Vous venez de perdre devant le juge de l’exécution (JEX). La décision vous semble contestable et vous souhaitez interjeter appel. Problème : cet appel n’a pas d’effet suspensif. La décision reste immédiatement exécutoire, avec des conséquences potentiellement irréversibles. Le sursis à exécution constitue alors votre dernier recours pour éviter l’exécution immédiate.
Le domaine du sursis à exécution
Des décisions variées
Le sursis concerne toute décision rendue par le JEX, peu importe sa nature. La Cour de cassation l’a clairement établi dans son arrêt du 18 décembre 1996 (Civ. 2e, n° 95-12.602) : le sursis s’applique même aux décisions de rejet d’une contestation.
Cette solution se justifie pleinement. Prenons l’exemple d’un débiteur contestant une saisie-attribution. Si le JEX rejette sa demande et que ce rejet est ultérieurement infirmé en appel, les conséquences seraient désastreuses sans sursis. L’article R. 121-22 du Code des procédures civiles d’exécution a codifié cette jurisprudence.
Les exclusions importantes
- Les décisions relatives aux astreintes (Civ. 2e, 14 juin 2001, n° 99-18.082)
- Les mesures conservatoires autorisées sur requête (Civ. 2e, 8 juillet 2004, n° 02-14.573)
- Les décisions dépourvues d’effet suspensif, sauf les mainlevées
Pour les astreintes, l’article R. 131-4 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit qu’elles sont exécutoires de plein droit. Cette règle s’applique que le JEX liquide l’astreinte ou qu’il en prononce une nouvelle.
Les demandes de délais de grâce sont également exclues. Accorder un sursis à une décision octroyant un délai de grâce reviendrait à refuser ce délai. Comme l’a souligné la Cour de cassation (Civ. 2e, 19 novembre 2020, n° 19-17.931), la saisine du JEX d’une demande de délai de grâce est dépourvue d’effet suspensif.
Les conditions d’obtention du sursis
Des moyens sérieux d’annulation ou de réformation
L’article R. 121-22 du Code des procédures civiles d’exécution exige des « moyens sérieux d’annulation ou de réformation ».
À la différence du droit commun (articles 524 et suivants du Code de procédure civile), vous n’avez pas à prouver que l’exécution immédiate entraînerait des « conséquences manifestement excessives ».
Le premier président dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour évaluer le sérieux des moyens invoqués (Civ. 2e, 6 décembre 2001, n° 00-13.402). Ces moyens peuvent porter sur la procédure ou le fond du litige, comme l’a confirmé la Cour de cassation (Civ. 2e, 28 juin 2012, n° 10-13.884).
La procédure à suivre
La demande se fait par assignation en référé devant le premier président de la cour d’appel. Cette assignation doit être dénoncée au tiers saisi le cas échéant.
Le timing est crucial. En cas de mainlevée ordonnée par le JEX, l’indisponibilité des sommes saisies disparaît dès la notification de la décision (article R. 121-18 du Code des procédures civiles d’exécution). Il faut donc agir vite pour maintenir cette indisponibilité par le sursis.
Les effets puissants du sursis
Suspension immédiate des poursuites
La simple demande de sursis suspend les poursuites jusqu’à l’ordonnance du premier président. Cet effet automatique intervient si la décision attaquée a ordonné la continuation des poursuites.
Si le premier président accorde le sursis, la suspension se poursuit jusqu’à l’arrêt d’appel.
Prorogation des effets des saisies
Si la décision attaquée a ordonné une mainlevée, la demande de sursis proroge les effets attachés à la saisie, notamment l’indisponibilité des sommes. Cette prorogation dure jusqu’à l’ordonnance du premier président, voire jusqu’à l’arrêt d’appel si le sursis est accordé.
La deuxième chambre civile a précisé que cette demande suspend également la condamnation du créancier aux dommages-intérêts pour abus de saisie (Civ. 2e, 2 mars 2023, n° 20-21.303).
Les risques de demandes abusives
Des sanctions dissuasives
Pour prévenir les demandes dilatoires, l’article R. 121-22, alinéa 4 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit une amende civile pouvant atteindre 10 000 euros, sans préjudice de dommages-intérêts.
La Cour de cassation a néanmoins précisé qu’une demande argumentée, même juridiquement infondée, n’est pas manifestement abusive (Civ. 2e, 18 décembre 2003, n° 01-16.617).
Justifier sa demande
Pour éviter les sanctions, votre demande doit être solidement motivée. Identifiez des erreurs dans le jugement du JEX, notamment:
- Erreurs de droit substantiel
- Violations de règles procédurales
- Dénaturation des faits ou des pièces
- Contradictions internes
Stratégies efficaces
Voici quelques approches éprouvées:
- Agir rapidement dès réception du jugement. Le créancier pourrait signifier la décision pour faire courir le délai d’appel de 15 jours.
- Formuler un appel et demander simultanément le sursis. Ces deux actions sont complémentaires.
- Concentrer l’argumentation sur les moyens les plus solides. Un argument fort vaut mieux que plusieurs faibles.
- Mettre en évidence les conséquences irréversibles de l’exécution. Même si ce n’est pas une condition légale, cela peut influencer favorablement le premier président.
Le sursis représente un outil précieux dans l’arsenal procédural face à une décision défavorable du JEX. La vision d’un avocat expérimenté peut s’avérer déterminante pour identifier les moyens sérieux justifiant cette mesure exceptionnelle. N’hésitez à consulter pour évaluer vos chances de succès.
Sources
- Code des procédures civiles d’exécution, articles R. 121-18, R. 121-22, R. 131-4
- Civ. 2e, 18 décembre 1996, n° 95-12.602
- Civ. 2e, 14 juin 2001, n° 99-18.082
- Civ. 2e, 8 juillet 2004, n° 02-14.573
- Civ. 2e, 6 décembre 2001, n° 00-13.402
- Civ. 2e, 28 juin 2012, n° 10-13.884
- Civ. 2e, 18 décembre 2003, n° 01-16.617
- Civ. 2e, 2 mars 2023, n° 20-21.303
- Civ. 2e, 19 novembre 2020, n° 19-17.931