eraser, office supplies, office

Le juge de l’exécution (JEX) peut-il annuler une dette ?

Table des matières

Un créancier mandate un commissaire de justice pour pratiquer une saisie sur votre compte bancaire. Face à cette mesure d’exécution forcée, la question se pose : l’annulation d’une dette par le juge est-elle possible ? La réponse directe est non. Le JEX n’a pas le pouvoir d’effacer une créance. Cependant, son intervention peut aboutir à un résultat équivalent, voire à l’annulation de la procédure, paralysant définitivement les poursuites du créancier. L’assistance d’un avocat est alors déterminante pour naviguer les complexités de la procédure civile et faire valoir les bons arguments. Notre cabinet, fort de son expertise en matière de sûretés et garanties et plus largement en droit des garanties, vous éclaire sur les pouvoirs réels de ce juge et les leviers de défense à votre disposition.

Le rôle du JEX : un contrôle sur l’exécution, pas sur l’annulation de la dette

Pour comprendre comment l’intervention du JEX peut neutraliser une procédure de recouvrement, il est essentiel de cerner précisément son domaine d’intervention et les limites de son pouvoir. Sa mission n’est pas de rejuger une affaire, mais de s’assurer que la mise en œuvre d’un titre se déroule conformément au droit français.

Juge des difficultés d’exécution forcée

La compétence du juge de l’exécution est strictement définie par l’article L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire. Ce texte lui attribue une compétence exclusive pour connaître des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent lors d’une procédure d’exécution forcée, y compris une mesure conservatoire. Concrètement, son intervention fait toujours suite à une mesure engagée par un créancier, comme une saisie sur compte bancaire (saisie-attribution), une saisie immobilière ou une saisie-vente de biens mobiliers. Le débiteur doit alors saisir le juge compétent, généralement le JEX du lieu du domicile du débiteur, par voie d’assignation rédigée par un avocat pour contester la mesure et en demander l’annulation.

La distinction essentielle : JEX et juge du fond

Une distinction fondamentale doit être opérée. Le juge du fond (par exemple, le tribunal judiciaire) est celui qui tranche le litige sur le fond du droit : il dit si une dette existe, quel est son montant et condamne le débiteur à payer. Sa décision, une fois définitive, acquiert l’autorité de la chose jugée. Le JEX intervient après cette décision judiciaire. Sa mission est de veiller à sa bonne exécution, non de la remettre en cause dans le contexte d’une nouvelle instance. Il ne peut donc pas modifier le jugement qui sert de base aux poursuites. Cependant, comme nous le verrons, cette frontière peut devenir poreuse dans des cas spécifiques, notamment en matière de droit de la consommation.

Le contrôle des conditions de la saisie : la première ligne de défense

Le pouvoir du JEX s’exerce principalement à travers le contrôle des conditions formelles et substantielles de l’exécution forcée. C’est par ce biais qu’une dette, sans être annulée, peut devenir impossible à recouvrer, menant à l’annulation de la saisie.

La validité du titre exécutoire : le sésame du créancier

Pour pratiquer une saisie, même une saisie conservatoire, le créancier doit impérativement détenir un titre exécutoire. L’article L. 111-3 du code des procédures civiles d’exécution (CPCE) en dresse une liste limitative. En plus d’un titre valable, le créancier doit justifier d’une créance « liquide et exigible ». C’est-à-dire une créance chiffrée (ou chiffrable) et dont le paiement est arrivé à échéance. Face à une décision de justice, le pouvoir de contrôle du JEX est restreint. En revanche, lorsque le créancier agit sur la base d’un acte authentique notarié (un prêt, par exemple) revêtu de la formule exécutoire, le JEX est le premier magistrat à examiner la créance, ce qui lui confère un pouvoir d’appréciation bien plus large.

L’exception au principe : le contrôle du JEX sur le fond du droit pour les clauses abusives

Le principe veut que le JEX ne puisse pas rejuger le fond d’une affaire déjà tranchée. Toutefois, la jurisprudence européenne et française a créé une brèche majeure à ce principe, notamment pour protéger les consommateurs. Si un juge du fond a rendu une décision sans vérifier d’office le caractère potentiellement abusif des clauses d’un contrat (un crédit à la consommation à un taux élevé, par exemple), le JEX a non seulement le pouvoir mais aussi le devoir de procéder à cet examen. Même face à une décision rendue ayant autorité de la chose jugée, le JEX peut écarter l’application d’une clause jugée abusive (par exemple, une clause d’intérêts ou de pénalités) et ainsi obtenir l’annulation de l’exécution forcée. Cet effet de blocage, souvent méconnu, démontre une expertise juridique et peut constituer un levier de défense extrêmement puissant pour le débiteur.

