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Les coopératives de crédit : principes fondamentaux et cadre juridique

Table des matières

Le paysage bancaire français comporte des acteurs moins connus du grand public mais dont le poids économique reste considérable : les coopératives de crédit. Ces établissements représentent aujourd’hui plus des deux tiers du financement bancaire de l’économie française.

Les grands groupes comme le Crédit Agricole, le Crédit Mutuel ou le groupe BPCE (Banques Populaires et Caisses d’Épargne) fonctionnent selon un modèle juridique distinct des banques commerciales classiques.

Une structure juridique distinctive

Les coopératives de crédit diffèrent fondamentalement des banques traditionnelles par leur structure juridique. Alors que les banques commerciales sont constituées en sociétés par actions, les banques coopératives reposent sur les principes coopératifs définis par la loi n°47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération.

Contrairement à une idée reçue, elles ne se limitent pas au financement agricole. L’article L.512-85 du Code monétaire et financier précise que les réseaux comme celui des Caisses d’épargne « participent à la mise en œuvre des principes de solidarité et de lutte contre les exclusions » et ont pour objet « la promotion et la collecte de l’épargne ainsi que le développement de la prévoyance ».

Les trois principes fondateurs

Trois principes essentiels distinguent les coopératives de crédit des banques classiques.

La double qualité sociétaire/utilisateur

Le premier principe, mentionné à l’article 1er de la loi du 10 septembre 1947, établit que les coopératives sont « constituées par plusieurs personnes volontairement réunies en vue de satisfaire à leurs besoins économiques ou sociaux par leur effort commun ».

Dans ce modèle, le client est également propriétaire de sa banque à travers la détention de parts sociales. Ces parts ne sont pas des actions mais représentent « une dette stable de la banque envers ses clients » comme l’explique E. Lamarque dans la Revue de droit bancaire et financier (mai 2014).

Toutefois, cette règle connaît des assouplissements significatifs. L’article L.512-22 du Code monétaire et financier permet, par exemple, au Crédit Agricole d’admettre comme sociétaires des personnes n’ayant pas de lien avec le monde agricole.

Le principe démocratique « un homme, une voix »

Selon l’article 1er, alinéa 3, de la loi du 10 septembre 1947, « chaque membre coopérateur dispose d’une voix à l’assemblée générale ».

Ce principe démocratique signifie que l’importance du capital détenu ne détermine pas le poids dans les décisions. Il diffère radicalement du modèle actionnarial où le pouvoir est proportionnel au nombre d’actions.

Cependant, ce principe subit aussi des aménagements. L’article L.512-5, alinéa 5, du Code monétaire et financier prévoit que « les statuts de chaque banque populaire fixent le nombre de voix dont dispose chaque sociétaire dans les assemblées générales ».

La répartition encadrée des bénéfices

Le dernier principe concerne l’utilisation des excédents financiers. L’article 1er, alinéa 4, de la loi de 1947 stipule que « les excédents de la coopérative sont prioritairement mis en réserve pour assurer son développement et celui de ses membres ».

L’article 14 de cette même loi limite strictement la rémunération du capital à un taux « au plus égal à la moyenne, sur les trois années civiles précédant la date de l’assemblée générale, du taux moyen de rendement des obligations des sociétés privées, majorée de deux points ».

Un statut d’établissement de crédit encadré

Malgré leurs spécificités, les banques coopératives sont soumises aux mêmes règles prudentielles que les autres établissements bancaires.

Un agrément spécifique but des pouvoirs étendus

L’article L.511-9 du Code monétaire et financier distingue clairement l’agrément « en qualité de banque, de banque mutualiste ou coopérative, d’établissement de crédit spécialisé, d’établissement de crédit et d’investissement ou de caisse de crédit municipal ».

Cet agrément, délivré par la Banque Centrale Européenne sur proposition de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), permet aux banques coopératives d’effectuer toutes les opérations bancaires, comme le précise l’article L.511-9, alinéa 3.

Une particularité notable : l’article R.511-3 du même code prévoit la possibilité d’un agrément collectif pour les réseaux mutualistes, reflétant leur organisation pyramidale.

L’obligation d’adhérer à un organe central

Les articles L.511-30 et L.511-31 du Code monétaire et financier imposent aux banques coopératives d’adhérer à un organe central (Crédit Agricole SA, BPCE ou la Confédération nationale du Crédit Mutuel).

Ces organes centraux exercent un contrôle administratif, technique et financier sur les établissements affiliés. Ils veillent à leur cohésion et à leur bon fonctionnement.

Le Conseil d’État, dans sa décision du 9 mars 2018 (req. n° 399413), a considéré que ces organes centraux, bien que personnes morales de droit privé, sont investis d’une mission de service public impliquant l’usage de prérogatives de puissance publique.

La révision coopérative obligatoire

L’article R.512-1 du Code monétaire et financier prévoit que les banques mutualistes doivent se soumettre à la révision coopérative tous les cinq ans lorsqu’elles emploient plus de cinquante salariés.

Cette procédure, définie à l’article 25-1 de la loi de 1947, vise à vérifier la conformité de l’organisation aux principes coopératifs et à proposer des mesures correctives si nécessaire.

Des outils financiers adaptés

Pour répondre à leurs besoins de financement, les coopératives de crédit disposent d’instruments spécifiques.

Selon l’article 19 tervicies de la loi du 10 septembre 1947, elles peuvent émettre des certificats coopératifs d’associés, valeurs mobilières réservées aux sociétaires et sociétés associées.

Ces certificats permettent de renforcer leurs fonds propres tout en respectant les principes coopératifs. Ils confèrent à leurs détenteurs un droit sur l’actif net proportionnel au capital qu’ils représentent.

La législation prévoit toutefois que « les certificats coopératifs d’investissement, les certificats coopératifs d’associés et les parts à intérêt prioritaire ne peuvent représenter ensemble plus de 50% du capital » (article 19 tervicies, alinéa 3).

L’univers juridique des coopératives de crédit reflète un équilibre délicat entre respect des principes originels et adaptations nécessaires à la réalité économique contemporaine. La consultation d’un avocat spécialisé en droit bancaire s’avère utile pour les sociétaires souhaitant comprendre leurs droits spécifiques ou pour les établissements désireux de modifier leur statut.

Sources

  • Code monétaire et financier, articles L.511-9, L.511-30, L.511-31, L.512-5, L.512-22, L.512-85, R.511-3, R.512-1
  • Loi n°47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, articles 1, 14, 19 tervicies, 25-1
  • Conseil d’État, décision du 9 mars 2018, req. n° 399413
  • LAMARQUE E., « Le modèle coopératif est-il plus moral ? Le cas des banques coopératives », Revue de droit bancaire et financier, mai 2014
  • THÉRY N., « Le principe d’unité dans les groupes bancaires mutualistes : Le cas du Crédit Mutuel », in Liber amicorum, Mélanges en l’honneur de Jean-Patrice et Michel Storck, 2021, Dalloz-Joly Édition

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