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Le jugement d’adjudication en matière de saisie immobilière

Table des matières

Le jugement d’adjudication n’est pas un jugement comme les autres. Il constate non seulement le résultat des enchères mais constitue également un titre d’expulsion à l’encontre du saisi et de tout occupant de son chef. Sa remise à l’adjudicataire est pourtant problématique, et ses caractéristiques exactes méconnues.

L’obtention du jugement d’adjudication

Le jugement d’adjudication n’est pas remis à l’adjudicataire, il est annexé au titre de vente. L’adjudicataire qui souhaite se procurer ce jugement devra l’extraire du titre de vente. En effet, le titre de vente est composé :

  • du cahier des conditions de la vente, 
  • des annexes, 
  • de la quittance des frais, 
  • du jugement d’adjudication 
  • et de la formule exécutoire.

Le titre de vente est remis à l’adjudicataire une fois que la quittance attestant du paiement des frais taxés a été déposée au greffe des adjudications. Par ailleurs, il doit être publié au fichier immobilier pour devenir opposable aux tiers.

Pour procéder à cette publication, le service de la publicité foncière a besoin d’avoir l’exemplaire original du titre. Malheureusement, l’huissier a également besoin d’un exemplaire original pour procéder à une éventuelle expulsion. C’est une difficulté insoluble qui résulte d’une mauvaise conception du texte par le législateur.

Les mentions obligatoires du jugement d’adjudication

Le contenu du jugement d’adjudication est strictement encadré par l’article R. 322-59 du code des procédures civiles d’exécution. Ce texte impose des mentions précises qui s’ajoutent à celles requises pour tout jugement.

D’après cet article, le jugement doit mentionner :

  • Le jugement d’orientation, les jugements tranchant d’éventuelles contestations, et le cahier des conditions de vente
  • L’identité du créancier poursuivant ou du créancier subrogé dans ses droits
  • Les formalités de publicité accomplies avec leurs dates précises
  • La désignation complète de l’immeuble adjugé
  • Les date et lieu de la vente forcée
  • L’identité précise de l’adjudicataire
  • Le prix d’adjudication obtenu
  • Le montant des frais taxés à la charge de l’adjudicataire
  • Les contestations éventuellement soulevées 

Cette dernière mention revêt une importance particulière car elle conditionne les possibilités de recours contre le jugement d’adjudication, comme nous le verrons plus loin.

L’avocat de l’adjudicataire a tout intérêt à contrôler ces mentions car une erreur, notamment dans l’identification de son client, pourrait entraîner des difficultés lors de la publication du jugement au fichier immobilier.

La notification du jugement d’adjudication

Une fois rendu, le jugement d’adjudication doit être porté à la connaissance des parties concernées. Selon l’article R. 322-60 du code des procédures civiles d’exécution, la notification incombe au créancier poursuivant qui doit l’adresser au débiteur saisi, aux créanciers inscrits, à l’adjudicataire ainsi qu’à toute personne ayant élevé une contestation tranchée par la décision.

Le jugement d’adjudication comme titre d’expulsion

Le jugement d’adjudication présente une particularité notoire : il constitue de plein droit un titre d’expulsion à l’encontre du saisi. C’est ce que prévoit expressément l’article L. 322-13 du code des procédures civiles d’exécution.

C’est un point important pour l’adjudicataire qui peut se heurter à un refus du saisi de quitter les lieux. Le jugement lui permettra d’engager directement une procédure d’expulsion sans avoir à solliciter au préalable un autre titre exécutoire.

Toutefois, cette faculté est encadrée par l’article R. 322-64 du même code qui précise que l’adjudicataire ne peut mettre à exécution ce titre d’expulsion qu’à compter du versement du prix ou de sa consignation et du paiement des frais taxés. Cette condition protège le saisi d’une expulsion prématurée.

Ce titre d’expulsion vaut non seulement contre le saisi lui-même mais également contre « tout occupant de son chef n’ayant aucun droit qui lui soit opposable ». Cela signifie que les personnes autorisées par le saisi à occuper le bien, sans disposer d’un droit propre, peuvent également être expulsées sur ce fondement.