Les 4 leviers d’action pour obtenir l’annulation de l’exécution de la dette devant le JEX

Le débiteur qui conteste une saisie dispose de plusieurs arguments techniques pour obtenir sa mainlevée. S’ils sont accueillis par le juge, ces moyens peuvent rendre le recouvrement de la créance impossible et aboutir à l’annulation de la procédure.

1. Invoquer la prescription du titre exécutoire : l’arme du temps

Un titre exécutoire ne donne pas un droit de poursuite éternel. L’article L. 111-4 du code des procédures civiles d’exécution fixe un délai de prescription de dix ans pour l’exécution des titres exécutoires judiciaires. Ce délai court à compter de la signification du jugement. Chaque acte d’exécution, comme un commandement de payer ou un procès-verbal de saisie, interrompt ce délai et en fait courir un nouveau. Si le créancier est resté inactif pendant plus de dix ans, la prescription est acquise. La décision du JEX ordonnera alors la mainlevée, et la dette, sans faire l’objet d’une annulation formelle, deviendra irrécouvrable par la force.

2. Exiger une vérification des comptes : le pouvoir de contrôle du JEX sur le montant réclamé

L’un des pouvoirs les plus importants du JEX est celui de vérifier le montant exact de la créance. La Cour de cassation a maintes fois rappelé que lorsque le décompte du créancier est contesté, le juge est tenu de refaire les comptes entre les parties. Cet argument est particulièrement efficace en matière de crédit, où les intérêts de retard sont eux-mêmes soumis à une prescription biennale. De plus, les règles d’imputation des paiements prévues par l’article 1343-1 du Code civil (le paiement s’impute d’abord sur les intérêts) sont souvent mal appliquées par les créanciers. Si le décompte est erroné ou impossible à vérifier, le juge peut considérer que la créance n’est pas liquide, ce qui entraîne la nullité et l’annulation de la saisie.

Comment initier concrètement une demande de vérification des comptes ?

Pour demander une vérification des comptes, le débiteur doit, par l’intermédiaire de son avocat, rédiger une assignation devant le JEX. Cet acte de procédure, qui initie la procédure devant le juge, doit exposer clairement les motifs de la contestation du décompte. Il ne suffit pas de contester globalement le montant. Il faut fournir des conclusions détaillées, pointant les erreurs de calcul, les imputations incorrectes ou l’application d’intérêts prescrits. L’assignation doit être déposée au greffe de la juridiction compétente dans le délai imparti après la signification de l’acte de saisie. Ce processus formel est distinct de l’envoi d’une simple lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR), qui n’a pas la même valeur pour saisir un tribunal. Le débiteur doit produire tout document et toute preuve à sa disposition (échéanciers, relevés, preuves de paiements) pour étayer son argumentation et permettre au juge de recalculer la dette lors de l’audience.

3. Contester une saisie abusive : sanctionner les excès du créancier

Une saisie peut être jugée abusive si elle est pratiquée de mauvaise foi ou pour une somme manifestement excessive. L’abus de droit de saisir est sanctionné. L’article L. 121-2 du CPCE permet au JEX de condamner le créancier à verser des dommages-intérêts au débiteur, pouvant atteindre plusieurs milliers d’euros. Cette indemnité peut, dans certains cas, se compenser avec la dette et aboutir à l’extinction de la procédure. Cet argument est souvent pertinent face à des entreprises de recouvrement qui engagent des poursuites sans vérifier sérieusement la validité ou la prescription de leur créance, causant un préjudice au débiteur.

4. Soulever la compensation légale : une voie de recours limitée

La compensation est un mécanisme par lequel des dettes réciproques s’éteignent. Un débiteur pourrait être tenté de demander au JEX de condamner le créancier à lui verser des dommages-intérêts pour une faute contractuelle afin de compenser sa propre dette. Toutefois, cette demande relève de la compétence du juge du fond et non du JEX, pour laquelle le débiteur peut, si besoin, solliciter l’aide juridictionnelle. Cela limite fortement la portée de cet argument dans le cadre d’une contestation de saisie.

Le tiers saisi (banque, employeur) : un allié inattendu pour le débiteur ?

