waving flag

Le mécanisme de surveillance unique (MSU) : rôle et fonctionnement expliqués

Table des matières

Le paysage bancaire européen a été profondément remodelé ces dernières années, notamment depuis les crises financières qui ont secoué l’économie mondiale. Au cœur de cette transformation se trouve l’Union bancaire, un projet ambitieux visant à renforcer la solidité des banques et à harmoniser leur surveillance au sein de la zone euro et des pays partenaires. Le Mécanisme de Surveillance Unique (MSU), ou Single Supervisory Mechanism (SSM) en anglais, en constitue la pierre angulaire. Il instaure un système de supervision centralisé confié principalement à la Banque Centrale Européenne (BCE). Comprendre son rôle et son fonctionnement est devenu essentiel pour les acteurs économiques interagissant avec le secteur bancaire européen.  

Qu’est-ce que le mécanisme de surveillance unique (MSU) ?

Le MSU ne peut être dissocié de l’initiative plus large qu’est l’Union bancaire européenne. Son objectif principal est d’assurer la sécurité et la solidité des établissements de crédit et, par extension, la stabilité du système financier européen. En confiant des missions spécifiques de surveillance prudentielle à la BCE, l’Europe a cherché à restaurer la confiance et à mettre fin à la fragmentation des marchés nationaux observée lors des crises précédentes.  

L’Union bancaire européenne : un contexte nécessaire

Née de la volonté de tirer les leçons des crises financières de 2008 et des dettes souveraines de 2010, l’Union bancaire a été conçue pour briser le cercle vicieux entre difficultés bancaires et finances publiques des États. Elle repose sur trois piliers : le MSU pour la surveillance, le Mécanisme de Résolution Unique (MRU) pour gérer les défaillances bancaires de manière ordonnée, et un système harmonisé de garantie des dépôts pour protéger les épargnants. Cette architecture vise à assurer une application cohérente des règles prudentielles (le « règlement uniforme » basé sur les accords de Bâle III et ses évolutions) et à limiter le recours à l’argent public en cas de faillite bancaire.  

Les acteurs clés du MSU : BCE et autorités nationales

Le MSU est un système composite. Il articule l’action de la Banque Centrale Européenne (BCE) et des autorités compétentes nationales (ACN) des États membres participants. Bien que la BCE soit l’autorité centrale et dispose du pouvoir décisionnel final, elle s’appuie fortement sur l’expertise et la connaissance du terrain des ACN. Cette coopération est essentielle au bon fonctionnement du système. La BCE, dans ses missions de surveillance, agit en toute indépendance, mais doit rendre compte de son action devant le Parlement européen et le Conseil. Un organe spécifique, le Conseil de surveillance prudentielle, planifie et exécute les missions de surveillance au sein de la BCE, ses projets de décision étant soumis au Conseil des gouverneurs de la BCE.  

Qui est concerné par la surveillance du MSU ?

Le MSU ne couvre pas tous les établissements de crédit de la même manière. Une distinction fondamentale est opérée entre les établissements « importants » (significant institutions – SI) et les « moins importants » (less significant institutions – LSI). Cette distinction détermine quelle autorité assure la surveillance prudentielle directe.  

Les établissements « importants » sous surveillance directe de la BCE

La BCE assure la surveillance prudentielle directe des banques jugées « importantes ». Les critères d’importance sont définis précisément et incluent la taille (total d’actifs supérieur à 30 milliards d’euros), l’importance pour l’économie du pays ou de l’Union (actifs supérieurs à 20% du PIB national, sauf si actifs < 5 milliards €), l’importance des activités transfrontalières (actifs > 5 milliards € et part significative des actifs/passifs transfrontaliers > 20%), ou le fait d’avoir reçu une aide financière publique directe via les mécanismes de stabilité européens. Les trois plus grands établissements de crédit de chaque État membre participant sont également considérés comme importants. La liste de ces établissements est publique et révisée annuellement par la BCE. Environ 113 groupes bancaires étaient sous surveillance directe de la BCE fin 2021. Pour plus de détails sur les principes et champ d’application du MSU, vous pouvez consulter notre article dédié.  

