Un véhicule représente souvent une valeur patrimoniale accessible pour un créancier cherchant à recouvrer sa créance. La procédure de saisie-vente présente des particularités quand elle vise un véhicule terrestre à moteur. Entre insaisissabilité relative et modalités pratiques spécifiques, plusieurs règles encadrent cette procédure.
La saisissabilité du véhicule
La saisissabilité d’un véhicule automobile soulève des questions juridiques complexes, notamment quand ce véhicule constitue un outil de travail pour le débiteur.
Le véhicule comme instrument de travail
Le Code des procédures civiles d’exécution énonce l’insaisissabilité des biens nécessaires à la vie et au travail du débiteur et de sa famille. L’article L. 112-2, 5° protège spécifiquement les instruments de travail nécessaires à l’exercice personnel de l’activité professionnelle.
Un véhicule peut donc échapper à la saisie s’il est démontré qu’il constitue un instrument de travail indispensable et à usage exclusivement professionnel. Le caractère professionnel doit être intrinsèque et limité à l’activité exclusive du saisi.
La jurisprudence applique strictement cette condition. La Cour de cassation a jugé, dans une décision du 15 décembre 2005, que le véhicule permettant à un médecin de se rendre à son cabinet n’était pas un instrument de travail nécessaire à l’exercice personnel de son activité professionnelle (Cass. 2e civ., 15 déc. 2005, n° 04-14.600).
Les conditions de l’insaisissabilité du véhicule
Pour que le véhicule soit considéré comme insaisissable, deux conditions cumulatives s’imposent :
- son caractère indispensable à l’activité professionnelle
- son usage exclusivement professionnel
La question du déplacement domicile-travail divise la jurisprudence. Dans un arrêt du 6 avril 2006, la Cour de cassation a admis qu’un véhicule utilisé par un débiteur en recherche d’emploi et résidant dans une ville dotée d’une importante infrastructure de transports en commun pouvait faire l’objet d’une saisie-vente (Cass. 2e civ., 6 avr. 2006, n° 04-16.764).
À l’inverse, l’automobile du VRP, du médecin effectuant des visites à domicile ou de l’infirmière libérale peut être protégée de la saisie.
La relativité de l’insaisissabilité
L’article R. 112-2 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit des exceptions à cette protection. Un véhicule, même nécessaire à l’activité professionnelle, devient saisissable dans plusieurs cas :
- Pour le paiement de son prix d’acquisition
- S’il se trouve ailleurs que sur le lieu de travail ou au domicile du débiteur
- S’il est considéré comme un bien de valeur en raison de son caractère luxueux
La qualification de « véhicule de luxe » reste à l’appréciation souveraine du juge et dépend de divers critères comme la marque, le modèle et la valeur vénale.
Il est également important de considérer l’impact des procédures collectives et du surendettement, qui peuvent modifier la possibilité de saisie même pour des biens habituellement saisissables.
Les procédures spécifiques aux véhicules
La saisie des véhicules bénéficie d’un régime procédural particulier, adapté à leur mobilité.
La saisie-vente avec immobilisation
Selon l’article R. 221-19 du Code des procédures civiles d’exécution, l’huissier de justice qui trouve un véhicule terrestre à moteur lors de ses opérations de saisie peut l’immobiliser immédiatement.
Cette immobilisation accessoire à la saisie-vente remplit deux fonctions :
- exercer une pression psychologique sur le débiteur
- assurer la conservation du bien saisi en renforçant l’obligation de garde
L’huissier de justice peut l’immobiliser par tout moyen n’entraînant aucune détérioration, comme un « sabot de Denver », ou en dégonflant les pneus.
Cette immobilisation connexe n’est possible que si le véhicule se trouve dans les locaux occupés par le débiteur ou entre les mains d’un tiers détenteur.
L’immobilisation comme mesure autonome
Quand le véhicule se trouve hors des locaux du débiteur, comme sur la voie publique, l’huissier doit recourir à une procédure autonome de saisie par immobilisation.
Cette procédure est régie par les articles R. 223-8 et suivants du Code des procédures civiles d’exécution. Elle inverse l’ordre habituel des actes : l’immobilisation précède la signification du commandement de payer, qui ouvre ensuite la procédure de vente.
La Cour de cassation a précisé que rien ne s’oppose à l’exercice d’une saisie-vente sur un véhicule ayant préalablement fait l’objet d’une saisie par immobilisation (Cass. 2e civ., 20 nov. 2003, n° 01-15.192).
Les formalités pratiques
L’immobilisation d’un véhicule présente des spécificités techniques :
- L’huissier ne peut pénétrer dans le véhicule même si les portes ne sont pas verrouillées
- L’inventaire se limite au contenu apparent visible de l’extérieur
- Le procès-verbal doit mentionner la marque, l’immatriculation, la couleur et les éventuelles dégradations
À partir du 1er janvier 2023, le décret n° 2021-1888 du 29 décembre 2021 modifie l’article R. 223-13 du Code des procédures civiles d’exécution concernant l’immobilisation d’un véhicule remis à un créancier gagiste. Ce texte prévoit des modalités particulières pour la réalisation du gage.
L’intervention du juge de l’exécution
Le juge de l’exécution intervient dans plusieurs hypothèses, notamment en cas de contestation sur le caractère insaisissable du véhicule.
La contestation sur la saisissabilité d’un véhicule doit être introduite dans le délai d’un mois à compter de la signification de l’acte de saisie, conformément à l’article R. 221-53 du Code des procédures civiles d’exécution.
Cependant, la Cour de cassation exige que le débiteur ait été informé, par l’acte de saisie, des modalités et du délai de recours dont il dispose pour agir (Cass. 2e civ., 16 déc. 2004, n° 03-12.430).
Le juge détermine si le véhicule constitue réellement un instrument de travail nécessaire à l’exercice personnel de l’activité professionnelle du débiteur. Cette appréciation se fait selon les circonstances propres à chaque espèce.
La jurisprudence montre que les juges protègent davantage les véhicules d’artisans, de professions libérales médicales itinérantes et de commerciaux, que ceux des salariés se déplaçant simplement pour se rendre sur leur lieu de travail.
Face à ces enjeux, l’assistance d’un avocat spécialisé en voies d’exécution est précieuse pour naviguer ces complexités et défendre au mieux ses droits.
Sources
- Code des procédures civiles d’exécution, articles L. 112-2, 5°, R. 112-2, R. 221-19, R. 223-8 et suivants, R. 221-53
- Cass. 2e civ., 15 déc. 2005, n° 04-14.600
- Cass. 2e civ., 6 avr. 2006, n° 04-16.764
- Cass. 2e civ., 20 nov. 2003, n° 01-15.192
- Cass. 2e civ., 16 déc. 2004, n° 03-12.430
- Décret n° 2021-1888 du 29 décembre 2021 modifiant l’article R. 223-13 du Code des procédures civiles d’exécution
- JurisClasseur Procédure civile, fasc. 1600-60, « Saisie-vente – Conditions », par Nathalie Casal