Lors d’une saisie-attribution ou d’une saisie conservatoire, un acteur est souvent perçu comme passif : le tiers saisi (la banque qui détient le compte ou l’employeur qui verse le salaire). Pourtant, la loi lui impose des obligations strictes, dont le non-respect peut entraîner la nullité de toute la procédure. L’article R. 211-4 du CPCE oblige le tiers saisi à déclarer « sur-le-champ » à l’huissier de justice l’étendue de ses obligations envers le débiteur. La jurisprudence interprète cette obligation de fournir cette information de manière très stricte. Une déclaration tardive, inexacte ou incomplète constitue une faute. La sanction est sévère : le tiers saisi peut être condamné à payer personnellement les sommes dues au créancier, comme le prévoit l’article R. 211-5 du CPCE. Pour un débiteur, une erreur procédurale commise par sa propre banque peut donc devenir un angle de défense inattendu et décisif, conduisant à l’échec et à l’annulation de la saisie.

Analyse stratégique : JEX ou procédure de surendettement pour l’effacement des dettes ?

Face à une dette devenue ingérable, le débiteur peut hésiter entre contester une saisie devant le JEX et déposer un dossier de surendettement. Ces deux démarches répondent à des situations différentes et n’ont pas les mêmes conséquences. La saisine du JEX est une stratégie de défense ciblée. Elle est pertinente lorsqu’une mesure conservatoire ou une procédure d’exécution forcée est engagée sur la base d’un titre exécutoire contestable (prescription, calcul erroné, clause abusive). L’objectif est de faire annuler la saisie, ce qui aboutit à une annulation de la mesure d’exécution, mais pas à l’annulation de la dette par le JEX lui-même. La procédure de surendettement est une démarche globale. Elle s’adresse aux particuliers de bonne foi dont la situation financière est dégradée. La commission, un service public, traite la totalité du passif (y compris les dettes d’une entreprise individuelle sous conditions) et peut aboutir à un plan de redressement, à des délais de paiement ou, si la situation est « irrémédiablement compromise », à une annulation partielle ou totale des dettes. C’est la seule voie qui permet une véritable annulation des créances.

Les vraies procédures d’annulation de dette : quand le JEX n’est pas la solution

Il est crucial de bien distinguer le rôle du juge de l’exécution des procédures qui permettent une véritable annulation de la dette à sa source.

L’action devant le juge du fond pour annuler le contrat

Seul le juge du fond (tribunal judiciaire) a le pouvoir de prononcer la nullité d’un contrat. Une telle décision judiciaire anéantit la dette à sa source, la faisant disparaître rétroactivement. Cette action est indépendante de toute procédure d’exécution.

La procédure de surendettement pour un effacement global

Comme évoqué, la procédure de surendettement des particuliers est la voie principale pour obtenir une annulation des dettes. Gérée par la commission de surendettement et contrôlée par le juge des contentieux de la protection, elle peut mener à un rétablissement personnel avec ou sans liquidation judiciaire, aboutissant à une annulation totale ou partielle du passif, y compris pour une dette alimentaire dans des conditions très strictes, après un débat devant le juge.

Le juge de l’exécution joue un rôle crucial de régulateur. S’il ne peut prononcer l’annulation d’une dette, son pouvoir de contrôle sur la procédure offre au débiteur des moyens de défense efficaces. L’analyse d’un avocat est essentielle pour identifier les failles et présenter au juge les arguments pertinents. Si vous faites l’objet d’une saisie, notre cabinet peut analyser votre situation et vous conseiller sur la meilleure stratégie, y compris sur l’opportunité d’un appel des décisions du JEX, qui peut dans certains cas être porté devant le premier président de la cour d’appel.

Sources

  • Code de l’organisation judiciaire : article L. 213-6
  • Code des procédures civiles d’exécution (CPCE) : articles L. 111-2, L. 111-3, L. 111-4, L. 121-2, R. 211-4 et R. 211-5
  • Code civil : article 1343-1 (sur l’imputation des paiements)
  • Jurisprudence de la Cour de cassation et de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE)

Vous souhaitez échanger ?

Notre équipe est à votre disposition et s’engage à vous répondre sous 24 à 48 heures.

07 45 89 90 90

Vous êtes avocat ?

Consultez notre offre éditoriale dédiée.

Dossiers

> La pratique de la saisie immobilière> Les axes de défense en matière de saisie immobilière

Formations professionnelles

> Catalogue> Programme

Poursuivre la lecture

fr_FRFR