Le rôle des autorités nationales pour les autres établissements

Les milliers d’établissements de crédit considérés comme « moins importants » restent sous la surveillance directe de leur autorité compétente nationale (ACN). Cependant, cette surveillance s’exerce dans le cadre défini par la BCE et sous sa supervision indirecte. La BCE peut émettre des orientations et instructions générales aux ACN pour assurer une application cohérente des standards de surveillance. Elle conserve également la faculté de décider, si nécessaire, d’assurer elle-même la surveillance directe d’un établissement moins important. Cette répartition vise à garantir une surveillance proportionnée tout en maintenant des exigences élevées pour l’ensemble du secteur.  

Les grandes missions de la BCE dans le cadre du MSU

Au-delà de la surveillance au quotidien, le règlement MSU confie à la BCE des missions spécifiques et exclusives qui sont déterminantes pour le paysage bancaire.

Agrément et retrait d’agrément des banques

La BCE détient la compétence exclusive pour octroyer ou retirer l’agrément nécessaire à l’exercice de l’activité d’établissement de crédit dans les États membres participants. Bien que la demande initiale soit déposée auprès de l’ACN, celle-ci prépare un projet de décision qui est ensuite soumis à la BCE pour validation finale. La BCE s’assure que les conditions fixées par le droit de l’Union sont remplies. La procédure de retrait peut être initiée par la BCE ou l’ACN, notamment si l’établissement ne remplit plus les conditions de son agrément ou commet certaines infractions graves.  

Évaluation des acquisitions et participations qualifiées

Toute acquisition ou augmentation d’une « participation qualifiée » (généralement 10% ou plus du capital ou des droits de vote, ou toute possibilité d’exercer une influence notable) dans un établissement de crédit doit être notifiée à l’ACN et évaluée par la BCE. L’objectif est d’évaluer l’honorabilité et la solidité financière de l’acquéreur potentiel, ainsi que la capacité de l’établissement cible à continuer de respecter les exigences prudentielles après l’opération. La BCE peut s’opposer à l’acquisition si ces critères ne sont pas remplis.  

La surveillance prudentielle au quotidien

La mission la plus visible de la BCE concerne la surveillance continue des établissements importants. Cela implique de veiller au respect constant des exigences réglementaires en matière de fonds propres (ratio de solvabilité), de liquidité, de grands risques, de levier, mais aussi de gouvernance interne, de gestion des risques et de politiques de rémunération. Ces missions et pouvoirs spécifiques de la BCE sont exercés via une surveillance dite « sur pièces » (analyse des reportings) et des contrôles sur place.  

Comment fonctionne la surveillance prudentielle par la BCE ?

Pour remplir ses missions, la BCE dispose d’outils et de pouvoirs étendus, mis en œuvre par des équipes dédiées, les Joint Supervisory Teams (JST), composées d’agents de la BCE et des ACN.  

Le processus d’évaluation SREP

Chaque année, la BCE mène un processus d’examen et d’évaluation prudentiels (Supervisory Review and Evaluation Process – SREP) pour chaque banque importante sous sa surveillance directe. Le SREP est une évaluation complète des risques de la banque (crédit, marché, opérationnel, liquidité…) et de l’adéquation de ses fonds propres et de sa gouvernance pour y faire face. Sur la base du SREP, la BCE peut imposer des exigences de fonds propres supplémentaires (dites de Pilier 2 – P2R) ou formuler des recommandations (P2G).  

Les « stress tests » ou tests de résistance

Régulièrement (tous les deux ans à l’échelle de l’UE, coordonnés par l’ABE, et annuellement par la BCE pour les banques sous sa surveillance directe), la BCE soumet les banques à des tests de résistance. Ces simulations évaluent la capacité des banques à absorber des chocs économiques et financiers sévères (scénarios adverses). Les résultats alimentent le SREP et peuvent conduire à des exigences de fonds propres additionnelles.  

