blue and white abstract painting

Les fondamentaux de la nullité en procédure civile

Table des matières

Dans les méandres du contentieux civil, la nullité des actes de procédure constitue un mécanisme central dont la maîtrise s’avère déterminante pour tout plaideur. Quand un acte de procédure est entaché d’un vice, sa validité peut être remise en cause. Mais attention : tous les vices ne se valent pas et toutes les irrégularités n’entraînent pas les mêmes conséquences.

Définition et nature de la nullité en procédure civile

La nullité se définit comme « la sanction qui frappe un acte juridique lorsque lui fait défaut une condition de validité ; l’acte est alors rétroactivement anéanti » (Terré, Simler et Lequette, Les obligations, 11e éd., 2013). Dans le contexte procédural, elle s’applique aux actes des parties, à l’exclusion des actes du juge qui obéissent à un régime distinct.

Le moyen pour invoquer cette nullité est l’exception de procédure, définie à l’article 73 du Code de procédure civile comme « tout moyen qui tend à faire déclarer la procédure irrégulière ».

La nullité doit être distinguée d’autres sanctions procédurales :

  • L’irrecevabilité sanctionne le défaut de droit d’agir et non l’absence d’une condition de validité d’un acte.
  • La déchéance ou forclusion résulte de l’inobservation d’un délai pour accomplir un acte.
  • La caducité frappe un acte valablement formé mais privé ultérieurement d’un élément essentiel.
  • L’inexistence, notion en net recul, désigne l’acte tellement déficient qu’il ne peut accéder à l’existence juridique.

Cette distinction n’est pas que théorique. Depuis la loi du 17 juin 2008, une décision d’irrecevabilité anéantit l’effet interruptif de prescription attaché à l’acte irrégulier (article 2243 du Code civil), tandis qu’une décision d’annulation maintient cet effet (article 2241, alinéa 2).

Évolution historique du régime des nullités

Le système des nullités a connu une évolution remarquable, passant d’un formalisme rigoureux à un équilibre plus pragmatique.

Du formalisme excessif à l’équilibre actuel

Dans l’ancien droit romain régnait un formalisme absolu : Qui cadit a syllaba cadit a toto (celui qui se trompe d’une syllabe perd tout). L’Ordonnance de 1667, puis le Code de procédure civile de 1807 avaient adopté un « rigorisme contrôlé » : la nullité devait être prévue par un texte (article 1030 ancien) mais, quand c’était le cas, elle s’imposait automatiquement au juge (article 1029 ancien : « Aucune nullité n’est comminatoire »).

La jurisprudence avait renforcé cette rigueur en dispensant de texte deux catégories d’irrégularités : celles affectant non l’instrumentum mais d’autres éléments de l’acte, et celles violant des formalités jugées substantielles.

Face aux excès de ce système, le législateur a progressivement introduit l’adage « Nullité sans grief n’opère rien ». Une loi du 12 janvier 1933 a ainsi subordonné la nullité des exploits d’ajournement et actes d’appel à la démonstration d’une « atteinte aux intérêts de la défense », principe étendu à tous les actes de procédure par un décret-loi du 30 octobre 1935.

Le système actuel

Le Code de procédure civile de 1975, inspiré par les travaux d’Henri Motulsky, a établi un système équilibré qui distingue deux types de nullités :

  • Les nullités pour vice de forme (articles 112 à 116), soumises à des conditions strictes : exigence d’un texte prévoyant la nullité (sauf formalité substantielle), démonstration d’un grief, absence de régularisation ultérieure.
  • Les nullités pour irrégularité de fond (articles 117 à 121), plus automatiques, limitativement énumérées à l’article 117, mais pouvant être couvertes par une régularisation.

Comme le note la doctrine, cette évolution a permis d’éviter que « la procédure ne devienne le terrain de jeu des plaideurs dont le procès est mauvais au fond » (Chainais, Ferrand, Mayer et Guinchard, Procédure civile, 36e éd., 2022).

Les domaines d’application de la nullité des actes de procédure

Juridictions concernées

L’article 749 du Code de procédure civile précise que le régime des nullités s’applique « devant toutes les juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière civile, commerciale, sociale, rurale ou prud’homale, sous réserve des règles spéciales à chaque matière et des dispositions particulières à chaque juridiction ».

Sont donc exclues :

  • Les juridictions administratives (Tribunal des conflits, 15 janvier 1990)
  • Les juridictions répressives, l’article 34 de la Constitution rangeant la procédure pénale dans le domaine de la loi
  • Les juridictions arbitrales, régies par le principe d’autonomie (article 1464 du Code de procédure civile)

Actes concernés

Le régime des nullités s’applique principalement aux actes de procédure, entendus comme les actes accomplis par les parties au cours de l’instance.

Ce régime est également applicable :

  • Aux « décisions et actes d’exécution relatifs aux mesures d’instruction » (article 175 du Code de procédure civile)
  • Aux « actes d’huissier de justice » (article 649)
  • Aux « notifications » (article 694)
  • Aux actes effectués dans le cadre des procédures civiles d’exécution (articles R. 121-5 et R. 311-10 du Code des procédures civiles d’exécution)

La jurisprudence a précisé que les actes accomplis dans le cadre d’un contrat de bail (congés, propositions de renouvellement) sont également soumis à ce régime (Civ. 3e, 9 juillet 1979, Bull. civ. III, n° 152), même lorsqu’ils sont effectués par notification ordinaire (Civ. 3e, 11 juillet 1990).

En revanche, la notification d’une cession de droit indivis échappe à l’application de ce régime (Civ. 1re, 5 mars 2002).

Il convient de rappeler qu’en pratique, la maîtrise des règles de nullité des actes de procédure représente un enjeu considérable. Un vice affectant l’acte introductif d’instance peut entraîner l’anéantissement de toute la procédure. À l’inverse, soulever une exception de nullité au bon moment peut constituer une stratégie défensive efficace.

Un conseil pratique : vérifier systématiquement la régularité formelle des actes importants de la procédure dès leur réception. Notre cabinet d’avocats peut vous accompagner dans cette analyse technique et vous aider à identifier les moyens procéduraux les plus pertinents pour défendre vos intérêts. N’hésitez pas à nous contacter pour une étude approfondie de votre dossier.

Sources

  • Code de procédure civile, articles 73, 112 à 121, 175, 649, 694, 749
  • Code civil, articles 2241 à 2243
  • Code des procédures civiles d’exécution, articles R. 121-5 et R. 311-10
  • Civ. 3e, 9 juillet 1979, Bull. civ. III, n° 152
  • Civ. 3e, 11 juillet 1990, n° 89-10.201
  • Civ. 1re, 5 mars 2002, n° 00-13.511
  • Tribunal des conflits, 15 janvier 1990, JCP 1990. IV. 104
  • TERRÉ, SIMLER et LEQUETTE, Les obligations, 11e éd., 2013, Dalloz
  • CHAINAIS, FERRAND, MAYER et GUINCHARD, Procédure civile. Droit commun et spécial du procès civil, 36e éd., 2022, Dalloz
  • MAYER Lucie, « Nullité », Répertoire de procédure civile, Dalloz, juillet 2023

Vous souhaitez échanger ?

Notre équipe est à votre disposition et s’engage à vous répondre sous 24 à 48 heures.

07 45 89 90 90

Vous êtes avocat ?

Consultez notre offre éditoriale dédiée.

Dossiers

> La pratique de la saisie immobilière> Les axes de défense en matière de saisie immobilière

Formations professionnelles

> Catalogue> Programme

Poursuivre la lecture

fr_FRFR