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Les délais de prescription applicables en matière de saisie immobilière

Table des matières

La prescription est un enjeu majeur de la procédure de saisie immobilière. Comprendre ses mécanismes d’interruption, de suspension et leurs effets dans le temps est essentiel tant pour les créanciers que pour les débiteurs. Ce contentieux, particulièrement technique, nécessite une connaissance approfondie de la procédure civile et des règles spécifiques applicables à la vente forcée d’un bien immobilier.

L’interruption du délai de prescription

L’interruption de prescription arrête le compteur du temps et le fait repartir à zéro après l’événement interruptif. Autrement dit, après interruption, le délai est entièrement recommencé.

Les actes interruptifs de prescription

Deux actes principaux interrompent la prescription dans la procédure de saisie immobilière:

  1. Le commandement de payer valant saisie immobilière interrompt le délai de prescription en application de l’article 2244 du code civil qui dispose: « Le délai de prescription ou le délai de forclusion est également interrompu par une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d’exécution ou un acte d’exécution forcée ». C’est donc le point de départ de la poursuite.
  2. L’assignation à l’audience d’orientation interrompt également le délai de prescription, comme l’indique l’article 2241 du code civil : « La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion ». Cette position a été clairement affirmée par la cour de cassation dans son arrêt du 1er mars 2018 (Cass. civ 2, 1er mars 2018, n° 17-11.238, F-P+B).

Dans cette décision, la deuxième chambre civile ajoute que « les dispositions de l’article 2241, alinéa 2, du code civil ne sont pas applicables aux actes d’exécution forcée ». Ainsi, la demande en justice portée devant une juridiction incompétente ou l’acte de saisine annulé par l’effet d’un vice de procédure n’ont aucun effet interruptif de prescription. Cette particularité donne lieu à de nombreux recours, car l’annulation d’un commandement pourrait avoir pour conséquence la prescription de la créance si trop de temps s’est écoulé.

La durée de l’effet interruptif

L’article 2242 du code civil dispose que « L’interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu’à l’extinction de l’instance. »

La cour de cassation a précisé dans un avis du 16 mai 2008 (n° 08-00.002) que « la saisie immobilière et la distribution du prix constituent les deux phases d’une même procédure ». Ce principe fondamental a été réaffirmé dans l’arrêt du 2 mars 2023 (n° 20-20.776) qui rappelle que « L’instance engagée par la saisine du juge de l’exécution à l’audience d’orientation ne s’éteint que lorsque le juge de l’exécution ne peut plus être saisi d’une contestation à l’occasion de la saisie immobilière. »

La jurisprudence est donc venue préciser cette règle de droit, ce qui était nécessaire compte tenu des nombreux débats qu’il y avait à ce sujet.

La suspension du délai de prescription

Contrairement à l’interruption, la suspension ne fait que geler temporairement le délai qui reprend son cours là où il s’était arrêté une fois la cause de suspension disparue. Le délai continue donc de courir après la fin de la suspension, mais il n’est pas recommencé.

Les principales causes de suspension en matière de saisie immobilière sont :

  • L’ouverture d’une procédure de surendettement : selon l’article L. 722-2 du code de la consommation, « La recevabilité de la demande emporte suspension et interdiction des procédures d’exécution diligentées à l’encontre des biens du débiteur… »
  • Le jugement d’orientation autorisant la vente amiable : l’article R. 322-20 du code des procédures civiles d’exécution précise que « La décision qui fait droit à la demande suspend le cours de la procédure d’exécution à l’exception du délai imparti aux créanciers inscrits pour déclarer leur créance. » Cette demande est généralement présentée par l’avocat du débiteur lors de l’audience.
  • L’ouverture d’une procédure collective : conformément à l’article L. 622-21 du code de commerce qui dispose que « le jugement d’ouverture arrête ou interdit toute procédure d’exécution… ».

Il existe d’autres motifs possibles de suspension, comme les actions introduites par des tiers détenteurs prétendant avoir des droits sur le bien poursuivi.

