Derrière son titre officiel, le commissaire de justice détient un pouvoir que nul autre ne peut exercer. Ce professionnel du droit possède seul l’autorité d’exécuter certains actes essentiels au bon fonctionnement de notre système juridique. Mais quelles sont exactement ces prérogatives exclusives? Et comment se distinguent-elles des activités concurrentielles du commissaire de justice? Pourquoi la loi réserve-t-elle certaines tâches à ce professionnel précis?
L’exécution des décisions de justice
Le monopole central du commissaire de justice réside dans sa capacité à exécuter les décisions de justice. L’article 1er de l’ordonnance n°2016-728 du 2 juin 2016 définit ce rôle: « Le commissaire de justice a seul qualité pour ramener à exécution les décisions de justice ainsi que les actes ou titres en forme exécutoire. »
Cette exclusivité s’explique par la nature sensible des mesures d’exécution forcée, dont la tarification est encadrée.
Un créancier muni d’un jugement ne peut pas, de sa propre initiative, saisir les biens de son débiteur ou l’expulser de son logement. Il doit obligatoirement passer par ce professionnel assermenté.
Les mesures les plus courantes:
- La saisie-attribution (saisie des comptes bancaires)
- La saisie-vente (saisie des biens mobiliers)
- L’expulsion d’un occupant sans droit ni titre
Ces actes touchent aux libertés fondamentales – propriété, domicile – et justifient ce monopole légal.
En cas d’obstacle à l’exécution, seul le commissaire de justice peut requérir le concours de la force publique, comme le prévoit l’article L153-1 du Code des procédures civiles d’exécution.
La signification des actes
La signification constitue un second domaine réservé.
L’article 651 du Code de procédure civile définit la signification comme « une notification faite par acte de commissaire de justice ». Cette définition légale consacre le monopole.
Procédure de signification traditionnelle
La loi impose une hiérarchie stricte des modes de notification:
- À personne
- À domicile entre les mains d’un tiers
- À l’étude du commissaire de justice
Le commissaire de justice doit tenter chaque mode dans cet ordre précis. L’article 654 du Code de procédure civile est clair: « la signification doit être faite à personne ».
Un jugement crucial signifié par un autre moyen que par commissaire de justice ne fera pas courir les délais de recours. La Cour de cassation a jugé que « lorsque la loi impose le recours à la signification, toute autre voie est interdite » (Com. 24 avril 2007, n°06-10.273).
Signification électronique: modernité encadrée
Depuis 2019, la signification électronique existe mais reste réservée aux commissaires de justice. L’article 662-1 du Code de procédure civile fixe les conditions:
- Consentement préalable du destinataire
- Déclaration à la Chambre nationale des commissaires de justice
- Accusé de réception électronique
Cette évolution conserve le monopole tout en l’adaptant à l’ère numérique.
Signification internationale
Même à l’international, le monopole persiste. Le règlement (UE) n°2020/1784 du 25 novembre 2020 organise la transmission des actes entre États membres.
En France, seuls les commissaires de justice sont désignés comme « entités d’origine » et « entités requises » pour ces transmissions transfrontalières.
Les autres activités réservées
Le législateur a confié aux commissaires de justice plusieurs autres monopoles légaux:
Ventes judiciaires et inventaires
L’article 1er, I, 2° de l’ordonnance du 2 juin 2016 leur réserve « les inventaires, prisées et ventes aux enchères publiques de meubles corporels ou incorporels prescrits par la loi ou par décision de justice ».
Dans une procédure de liquidation judiciaire, seul le commissaire de justice (ou le notaire dans certains cas) peut procéder à la vente judiciaire des actifs mobiliers.
Constats d’état des lieux locatifs
L’article 3-2 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 prévoit que si les parties n’arrivent pas à établir un état des lieux amiable, l’intervention du commissaire de justice devient obligatoire.
Cette mission monopolistique protège tant le bailleur que le locataire en garantissant l’impartialité du constat.
Service des audiences
L’article 13 du décret n°2021-1625 du 10 décembre 2021 consacre également le monopole sur le service des audiences près les cours et tribunaux.
Les commissaires-audienciers ont pour fonctions:
- Assister aux audiences solennelles
- Faire l’appel des causes
- Maintenir l’ordre sous l’autorité du président
Mesures conservatoires après succession
En cas de décès, les mesures de conservation du patrimoine (scellés, inventaires) relèvent exclusivement de la compétence du commissaire de justice selon l’article 1er, I, 4° de l’ordonnance du 2 juin 2016.
L’article 1307 du Code de procédure civile précise les modalités de cette protection.
Le monopole légal du commissaire de justice garantit l’authenticité et l’efficacité des actes. Pourtant, de nombreux justiciables ignorent ces spécificités. Une réforme signée le 8 février 2023 modifie leurs conditions d’exercice en société à compter du 1er septembre 2024, mais ne remet pas en cause leurs prérogatives exclusives.
La méconnaissance des actes réservés aux commissaires de justice peut entraîner la nullité de procédures importantes. Ne risquez pas l’invalidation de vos procédures – nos avocats spécialistes du droit de l’exécution peuvent vous accompagner pour identifier les situations nécessitant leur intervention.
Sources
- Ordonnance n°2016-728 du 2 juin 2016 relative au statut de commissaire de justice, article 1er
- Code des procédures civiles d’exécution, articles L153-1 et suivants
- Code de procédure civile, articles 651, 654, 662-1 et 1307 à 1315
- Loi n°89-462 du 6 juillet 1989, article 3-2
- Décret n°2021-1625 du 10 décembre 2021 relatif aux compétences des commissaires de justice
- Règlement (UE) n°2020/1784 du 25 novembre 2020 relatif à la signification et notification des actes
- Arrêt Cour de cassation, Chambre commerciale, 24 avril 2007, n°06-10.273
- Décret n°2022-900 du 17 juin 2022 relatif à la déontologie et à la discipline des officiers ministériels