Vous avez gagné votre procès, mais la partie adverse refuse d’exécuter le jugement ? Votre débiteur ne paie pas malgré une décision de justice en votre faveur ? Le juge de l’exécution (JEX) est la réponse institutionnelle à ces situations. Cette juridiction spécialisée constitue un rouage essentiel du système judiciaire français.
Qui est le Juge de l’exécution ?
Le président du tribunal judiciaire par principe
Depuis le 1er janvier 2020, la fonction de juge de l’exécution est exercée par le président du tribunal judiciaire (article L. 213-5 du Code de l’organisation judiciaire). Cette évolution découle de la fusion des tribunaux d’instance et de grande instance en tribunaux judiciaires.
Le JEX statue en principe à juge unique, exerçant « dans le ressort du tribunal et, s’il y a lieu, dans celui de chacune des chambres de proximité » (article R. 213-10 du Code de l’organisation judiciaire).
Un mécanisme de délégation bien encadré
Les présidents de tribunaux judiciaires peuvent déléguer cette fonction à un ou plusieurs juges du tribunal via une ordonnance de délégation (articles L. 213-5 et R. 213-10 du Code de l’organisation judiciaire).
Cette délégation précise :
- Sa durée (souvent annuelle)
- Son étendue géographique (tout le ressort ou une zone spécifique)
L’ordonnance fait l’objet d’une large publicité : envoi au bâtonnier, au président de la chambre départementale des huissiers, affichage au greffe et dans les mairies du ressort.
Les compétences du JEX
Le JEX dispose d’une compétence exclusive en matière d’exécution forcée. L’article L. 213-6 du Code de l’organisation judiciaire définit précisément ses attributions.
Une compétence d’ordre public
La compétence du juge de l’exécution est d’ordre public. Cela signifie que tout juge autre que le JEX doit relever d’office son incompétence lorsqu’une contestation apparaît lors d’une mesure d’exécution forcée (article R. 121-1 du Code des procédures civiles d’exécution).
En pratique, le JEX connaît :
- Des difficultés relatives aux titres exécutoires
- Des contestations sur l’exécution forcée
- Des demandes en réparation liées à l’exécution
- Des autorisations de mesures conservatoires
- De la procédure de saisie immobilière
- De la distribution des deniers
Un juge qui peut examiner le fond du droit
Ce qui rend ce juge particulièrement puissant est sa capacité à trancher des questions portant sur le fond du droit, à condition qu’elles soient accessoires à une mesure d’exécution forcée.
Comme l’indique la deuxième chambre civile : « Le juge de l’exécution peut connaître, à l’occasion de la contestation d’une mesure d’exécution forcée, de l’extinction de la créance faisant l’objet de cette mesure pour une cause postérieure à la décision qui a consacré cette créance » (Civ. 2e, 8 déc. 2022, n° 20-20.233).
Quand peut-on saisir le JEX ?
La saisine du JEX obéit à des règles strictes. Une erreur peut vous coûter l’irrecevabilité de votre demande.
Une mesure d’exécution forcée préalable
Le JEX ne peut être saisi qu’à l’occasion d’une mesure d’exécution forcée déjà engagée. Comme l’a précisé la Cour de cassation dans son avis du 16 juin 1995, le JEX n’est compétent ni avant, ni après une mesure d’exécution.
Concrètement, une saisie doit être en cours ou un commandement de payer signifié. Un simple litige entre débiteur et créancier sans mesure d’exécution ne relève pas du JEX.
Le commandement de payer est considéré comme « engageant » l’exécution forcée (Civ. 2e, 16 déc. 1998, n° 96-18.255), ce qui donne compétence au JEX pour traiter les contestations soulevées après sa signification.
Les limites à sa compétence
Le JEX n’a pas le pouvoir de modifier le dispositif d’une décision qui sert de fondement aux poursuites (article R. 121-1 du Code des procédures civiles d’exécution). Il ne peut :
- Annuler une décision de justice
- Substituer une réparation en équivalent à une réparation en nature
- Modifier les termes d’un jugement
Certaines matières échappent aussi à sa compétence :
- Questions relevant des juridictions administratives
- Contestations relatives aux jugements répressifs
- Saisies pénales
Comment préparer au mieux votre dossier ?
La procédure devant le JEX est strictement encadrée. Depuis le 1er janvier 2020, la représentation par avocat est obligatoire, sauf en matière d’expulsion ou pour les créances inférieures à 10 000 euros.
Pour optimiser vos chances de succès :
- Identifiez précisément la mesure d’exécution contestée
- Respectez le délai de 15 jours pour former un appel après notification de la décision
- N’oubliez pas que l’appel n’a pas d’effet suspensif (sauf demande de sursis à exécution)
- Préparez soigneusement vos preuves (huissier, notifications, commandements)
L’expérience montre que de nombreuses demandes échouent par méconnaissance des limites de compétence du JEX. Un avocat spécialisé saura vous orienter efficacement et formuler vos demandes dans le respect du cadre légal applicable.
Pour toute contestation d’une saisie ou difficulté d’exécution d’un jugement, notre cabinet reste à votre disposition pour analyser votre situation et déterminer la stratégie la plus adaptée.
Sources
- Code de l’organisation judiciaire, articles L. 213-5, L. 213-6, R. 213-10
- Code des procédures civiles d’exécution, articles R. 121-1, R. 121-2, L. 121-4
- Cass. avis, 16 juin 1995, n° 09-50.008
- Civ. 2e, 16 déc. 1998, n° 96-18.255
- Civ. 2e, 8 déc. 2022, n° 20-20.233
- Laurence Feuillard, « Juge de l’exécution », Répertoire de procédure civile, octobre 2020