La fin de l’interruption

Dans son arrêt du 2 mars 2023 (n° 20-20.776), la cour de cassation a établi avec précision quand prend fin l’effet interruptif de prescription en fonction des différentes configurations :

« Il en résulte que l’effet interruptif de prescription d’une instance de saisie immobilière se poursuit soit jusqu’à une ordonnance d’homologation du projet ou de l’accord de répartition du prix de vente de l’immeuble, soit jusqu’à un état de répartition établi par le juge, ou, lorsqu’il n’y a qu’un seul créancier répondant aux critères de l’article L. 331-1 du code des procédures civiles d’exécution, l’expiration du délai de quinze jours suivant la notification du paiement ou, le cas échéant, jusqu’à la date de la décision tranchant la contestation formée dans ce délai. »

Cette précision était nécessaire, car il substistait jusqu’alors de nombreux doutes à propos de la date à laquelle l’effet interruptif arrivait à son terme.

La différence entre péremption, caducité et débouté

Ces trois mécanismes mettent fin à l’instance de saisie immobilière de façons différentes :

  1. La péremption du commandement intervient si aucun jugement constatant la vente n’est publié dans les cinq ans de sa publication (article R. 321-20 du code des procédures civiles d’exécution). Ce délai a été porté de deux à cinq ans par le décret n° 2020-1452 du 27 novembre 2020. Cette réforme significative donne plus de temps au créancier poursuivant pour mener la procédure à son terme.
  2. La caducité frappe le commandement lorsque certaines formalités ne sont pas accomplies dans les délais prescrits (article R. 311-11 du code des procédures civiles d’exécution), comme :
    • La publication du commandement dans les deux mois de sa signification
    • La dénonciation aux créanciers inscrits dans les cinq jours de l’assignation
    • Le dépôt du cahier des conditions de vente dans les cinq jours de l’assignation
    La cour de cassation a jugé que « la caducité qui frappe un commandement de payer valant saisie immobilière et qui le prive rétroactivement de tous ses effets atteint tous les actes de la procédure de saisie qu’il engage » (Civ. 2e, 19 février 2015, n° 13-28.445). La mainlevée peut ensuite être demandée par la partie concernée.
  3. Le débouté résulte d’un jugement qui rejette la demande du créancier pour des motifs de fond. Par exemple, si le décompte de créance est contesté et que le tribunal estime que le prêt a déjà été remboursé, le pourvoi du créancier pourra être rejeté.

La distribution du prix

La phase de distribution du prix est régie par les articles L. 331-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution. Elle permet de décaisser les fonds que le bâtonnier détient en qualité de séquestre.

Dans son arrêt du 2 mars 2023, la cour de cassation établit une distinction importante :

  • En cas de pluralité de créanciers, l’effet interruptif prend fin soit à l’ordonnance d’homologation du projet de distribution (article R. 332-6 alinéa 2 du code des procédures civiles d’exécution), soit au jugement définitif d’ordre (article R. 333-3 du même code) ;
  • En cas de créancier unique, l’effet interruptif prend fin à l’expiration du délai de quinze jours suivant la notification du paiement au débiteur (articles R. 332-1 et R. 311-5 du code des procédures civiles d’exécution), ou à la date de la décision tranchant l’éventuelle contestation.

La cour de cassation avait déjà indiqué dans un arrêt du 8 janvier 2015 (n° 13-27.631) que « l’effet interruptif de prescription attaché au commandement aux fins de saisie immobilière se poursuit jusqu’à l’abandon de la procédure de saisie immobilière, la clôture de l’ordre ou le jugement de distribution du prix ».

Sources

  • Code civil (articles 2241, 2242, 2244)
  • Code des procédures civiles d’exécution (articles L. 331-1, R. 311-5, R. 311-11, R. 321-20, R. 322-20, R. 332-1, R. 332-6, R. 333-3)
  • Code de la consommation (article L. 722-2)
  • Code de commerce (article L. 622-21)
  • Cass. civ 2, 1er mars 2018, n° 17-11.238
  • Cass. civ, 2 mars 2023, n° 20-20.776
  • Cass. civ, 8 janvier 2015, n° 13-27.631
  • Cass. civ 2e, 19 février 2015, n° 13-28.445
  • Avis n° 08-00.002 du 16 mai 2008
  • Décret n° 2020-1452 du 27 novembre 2020

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