En revanche, un locataire titulaire d’un bail antérieur à la délivrance du commandement de payer valant saisie immobilière peut opposer son contrat à l’adjudicataire. La cour de cassation a d’ailleurs précisé, dans un arrêt du 27 février 2020 (2e Civ., n° 18-19.174), que même les baux conclus après la publication du commandement peuvent être opposables si l’adjudicataire en a eu connaissance avant l’adjudication.

L’article 20 des dispositions générales du cahier des conditions de vente rappelle enfin que « l’acquéreur fera son affaire personnelle, sans recours envers qui que ce soit, de toutes expulsions nécessaires et bénéficiera des indemnités d’occupation qui seraient dues. »

Fait notable, contrairement aux expulsions ordinaires, celles fondées sur un jugement d’adjudication ne peuvent pas faire l’objet d’une suspension. L’article L. 722-8 du code de la consommation exclut explicitement cette possibilité.

Les voies de recours contre le jugement d’adjudication

Le régime des recours contre le jugement d’adjudication est très restrictif. L’article R. 322-60, alinéa 2, du code des procédures civiles d’exécution dispose que « Seul le jugement d’adjudication qui statue sur une contestation est susceptible d’appel de ce chef dans un délai de quinze jours à compter de sa notification. »

Cette limitation est régulièrement confirmée par la Cour de cassation. Dans un arrêt du 6 janvier 2011 (2e Civ., n° 09-70.437), elle rappelle que « le jugement d’adjudication qui ne statue sur aucune contestation ou demande incidente n’est pas susceptible de recours. »

Concrètement, seules les dispositions du jugement qui tranchent une contestation soulevée à l’audience peuvent faire l’objet d’un appel. Par exemple, si l’adjudicataire a contesté la validité d’une enchère et que le juge a tranché cette question dans son jugement, cette partie de la décision pourra être frappée d’appel.

Le délai d’appel est de 15 jours à compter de la notification.

Si le jugement d’adjudication échappe en principe aux voies de recours ordinaires, la jurisprudence a néanmoins admis le pourvoi en cassation pour excès de pouvoir (Civ. 2e, 22 novembre 2001, n° 00-13.773 ; Civ. 2e, 6 décembre 2012, n° 11-24.028).

En revanche, le recours en révision semble exclu. La cour de cassation considère traditionnellement que « la décision d’adjudication qui ne statue sur aucun incident ne fait que constater un contrat judiciaire et n’a pas le caractère de jugement » (2e Civ., 20 mai 1985, n° 83-16.680). Elle en déduit que ce type de décision ne peut faire l’objet d’un recours en révision.

Une évolution jurisprudentielle pourrait toutefois se dessiner. Dans un arrêt récent du 14 octobre 2021, la cour d’appel de Rouen a semblé admettre, sur le principe, la possibilité d’un recours en révision contre un jugement d’adjudication, même en l’absence de contestation. Cette position, qui s’écarte de la jurisprudence traditionnelle de la Cour de cassation, mérite d’être suivie avec attention.

Le caractère restrictif des recours s’explique par la volonté de sécuriser l’adjudication et de protéger l’adjudicataire. Il reste que cette limitation peut s’avérer frustrante pour le saisi qui constaterait, après l’adjudication, une irrégularité dans la procédure.

Sources

  • Code des procédures civiles d’exécution, articles L. 111-1 et suivants, R. 111-1 et suivants, notamment les articles L. 322-13, R. 322-39 à R. 322-64
  • Loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, article 20
  • Décret du 30 juin 1977, article 7
  • Jurisprudence de la Cour de cassation : 2e Civ., 6 janvier 2011, n° 09-70.437; 2e Civ., 27 février 2020, n° 18-19.174; 2e Civ., 22 novembre 2001, n° 00-13.773; 2e Civ., 20 mai 1985, n° 83-16.680
  • Cour d’appel de Rouen, 14 octobre 2021, n° 20/02505
  • Fascicule 2035 : Procédure civile – Procédures d’exécution – Généralités, JurisClasseur Roulois

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