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Le rôle des tiers dans les procédures de saisie

Table des matières

Les procédures d’exécution mobilisent un triangle d’acteurs : le créancier qui réclame son dû, le débiteur qui doit s’exécuter, et les tiers qui détiennent des informations ou des biens du débiteur. Ces derniers, souvent négligés dans l’analyse juridique, jouent pourtant un rôle déterminant.

Leur collaboration peut accélérer le recouvrement d’une créance. Leur résistance peut le bloquer. La loi les soumet donc à diverses obligations, parfois sous peine de sanctions sévères.

L’obligation générale d’information

Une évolution législative significative

Le système de recherche d’informations sur les débiteurs a connu une transformation majeure.

La loi du 9 juillet 1991 avait confié au procureur de la République la mission de rechercher les informations concernant le débiteur. L’huissier lui adressait un relevé de recherches infructueuses, et le parquet menait l’enquête.

Ce dispositif a évolué en deux temps :

  • La loi du 11 février 2004 a d’abord imposé un devoir de renseignement direct au service gérant le fichier des comptes bancaires
  • La loi du 22 décembre 2010 a étendu cette obligation à l’administration et aux établissements de crédit

La mission du parquet dans cette recherche a disparu. L’huissier peut désormais obtenir directement ces renseignements.

Une obligation de renseignement étendue

L’article L. 152-1 du Code des procédures civiles d’exécution définit le périmètre de l’obligation :

« Les administrations de l’État, des régions, des départements et des communes, les entreprises concédées ou contrôlées par l’État, les régions, les départements et les communes, les établissements publics ou organismes contrôlés par l’autorité administrative doivent communiquer à l’huissier de justice chargé de l’exécution les renseignements qu’ils détiennent permettant de déterminer l’adresse du débiteur, l’identité et l’adresse de son employeur ou de tout tiers débiteur ou dépositaire de sommes liquides ou exigibles et la composition de son patrimoine immobilier, à l’exclusion de tout autre renseignement, sans pouvoir opposer le secret professionnel »

Les établissements bancaires sont également tenus d’indiquer à l’huissier si un compte est ouvert au nom du débiteur et où il est tenu.

Ces informations sont protégées par l’article L. 152-3 du même code qui prévoit :

  • Leur utilisation limitée à l’exécution du titre concerné
  • L’interdiction de les communiquer à des tiers
  • L’interdiction d’en constituer un fichier nominatif

La violation de ces règles est passible des sanctions prévues par l’article 226-21 du Code pénal.

Les obligations spécifiques des tiers

Des obligations de déclaration précises

Dans le cadre de la saisie des comptes bancaires, l’article L. 162-1 du Code des procédures civiles d’exécution impose aux établissements bancaires de déclarer le solde du compte du débiteur au jour de la saisie.

Cette obligation s’impose même si l’huissier ne communique pas le numéro de compte. La jurisprudence exige une certaine précision : le banquier doit indiquer la position exacte du compte, qu’il soit créditeur ou débiteur (Cour de cassation, chambre commerciale, 6 mai 1981).

Le secret bancaire cède devant cette obligation légale.

Les avocats ne peuvent pas davantage invoquer le secret professionnel pour refuser de communiquer des informations sur les fonds déposés sur un compte CARPA (Tribunal de grande instance de Rouen, 23 avril 1987).

L’extension aux comptables publics

L’article L. 143-1 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit une obligation similaire lorsque le débiteur perçoit des revenus d’un comptable public :

« Lorsque la mesure doit être effectuée entre les mains d’un comptable public, tout créancier porteur d’un titre exécutoire ou d’une autorisation de mesure conservatoire peut requérir de l’ordonnateur qu’il lui indique le comptable public assignataire de la dépense ainsi que tous les renseignements nécessaires à la mise en œuvre de la mesure »

Des dispositions identiques existent au bénéfice du comptable du Trésor dans le cadre du recouvrement public des pensions alimentaires.

La situation particulière du tiers saisi

Qui peut être tiers saisi ?

