La Banque de France n’est pas un établissement bancaire ordinaire. Intégrée au Système européen de banques centrales (SEBC), elle assure des fonctions essentielles dans notre économie. Elle participe à la stabilité des prix et au bon fonctionnement des systèmes financiers. Examinons ses quatre missions principales.
1. Mise en œuvre de la politique monétaire
La Banque de France exécute la politique monétaire décidée par la Banque centrale européenne (BCE). Cette politique vise à maintenir la stabilité des prix dans la zone euro.
Cadre d’action au sein de l’Eurosystème
Depuis le 1er janvier 1999, la Banque de France agit sous l’autorité de la BCE. L’article L. 141-1 du Code monétaire et financier précise : « dans l’exercice des missions qu’elle accomplit à raison de sa participation au Système européen de banques centrales, la Banque de France […] ne peut ni solliciter ni accepter d’instructions du gouvernement. »
Cette indépendance lui permet d’appliquer les décisions de la BCE sans interférence politique nationale. Elle suit strictement les orientations et instructions émises par Francfort.
Opérations de refinancement
La Banque de France met en œuvre plusieurs types d’opérations pour réguler la liquidité bancaire :
- Les opérations principales de refinancement (hebdomadaires)
- Les opérations de refinancement à plus long terme (mensuelles)
- Les opérations de réglage fin (exceptionnelles)
Ces opérations sont réalisées sous forme d’appels d’offres gérés localement. Elles s’effectuent généralement contre garanties, par cessions temporaires de titres ou prêts garantis.
Le rôle d’agent opérationnel du SEBC
La Banque de France constitue le relais national du SEBC. Elle applique les décisions prises à Francfort aux établissements bancaires français. Si un établissement manque de liquidités, c’est auprès d’elle qu’il sollicite un refinancement.
L’article 14.3 des statuts du SEBC souligne cette obligation : « les banques centrales nationales font partie intégrante du SEBC et agissent conformément aux orientations et aux instructions de la BCE. »
2. L’émission monétaire
L’émission des billets représente l’une des missions les plus connues de la Banque de France.
Le privilège d’émission des billets
La Banque de France détient le monopole d’émission des billets en euros sur le territoire français métropolitain et dans les départements d’outre-mer. Ce privilège lui a été accordé dès 1803 et a évolué avec l’avènement de l’euro.
Depuis 1999, l’article 106 du Traité CE établit que l’autorisation d’émission de billets relève exclusivement de la BCE. La Banque de France, elle, procède à leur mise en circulation.
Ce système à deux niveaux permet une régulation centralisée de la masse monétaire tout en maintenant une distribution décentralisée.
Fabrication et gestion de la monnaie fiduciaire
La Banque de France présente une particularité : contrairement à la plupart des banques centrales, elle fabrique elle-même ses billets. Le papier est produit dans son usine de Vic-le-Comte (Puy-de-Dôme), puis les billets sont imprimés à Chamalières.
Elle assure également l’entretien de la monnaie fiduciaire en retirant les coupures fausses ou détériorées. Un tri systématique est effectué pour garantir la qualité des billets en circulation.
Particularités juridiques des billets de banque
Les billets émis par la Banque de France bénéficient du cours légal. Selon l’article L. 141-5 du Code monétaire et financier, les personnes publiques et privées doivent les accepter comme moyen de paiement.
Le refus d’accepter un paiement en billets ayant cours légal constitue une contravention de deuxième classe (article R. 642-3 du Code pénal). Toute convention excluant un tel paiement serait frappée de nullité.
En cas de perte ou vol, les dispositions relatives aux titres au porteur ne s’appliquent pas aux billets (article L. 122-1 du Code monétaire et financier). Cette règle garantit leur pouvoir libératoire inconditionnel.
3. Gestion des réserves de change
La Banque de France détient et gère les réserves de change de l’État français. Ces réserves incluent de l’or et des devises étrangères.
Convention avec l’État
L’article L. 141-2 du Code monétaire et financier stipule : « la Banque de France détient et gère les réserves de change de l’État en or et en devises et les inscrit à l’actif de son bilan selon des modalités précisées dans une convention qu’elle conclut avec l’État. »
Cette convention du 31 mars 1999 (JO du 21 avril 1999) fixe les modalités pratiques de gestion et de comptabilisation de ces réserves.
Cette inscription à l’actif est une singularité comptable. On s’attendrait à les trouver au passif comme engagements vis-à-vis de l’État. Cette présentation s’explique par son caractère traditionnel.
Modalités de gestion
Bien que les réserves appartiennent à l’État, la Banque de France n’en dispose pas librement. Elle doit respecter les orientations définies par la convention.
La gestion s’effectue dans un cadre strict pour garantir la sécurité des avoirs et leur disponibilité en cas de besoin d’intervention sur les marchés des changes.
Contraintes européennes
L’article 31 des statuts du SEBC impose une contrainte supplémentaire : les opérations de la Banque de France sur devises dépassant un certain montant nécessitent l’approbation préalable de la BCE.
Cette disposition évite que des interventions nationales ne perturbent le cours de l’euro ou n’interfèrent avec la politique monétaire commune.
En pratique, la majorité des réserves de change de l’Eurosystème reste dans les portefeuilles propres des banques centrales nationales.
4. Promotion des systèmes de paiement
La Banque de France veille au bon fonctionnement et à la sécurité des systèmes de paiement. Cette mission est fondamentale pour l’économie.
Interconnexion des réseaux bancaires
La Banque de France joue un rôle pivot dans l’interconnexion des réseaux bancaires français. Elle gère les comptes ouverts par chaque établissement de crédit.
Les mouvements monétaires entre réseaux différents transitent par ces comptes. Par exemple, lorsqu’un chèque postal est adressé à un bénéficiaire ayant un compte dans une banque commerciale, le flux passe par la Banque de France.
Cette fonction de « plaque tournante » fait d’elle la clé de voûte de la circulation monétaire.
Le système de compensation interbancaire
Les échanges de moyens de paiement entre banques génèrent d’importants mouvements monétaires. Le Système interbancaire de télécompensation (SIT) traite environ un milliard d’opérations mensuelles.
Pour les transferts de fonds d’un montant élevé, la Banque de France gère le système Transferts Banque de France (TBF). Ce système constitue la composante française du réseau européen TARGET.
La sécurité des moyens de paiement
L’article L. 141-4 du Code monétaire et financier confie à la Banque de France la mission de s’assurer « de la sécurité des moyens de paiement autres que la monnaie fiduciaire et de la pertinence des normes applicables en la matière. »
Concrètement, elle participe aux travaux visant à sécuriser les paiements par carte ou en ligne. Son rôle dans ce domaine a été renforcé par la loi du 15 novembre 2001 sur la sécurité quotidienne.
L’évolution rapide des technologies de paiement rend cette mission particulièrement complexe et sensible pour la protection des consommateurs.
Sources
- Code monétaire et financier, articles L. 141-1 à L. 141-6
- Traité instituant la Communauté européenne, articles 105 à 107
- Protocole n°3 sur les statuts du SEBC et de la BCE
- Loi n°93-980 du 4 août 1993 relative au statut de la Banque de France
- Loi n°2001-1062 du 15 novembre 2001 sur la sécurité quotidienne
- Convention État-Banque de France du 31 mars 1999 (JO du 21 avril 1999)
- « Système européen de banques centrales et Banque de France », Gabriel Montagnier, Répertoire de droit commercial, février 2004