (article 2379 du Code civil). Cette sûreté permet à un créancier de détenir l’immeuble jusqu’au remboursement complet de la dette.

Sa particularité majeure? La dépossession physique du débiteur, qui perd l’usage de son bien au profit du créancier. Cette caractéristique le distingue radicalement de l’hypothèque.

De l’antichrèse au gage immobilier moderne

L’antichrèse existait déjà dans le Code civil de 1804. La loi du 12 mai 2009 lui a substitué l’appellation « gage immobilier », créant une confusion terminologique avec le gage mobilier.

Cette modification a été critiquée par de nombreux juristes. L’ordonnance du 23 mars 2006 avait en effet réservé le terme « gage » aux sûretés portant sur des biens meubles corporels.

Fonctionnement pratique

La dépossession : élément essentiel

Le créancier gagiste prend possession de l’immeuble. Cette dépossession n’est pas une simple formalité juridique mais implique un transfert réel de la détention matérielle du bien.

Le créancier bénéficie d’un droit de rétention sur l’immeuble jusqu’au complet paiement. Ce droit de rétention est opposable aux tiers, y compris aux créanciers munis d’autres sûretés.

Gestion et imputation des fruits

Le créancier doit assurer l’exploitation, l’entretien et la conservation de l’immeuble. Il perçoit les fruits (loyers, récoltes) qu’il doit imputer :

  • d’abord sur les intérêts de la dette
  • puis sur le capital restant dû

L’article 2381 du Code civil précise: « Le créancier perçoit les fruits de l’immeuble à charge de les imputer sur les intérêts, s’il en est dû, et subsidiairement sur le capital de la dette. »

Réalisation de la sûreté

En cas de défaillance du débiteur, le créancier dispose de plusieurs options :

  • saisir l’immeuble pour le faire vendre
  • demander l’attribution judiciaire
  • mettre en œuvre un pacte commissoire (si prévu dans le contrat)

Ces modalités ont été modernisées par l’ordonnance du 15 septembre 2021.

Pourquoi une telle désuétude?

Une sûreté contraignante

La principale faiblesse du gage immobilier réside dans l’obligation pour le créancier de gérer l’immeuble. Cette charge implique:

  • des compétences en gestion immobilière
  • des ressources humaines dédiées
  • un suivi administratif complexe

Peu d’établissements financiers souhaitent endosser ce rôle de gestionnaire immobilier.

Une contradiction économique

Le débiteur se prive de l’usage et des revenus de son bien, précisément ceux qui pourraient lui permettre de rembourser sa dette. Ce paradoxe explique en grande partie le désintérêt pour cette sûreté.

Un juriste du CRIDON de Paris notait: « Le gage immobilier représente souvent un remède pire que le mal qu’il est censé prévenir. »

Une alternative peu attrayante

Le gage immobilier peut sembler brutal comparé à l’hypothèque qui maintient le débiteur dans ses droits tout en offrant une protection similaire au créancier.

Une pertinence résiduelle

Le bail au débiteur: une solution hybride

L’article 2382 du Code civil permet au créancier de donner l’immeuble à bail, y compris au débiteur lui-même. Cette formule astucieuse permet au propriétaire de conserver la détention matérielle du bien.

Cette solution a été validée par la Cour de cassation (Cass. 3e civ., 18 déc. 2002), mais reste rarement mise en œuvre.

Applications spécifiques

Le gage immobilier peut être pertinent dans certaines situations:

  • crédits à court terme avec garantie immobilière
  • relations familiales où la dépossession est symbolique
  • garanties entre sociétés d’un même groupe

Une banque belge pratiquant en France a récemment redécouvert cette sûreté pour des prêts transfrontaliers.

Une sûreté d’avenir?

Malgré ses inconvénients, le gage immobilier pourrait connaître un regain d’intérêt:

  • il offre un droit de rétention très efficace
  • la possibilité du pacte commissoire le rend plus flexible
  • certaines situations économiques peuvent justifier son emploi

Mais cette renaissance reste hypothétique dans un marché dominé par l’hypothèque et la fiducie-sûreté.

Sources

  • Code civil, articles 2379 à 2384
  • Simler, P. et Delebecque, P. (2023). Droit des sûretés, La publicité foncière. Dalloz, 8e édition.
  • Cass. 3e civ., 18 décembre 2002, n° 01-12.143
  • Piette, G. (2006). La nature de l’antichrèse après l’ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006. Dalloz, 2006.
  • Ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés

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