Pouvoirs d’enquête et de sanction

La BCE dispose de pouvoirs d’enquête étendus pour recueillir les informations nécessaires à sa surveillance : demandes de documents, examen des livres comptables, auditions. Elle peut mener des enquêtes générales et des inspections sur place dans les locaux des banques. En cas de non-respect des réglementations européennes directement applicables ou de ses propres décisions, la BCE peut imposer des sanctions pécuniaires significatives aux établissements de crédit. Pour les infractions à d’autres règles ou pour sanctionner des personnes physiques, elle doit demander à l’ACN d’agir.  

Pourquoi faire appel à un avocat sur les sujets liés au MSU ?

La complexité de la réglementation bancaire européenne et les pouvoirs étendus de la BCE rendent l’assistance juridique souvent indispensable pour les établissements de crédit et leurs dirigeants. Que ce soit pour une demande d’agrément, la gestion d’une prise de participation, la préparation d’une inspection, la compréhension des exigences SREP ou la contestation d’une décision de la BCE (via la commission administrative de réexamen ou la CJUE ), l’accompagnement par des avocats compétents en droit bancaire européen est un atout majeur. Notre cabinet peut vous assister pour naviguer ces procédures et défendre vos intérêts face aux autorités de supervision, notamment en matière de conformité réglementaire et de sécurisation des opérations financières via des mécanismes de sûretés et garanties. N’hésitez pas à solliciter notre expertise en matière de surveillance bancaire européenne.  

Si vous êtes confronté à une question relative au Mécanisme de Surveillance Unique ou si vous anticipez une interaction avec la BCE, contacter notre cabinet peut vous permettre d’aborder la situation avec clarté et sérénité.

Foire aux questions

Quelle est la différence entre le MSU et le MRU ?

Le MSU surveille les banques pour prévenir les défaillances, tandis que le Mécanisme de Résolution Unique (MRU) intervient pour gérer de manière ordonnée la défaillance d’une banque, en minimisant l’impact sur les contribuables et la stabilité financière.  

Tous les pays de l’UE participent-ils au MSU ?

La participation est automatique et obligatoire pour les pays de la zone euro. Les autres pays de l’UE peuvent choisir de rejoindre le MSU via un accord de « coopération rapprochée » avec la BCE. La Bulgarie et la Croatie l’ont fait en 2020.  

Qu’est-ce qu’un établissement de crédit « important » (significant institution) ?

C’est une banque qui remplit au moins un des critères fixés par la réglementation : taille (actifs > 30 Mds €), importance économique nationale (actifs > 20% PIB), activités transfrontalières significatives, bénéficiaire d’une aide publique directe via le MES/FESF, ou faisant partie des trois plus grandes banques du pays. Ces banques sont sous la surveillance directe de la BCE.  

La BCE peut-elle imposer des sanctions directement ?

Oui, la BCE peut imposer directement des sanctions pécuniaires aux établissements de crédit (importants ou moins importants) en cas de violation de ses propres règlements ou décisions, ou aux établissements importants pour violation du droit européen directement applicable (comme le règlement CRR). Le montant peut atteindre 10% du chiffre d’affaires annuel.  

Comment une banque peut-elle contester une décision de la BCE ?

Une décision de la BCE peut d’abord faire l’objet d’un réexamen administratif interne devant la commission administrative de réexamen (ABoR) de la BCE. Indépendamment ou suite à ce réexamen, un recours peut être formé devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE)

Vous souhaitez échanger ?

Notre équipe est à votre disposition et s’engage à vous répondre sous 24 à 48 heures.

07 45 89 90 90

Vous êtes avocat ?

Consultez notre offre éditoriale dédiée.

Dossiers

> La pratique de la saisie immobilière> Les axes de défense en matière de saisie immobilière

Formations professionnelles

> Catalogue> Programme

Poursuivre la lecture

fr_FRFR