Dans un monde financiarisé, l’accès à un compte bancaire constitue un droit essentiel. Cet article, tout en s’appuyant sur les principes généraux de l’ouverture, du fonctionnement et des particularités juridiques essentielles régissant le compte bancaire, se concentre sur les protections particulières. Mineurs, majeurs protégés et personnes financièrement fragiles bénéficient d’un cadre juridique spécifique qui permet de concilier leur autonomie et le besoin de protection.
Les comptes bancaires des mineurs: une capacité limitée sous surveillance
Mineurs non émancipés: règles d’ouverture et de fonctionnement
L’ouverture d’un compte pour un mineur non émancipé relève du pouvoir de son représentant légal. Selon l’article 389-4 du Code civil, l’administrateur légal peut accomplir seul les actes d’administration comme l’ouverture d’un premier compte. Pour les comptes supplémentaires, le décret du 22 décembre 2008 les qualifie d’actes de disposition nécessitant l’accord des deux parents.
Les versements sur le compte du mineur ne posent généralement pas de problème. En revanche, les retraits suscitent plus de prudence. Le mineur peut effectuer seul des retraits modestes, considérés comme des actes de la vie courante au sens de l’article 389-3 du Code civil. Mais les montants importants nécessitent l’intervention du représentant légal.
Les banques, soucieuses de limiter les risques, demandent souvent au représentant légal de fixer un plafond mensuel de retrait. Cette pratique permet de concilier l’autonomie progressive du mineur et sa protection.
Quant aux instruments de paiement, la remise d’un chéquier au mineur est généralement exclue. Le décret de 2008 classe la demande de carte bancaire de crédit parmi les actes de disposition, tandis que la carte de retrait relève des actes d’administration.
Mineurs de 16 ans et mineurs émancipés: une autonomie accrue
À partir de 16 ans, un mineur peut être autorisé par ses parents ou son administrateur légal à créer une EIRL ou une société unipersonnelle, comme le prévoit l’article 389-8 du Code civil. Pour gérer cette activité, il peut ouvrir et administrer seul un compte bancaire.
Le mineur émancipé, quant à lui, jouit d’une capacité juridique complète en vertu de l’article 413-6 du Code civil. Il peut donc ouvrir et gérer un compte dans les mêmes conditions qu’un majeur, y compris pour une activité commerciale si celle-ci lui a été autorisée (article 413-8 du Code civil).
Les comptes des majeurs protégés: un équilibre entre protection et autonomie
Majeurs en tutelle: un encadrement strict
Les majeurs en tutelle sont frappés d’une incapacité générale comparable à celle des mineurs non émancipés. L’article 496 du Code civil établit un régime unique de tutelle applicable aux mineurs et aux majeurs.
Pour l’ouverture et la gestion du compte, le tuteur agit au nom du majeur protégé. Les opérations qu’il peut effectuer seul se limitent aux actes d’administration. Les actes de disposition, notamment les retraits de capitaux, requièrent l’autorisation du conseil de famille ou du juge (article 505 du Code civil).
Majeurs en curatelle: une autonomie encadrée
Les majeurs en curatelle conservent une plus grande autonomie. Ils peuvent ouvrir un compte et le faire fonctionner sous leur signature, mais certaines opérations nécessitent l’assistance du curateur.
L’article 467 du Code civil prévoit que le curateur doit contresigner les actes de disposition. Dans le cadre d’une curatelle renforcée, le curateur perçoit et gère les fonds du majeur comme le ferait un tuteur, mais laisse l’excédent à la libre disposition du majeur.
Sauvegarde de justice et autres mesures
La sauvegarde de justice, le mandat de protection future et la mesure d’accompagnement judiciaire n’altèrent pas fondamentalement la capacité bancaire des personnes concernées. Elles peuvent continuer à gérer leurs comptes, avec toutefois des nuances:
- Sous sauvegarde de justice, la personne conserve sa capacité juridique mais ses actes sont susceptibles d’action en rescision pour lésion (article 435 du Code civil).
- Avec un mandat de protection future, le mandataire agit selon les pouvoirs définis dans le mandat (articles 477 et 490 du Code civil).
Le principe d’intangibilité des comptes
L’article 427 du Code civil pose un principe essentiel: les comptes existants avant la mesure de protection doivent être maintenus. Cette règle vise à préserver les repères bancaires du majeur protégé et à éviter toute rupture déstabilisante, bien que des spécificités s’appliquent concernant la clôture du compte en cas d’incapacité juridique.
Les personnes en situation de fragilité financière: une protection spécifique
Définition légale de la fragilité financière
L’article R. 312-4-3 du Code monétaire et financier définit plusieurs critères pour identifier la fragilité financière:
- Des irrégularités de fonctionnement du compte pendant trois mois consécutifs
- Des ressources portées au crédit du compte inférieures à certains seuils
- Une inscription au fichier central des chèques pour chèque impayé
- Un dossier de surendettement déclaré recevable
Environ 3 millions de personnes étaient concernées en France en 2015, selon l’Observatoire de l’inclusion bancaire.
L’offre spécifique obligatoire: un dispositif d’inclusion
La loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 oblige les banques à proposer aux personnes en situation de fragilité une offre spécifique comprenant:
- Une carte bancaire à autorisation systématique
- Un nombre limité de virements et illimité de prélèvements
- Des alertes sur le solde du compte
- Aucun chéquier
Cette offre représente une avancée significative dans la lutte contre l’exclusion bancaire. Son tarif est réglementé, avec un plafond actuel de 3 euros par mois (article R. 312-4-3 du Code monétaire et financier).
Plafonnement des frais et commissions: une protection contre le surendettement
L’article L. 312-1-3 du Code monétaire et financier prévoit un double plafonnement des frais:
- Pour tous les clients: 8 euros par opération et 80 euros par mois
- Pour les personnes en situation de fragilité ayant souscrit à l’offre spécifique: 4 euros par opération et 20 euros par mois
Ce dispositif vise à limiter l’aggravation des difficultés financières des personnes vulnérables, particulièrement exposées aux incidents de paiement et dont la gestion des comptes est un enjeu crucial.
Le décret n° 2020-889 du 20 juillet 2020 a renforcé ces mesures en précisant que l’accumulation de cinq incidents au cours d’un même mois suffit désormais à caractériser la fragilité financière.
La protection des personnes vulnérables dans leur rapport aux services bancaires nécessite souvent une expertise juridique pointue. N’hésitez pas à consulter notre cabinet pour un accompagnement personnalisé en droit bancaire, que ce soit pour la mise en place d’une mesure de protection ou pour contester des frais bancaires abusifs.
Sources
- Code civil, articles 389-3, 389-4, 389-8, 413-6, 413-8, 427, 435, 467, 477, 490, 496, 505
- Code monétaire et financier, articles L. 312-1-3, R. 312-4-3
- Décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 relatif aux actes de gestion du patrimoine des personnes placées en curatelle ou en tutelle
- Loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires
- Décret n° 2020-889 du 20 juillet 2020 modifiant les critères d’appréciation de la situation de fragilité financière
- Observatoire de l’inclusion bancaire, Rapport annuel 2015