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Le monopole bancaire en France : qui peut exercer des activités bancaires ?

Table des matières

Dans l’univers financier français, toutes les activités ne sont pas ouvertes à tous les acteurs. Le système juridique met en place des garde-fous stricts pour protéger le public et la stabilité financière. Le monopole bancaire constitue l’un des piliers de cette architecture de protection.

L’encadrement des activités bancaires

Le législateur français a choisi de limiter l’exercice des activités bancaires aux seuls établissements agréés. Cette restriction s’inscrit dans une logique de protection de l’épargne publique et de contrôle des risques systémiques.

Le Code monétaire et financier encadre précisément qui peut recevoir des fonds du public ou accorder des crédits. Ces opérations, essentielles à l’économie, sont réservées à des professionnels soumis à surveillance prudentielle.

Le monopole bancaire : périmètre et fondements

Définition et champ d’application

Le monopole bancaire interdit à toute personne non agréée d’effectuer des opérations de banque à titre habituel. L’article L.511-5 du Code monétaire et financier pose ce principe fondamental.

Sont concernées trois catégories d’opérations :

  • La réception de fonds du public
  • Les opérations de crédit
  • La mise à disposition ou gestion de moyens de paiement

L’interdiction vise particulièrement les dépôts à vue et ceux à terme de moins de deux ans, considérés comme l’activité la plus sensible du secteur bancaire.

Base juridique

Le texte fondateur est l’article L.511-5 du Code monétaire et financier qui énonce clairement : « Il est interdit à toute personne autre qu’un établissement de crédit d’effectuer des opérations de banque à titre habituel. Il est, en outre, interdit à toute entreprise autre qu’un établissement de crédit de recevoir du public des fonds à vue ou à moins de deux ans de terme. »

L’agrément est délivré par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), qui exerce ensuite une surveillance permanente sur les établissements autorisés.

Les exceptions au monopole bancaire

Le législateur a prévu plusieurs dérogations à ce principe de monopole.

Organismes expressément exclus

Certaines institutions échappent par nature au monopole bancaire :

  • Le Trésor public
  • La Banque de France
  • La Caisse des dépôts et consignations
  • Les entreprises d’assurance
  • Les organismes de placement collectif en valeurs mobilières

Ces exclusions s’expliquent par les missions particulières de ces institutions ou par l’existence d’autres régimes de contrôle.

Dérogations légales pour les entreprises

L’article L.511-7 du Code monétaire et financier autorise certaines opérations :

  • Les délais et avances de paiement entre entreprises
  • Les contrats de location avec option d’achat
  • Les opérations de trésorerie entre sociétés d’un même groupe
  • L’émission de valeurs mobilières

Ces exceptions répondent aux besoins pratiques de la vie des affaires.

Les prêts interentreprises depuis la loi Macron

La loi n°2015-990 du 6 août 2015 (dite loi Macron) a élargi les possibilités de prêts interentreprises. L’article L.511-6 du Code monétaire et financier permet désormais à certaines sociétés commerciales d’accorder des prêts de moins de deux ans à d’autres entreprises avec lesquelles elles entretiennent des « liens économiques justificatifs ».

Un décret du 22 avril 2016 en précise les conditions :

  • Le prêteur doit être une société par actions ou une SARL
  • Ses comptes doivent être certifiés par un commissaire aux comptes
  • L’emprunteur doit être une TPE, PME ou ETI

Cette innovation juridique constitue une brèche notable dans le monopole bancaire traditionnel.

Les prêts entre associations

Plus récemment, la loi n°2021-875 du 1er juillet 2021 a introduit une nouvelle exception pour les associations. L’article L.511-6 du Code monétaire et financier autorise désormais les associations ayant des liens d’adhésion communs à une union ou fédération à s’accorder mutuellement des prêts de trésorerie pour une durée inférieure à deux ans sans intérêts.

Cette disposition, inscrite au 1 bis de l’article, vise à résoudre les difficultés de trésorerie du monde associatif sans passer systématiquement par le crédit bancaire.

Sanctions en cas de violation

Le non-respect du monopole bancaire expose à un arsenal répressif conséquent.

Sanctions pénales

L’article L.571-3 du Code monétaire et financier prévoit :

  • Trois ans d’emprisonnement
  • 375 000 € d’amende

Le tribunal peut également ordonner l’affichage ou la diffusion de la décision.

Sanctions administratives

L’ACPR dispose de pouvoirs de sanction allant de l’avertissement à des pénalités financières pouvant atteindre 100 millions d’euros ou 10% du chiffre d’affaires.

Sort des contrats conclus

La jurisprudence a longtemps hésité sur la nullité des contrats conclus en violation du monopole bancaire. La chambre commerciale de la Cour de cassation considérait ces contrats nuls, tandis que la première chambre civile refusait cette sanction.

L’Assemblée plénière a tranché dans un arrêt du 4 mars 2005 (n°03-11.725) : « la seule méconnaissance par un établissement de crédit de l’exigence d’agrément […] n’est pas de nature à entraîner la nullité des contrats qu’il a conclus ».

Cette position a été confirmée récemment par la chambre commerciale dans un arrêt du 15 juin 2022 (n°20-22.160) qui réaffirme qu’une opération de crédit conclue en méconnaissance de l’interdiction du monopole bancaire n’est pas nulle pour ce seul motif.

Cette jurisprudence constante protège les contractants de bonne foi mais n’exonère pas le contrevenant des sanctions pénales et administratives.

Conseils pratiques

Pour les entreprises et associations souhaitant profiter des dérogations au monopole bancaire :

  • Vérifier attentivement les conditions posées par la loi
  • S’assurer du respect des seuils financiers et des liens requis
  • Documenter précisément les « liens économiques » justifiant un prêt interentreprises
  • Formaliser les prêts par écrit, même entre structures associatives
  • Consulter un professionnel du droit pour sécuriser les opérations à la frontière du monopole

La frontière entre opérations autorisées et violation du monopole peut être ténue. Les conséquences d’une erreur d’appréciation peuvent être lourdes. La prudence reste de mise.

Sources

  • Code monétaire et financier, articles L.511-5 à L.511-8, L.511-33, L.571-3 et suivants
  • Loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (loi Macron)
  • Loi n°2021-875 du 1er juillet 2021 visant à améliorer la trésorerie des associations
  • Décret n°2016-501 du 22 avril 2016 relatif aux prêts entre entreprises
  • Cour de cassation, Assemblée plénière, 4 mars 2005, n°03-11.725
  • Cour de cassation, Chambre commerciale, 15 juin 2022, n°20-22.160
  • Décret n°2018-1008 du 19 novembre 2018 relatif aux organismes de financement

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