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Les exceptions de procédure : quand la forme attaque le fond

Table des matières

Votre adversaire vient de vous assigner en justice mais sa procédure présente des irrégularités. Comment exploiter cette faille à votre avantage? Les exceptions de procédure constituent une arme redoutable pour retarder l’examen du fond, voire obtenir l’extinction de l’instance sans débat sur le litige lui-même.

Les différents types d’exceptions de procédure

Le Code de procédure civile définit l’exception comme le moyen « soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours » (article 73). Ces moyens stratégiques se distinguent des défenses au fond et des fins de non-recevoir.

L’exception d’incompétence

Cette exception vise à contester la compétence de la juridiction saisie. Elle peut concerner:

  • La compétence d’attribution (tribunal judiciaire vs tribunal de commerce)
  • La compétence territoriale (Paris vs Lyon)
  • La compétence internationale (juridiction française vs étrangère)

L’article 75 du Code de procédure civile impose de motiver cette exception par un « déclinatoire de compétence ». Il faut préciser quelle serait la juridiction compétente.

Stratégie: cette exception offre un avantage tactique en retardant l’examen du litige.

Les exceptions de litispendance et de connexité

La litispendance survient quand deux juridictions sont saisies du même litige. La connexité existe lorsque deux affaires distinctes présentent un lien étroit. Dans les deux cas, il s’agit d’éviter des décisions contradictoires.

L’article 100 du Code de procédure civile précise que ces exceptions ne peuvent prospérer que si les deux juridictions sont également compétentes.

Les exceptions dilatoires

Ces exceptions visent à suspendre temporairement l’instance. Parmi les plus courantes:

  • Le délai pour faire inventaire et délibérer (héritier)
  • Le bénéfice de discussion (caution)
  • La règle « le criminel tient le civil en l’état »

Comme l’indique l’article 108 du Code de procédure civile, ces exceptions permettent au plaideur d’obtenir un temps de répit légitime.

Les exceptions de nullité

Elles constituent le cœur du dispositif et se divisent en deux catégories:

  1. Nullités pour vice de forme: concernent les irrégularités des actes de procédure (assignation sans mention du délai de comparution, absence de mentions obligatoires…)
  2. Nullités pour vice de fond: visent des irrégularités plus graves (article 117) comme:
    • Le défaut de capacité d’ester en justice
    • Le défaut de pouvoir d’une partie ou d’un représentant
    • Le défaut de capacité ou de pouvoir d’une personne assurant la représentation en justice

Un cabinet sans personnalité juridique ne peut être assigné valablement. Cette irrégularité relève de la nullité pour vice de fond.

Le régime spécifique des exceptions

La règle in limine litis et la simultanéité

L’article 74 du Code de procédure civile impose une discipline stricte: les exceptions doivent être soulevées « avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir » et simultanément.

Cette règle vise à éviter les manœuvres dilatoires. Soulever une exception après avoir discuté du fond entraîne son irrecevabilité, même si l’irrégularité est grave.

Piège courant: l’assignation en intervention forcée constitue une défense au fond qui rend irrecevable toute exception ultérieure (Civ. 2e, 6 mai 1999, n° 96-22.143).

Aménagements et dérogations à la règle

La rigueur du principe connaît quelques assouplissements:

  1. En procédure orale, les conclusions déposées avant l’audience ne font pas obstacle à la présentation d’une exception lors de celle-ci (Civ. 2e, 16 octobre 2003, n° 01-13.036).
  2. Certaines exceptions échappent totalement à la règle:
    • L’exception de connexité
    • L’exception de nullité pour vice de fond

Ces deux exceptions peuvent être soulevées en tout état de cause (articles 103 et 118).

  1. La cause de l’exception peut apparaître tardivement:
    • L’exception de nullité pour vice de forme doit être soulevée avant toute défense au fond (article 112)
    • L’exception de péremption doit être invoquée avant « tout autre moyen » (article 388)

Conséquences d’une présentation tardive

La sanction d’une présentation tardive est implacable: l’irrecevabilité de l’exception.

Une stratégie? Discuter d’abord le fond dans des conclusions subsidiaires, en précisant que l’exception est le moyen principal. Cette technique est acceptée par la jurisprudence (Civ. 3e, 8 mars 1977, n° 75-14.834).

Problématiques spécifiques et évolutions

La convention d’arbitrage

La Cour de cassation qualifie le moyen tiré de l’existence d’une clause compromissoire d’exception d’incompétence (Com. 10 juin 1986, n° 85-10.292), même si cette qualification est discutée en doctrine.

L’article 1448 du Code de procédure civile confirme cette approche en disposant que le tribunal doit se déclarer incompétent quand le litige relève d’une convention d’arbitrage.

La répartition des compétences au sein du tribunal judiciaire

Depuis la fusion des tribunaux d’instance et de grande instance, un nouveau mécanisme permet de résoudre les conflits de compétence au sein d’un même tribunal judiciaire.

L’article 82-1 du Code de procédure civile met en place une procédure spécifique qui n’est pas techniquement une exception d’incompétence mais une mesure d’administration judiciaire.

Cette distinction a une portée pratique: les règles strictes des exceptions ne s’appliquent pas.

L’évolution des voies de recours

Les recours contre les décisions statuant sur les exceptions d’incompétence ont été simplifiés par le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 qui a supprimé le contredit.

Désormais, l’article 83 du Code de procédure civile prévoit que ces décisions sont contestées par voie d’appel, avec un délai réduit de 15 jours.

Le décret n° 2014-1338 du 6 novembre 2014 a également clarifié le régime du pourvoi en cassation en introduisant l’article 607-1 qui autorise le pourvoi immédiat contre « l’arrêt par lequel la cour d’appel se prononce sur la compétence sans statuer sur le fond ».

Les exceptions de procédure demeurent un terrain de jeu technique où la maîtrise des règles procédurales fait souvent la différence. Un avocat aguerri saura identifier et exploiter une irrégularité de procédure pour gagner du temps, voire obtenir l’extinction de l’instance sans examen du fond.

Vous pensez avoir identifié une irrégularité procédurale dans une assignation reçue? Un conseil avisé s’impose. N’hésitez pas à contacter notre cabinet pour une analyse stratégique de vos options.

Sources

  • Code de procédure civile, articles 73 à 121
  • Civ. 2e, 6 mai 1999, n° 96-22.143, Bull. civ. II, n° 82
  • Civ. 2e, 16 octobre 2003, n° 01-13.036, Bull. civ. II, n° 311
  • Com. 10 juin 1986, n° 85-10.292, Bull. civ. IV, n° 119
  • Civ. 3e, 8 mars 1977, n° 75-14.834, Bull. civ. III, n° 110
  • Décret n° 2017-891 du 6 mai 2017
  • Décret n° 2014-1338 du 6 novembre 2014
  • Isabelle PÉTEL-TEYSSIÉ, « Défenses, exceptions, fins de non-recevoir », Répertoire de procédure civile, Dalloz, novembre 2023

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