Le tiers saisi est, selon l’article L. 211-1 du Code des procédures civiles d’exécution, celui entre les mains duquel on peut saisir les créances du débiteur portant sur une somme d’argent.

En pratique, peuvent devenir tiers saisis :

  • Les avocats qui disposent d’un pouvoir propre sur les fonds clients
  • Les notaires
  • Les huissiers
  • Les administrateurs judiciaires
  • Les syndics de copropriété
  • Les banques
  • Les cautions
  • Les représentants légaux des incapables

La jurisprudence s’attache à l’autonomie dont jouit le tiers dans la gestion des sommes appartenant au débiteur. Une cour d’appel a par exemple considéré qu’un accord intervenu entre le débiteur et le tiers saisi, mettant fin aux relations contractuelles après une saisie conservatoire mais avant sa conversion en saisie-attribution, a éteint la créance du débiteur (Cour de cassation, 22 novembre 2001).

Des obligations déclaratives strictes

L’article L. 211-3 du Code des procédures civiles d’exécution impose au tiers saisi de déclarer au créancier l’étendue de ses obligations envers le débiteur, ainsi que les modalités qui pourraient les affecter.

Cette déclaration doit intervenir « sur-le-champ ». La jurisprudence est très stricte sur ce point. Ont été sanctionnés :

  • Une société fournissant les renseignements le lendemain du passage de l’huissier
  • Une banque opposant l’absence de précision sur les numéros de compte
  • Un notaire absent lors de la venue de l’huissier alors que sa comptable aurait pu répondre

En cas de non-respect, l’article R. 211-5 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit que le tiers saisi peut être condamné à payer lui-même les sommes dues au créancier, sauf motif légitime.

Cependant, la Cour de cassation a fixé trois conditions à cette condamnation (arrêts du 5 juillet 2000) :

  • La saisie doit être valable
  • La créance saisie doit exister
  • Le tiers doit s’abstenir de toute déclaration

L’aménagement des procédures

Lorsqu’un tiers est impliqué, la procédure s’effectue systématiquement en deux temps :

  1. D’abord auprès du tiers
  2. Puis auprès du débiteur, avec signification dans un délai de huit jours

Dans la saisie-attribution, le tiers saisi a l’obligation de payer sur présentation d’un certificat attestant qu’aucune contestation n’a été formée. En cas de refus, le juge de l’exécution peut délivrer un titre exécutoire contre lui.

Dans la saisie des rémunérations, l’employeur doit verser mensuellement au greffe la fraction saisissable du salaire. S’il omet d’effectuer ces versements, l’article R. 3252-28 du Code du travail prévoit que « le juge rend à son encontre une ordonnance le déclarant personnellement débiteur ».

Le montant de votre créance pourrait déterminer si votre dossier nécessite seulement un recouvrement amiable ou une procédure judiciaire complète. Les erreurs procédurales risquent d’entraîner la nullité des actes ou des sanctions contre le créancier. Une consultation préalable permettra d’identifier la stratégie optimale et d’éviter les pièges coûteux.

Sources

  • Code des procédures civiles d’exécution, articles L. 111-1 et suivants, L. 123-1, L. 143-1, L. 152-1 à L. 152-3, L. 162-1, L. 211-1, L. 211-3
  • Code du travail, articles R. 3252-24 à R. 3252-28
  • Loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d’exécution
  • Loi n° 2004-130 du 11 février 2004 réformant le statut de certaines professions judiciaires
  • Loi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010 relative à l’exécution des décisions de justice
  • Cour de cassation, chambre commerciale, 6 mai 1981, Bull. civ. IV, n°212
  • Tribunal de Grande Instance de Rouen, 23 avril 1987, D. 1988
  • Cour de cassation, 2e chambre civile, 22 novembre 2001, n°99-14.900
  • Cour de cassation, 2e chambre civile, 5 juillet 2000, n°98-14.263, 97-21.606, 97-22.407 et 98-20.058

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