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Les moyens de défense en procédure civile – Fondamentaux et classifications

Table des matières

Naviguer dans le labyrinthe procédural peut s’avérer périlleux sans connaître les outils à disposition pour se défendre. Le code de procédure civile offre trois armes principales au plaideur pour contrer une demande adverse : la défense au fond, la fin de non-recevoir et l’exception de procédure. Ce triptyque, bien que fondamental, cache des subtilités importantes.

Définitions et distinctions fondamentales

Le triptyque des moyens de défense

Le code de procédure civile organise les moyens de défense en trois catégories distinctes :

  • La défense au fond : définie à l’article 71 du Code de procédure civile, elle « tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l’adversaire ». Elle s’attaque directement au droit invoqué par le demandeur.
  • La fin de non-recevoir : selon l’article 122, elle vise à « faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir ». Elle cible l’action elle-même, non son bien-fondé.
  • L’exception de procédure : l’article 73 précise qu’elle tend « soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours ». Elle conteste la régularité procédurale.

Cette tripartition, apparemment claire, masque parfois des frontières floues.

Moyen direct vs indirect

La distinction entre défense directe et indirecte constitue un critère essentiel.

La défense au fond est directe : elle conteste frontalement la prétention adverse. Exemple typique : dans une action en responsabilité, nier l’existence d’une faute.

À l’inverse, l’exception et la fin de non-recevoir sont des moyens indirects : elles ne nient pas directement le bien-fondé de la demande mais cherchent à l’écarter par un biais procédural.

Cette différence fondamentale détermine souvent la qualification du moyen, comme le confirme l’arrêt de la Cour de cassation du 9 mai 2001 (Civ. 1re, n° 98-19.145).

Histoire et évolution

Le système actuel résulte d’une évolution historique significative. L’ancien droit français ne connaissait que les défenses et les exceptions. Le code de procédure civile de 1806 maintenait cette dualité.

La jurisprudence a progressivement dégagé la notion de fin de non-recevoir. Le décret n° 72-684 du 20 juillet 1972 l’a finalement consacrée, achevant le triptyque que nous connaissons.

Cette évolution montre que la qualification des moyens n’est pas figée mais répond aux besoins pratiques de la justice.

La qualification des moyens de défense

Critères de qualification

Qualifier correctement un moyen repose sur plusieurs critères.

Pour la défense au fond, l’élément déterminant est son caractère direct. Elle s’attaque au droit substantiel invoqué par le demandeur.

Pour la fin de non-recevoir, c’est l’absence du droit d’agir qui prime. Selon la jurisprudence, cette absence peut être absolue ou relative à l’objectif précis poursuivi par le demandeur. Ainsi, les obstacles à la procédure de référé (absence d’urgence ou contestation sérieuse) constituent des fins de non-recevoir (Civ. 3e, 19 mars 1986, n° 84-17.524).

Quant à l’exception, elle se caractérise par la critique de la régularité procédurale. Par exemple, l’incompétence de la juridiction saisie (art. 75 CPC).

Importance de la qualification

La qualification détermine le régime applicable, notamment :

  • Le moment de présentation : les exceptions doivent être soulevées in limine litis et simultanément (art. 74 CPC), contrairement aux défenses au fond et fins de non-recevoir, invocables en tout état de cause.
  • La possibilité pour le juge de les relever d’office : certaines fins de non-recevoir d’ordre public doivent être relevées d’office (art. 125 CPC).
  • Les voies de recours disponibles contre la décision statuant sur le moyen.

Se tromper de qualification peut donc avoir des conséquences désastreuses.

Cas particuliers et moyens sui generis

Certains moyens défient les classifications traditionnelles, créant des zones grises.

Le cas de la nullité est emblématique. La nullité d’un contrat invoquée par le défendeur peut constituer une défense au fond si elle vise à faire échec à la demande d’exécution, ou une demande reconventionnelle si elle poursuit un objectif plus large (Ass. plén., 22 avril 2011, n° 09-16.008).

D’autres moyens semblent échapper au triptyque classique. La Cour de cassation a ainsi considéré que la caducité était un « incident d’instance » (Civ. 2e, 5 sept. 2019, n° 18-21.717), sans la qualifier d’exception de procédure.

Ces nuances montrent les limites du système de classification.

Problématiques actuelles et évolutions récentes

L’émergence de moyens hors du triptyque

Des évolutions jurisprudentielles récentes suggèrent l’existence de moyens de défense échappant au triptyque traditionnel.

La contestation d’une demande de jonction d’instances ne relève d’aucune des trois catégories classiques selon la Cour de cassation (Civ. 2e, 2 févr. 2023, n° 21-15.924). Le moyen tenant à la répartition des affaires au sein d’un même tribunal judiciaire semble également constituer une catégorie spécifique (art. 82-1 CPC).

Ces exemples illustrent la souplesse nécessaire du système procédural.

Le cas de l’effet dévolutif et de la caducité

La question de l’effet dévolutif de l’appel a récemment soulevé des interrogations. Depuis le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l’absence d’indication des chefs du jugement critiqués dans la déclaration d’appel pourrait donner lieu à une sanction sui generis : l’absence d’effet dévolutif (Civ. 2e, 30 janv. 2020, n° 18-22.528).

Cette solution, qui ne semble relever ni de l’exception de nullité ni clairement de la fin de non-recevoir, brouille les frontières traditionnelles.

Frontières floues entre catégories

Les exemples précédents montrent que les frontières entre catégories ne sont pas toujours nettes.

La distinction entre fin de non-recevoir et exception est particulièrement délicate dans certains cas. Par exemple, le moyen tiré de l’impossibilité pour le juge de l’exécution de connaître d’une demande de dommages-intérêts constitue une fin de non-recevoir (Civ. 2e, 15 avr. 2021, n° 19-20.281), bien qu’il évoque une question de compétence.

La qualification dépend souvent du contexte. Ainsi, invoquer l’incompétence n’est ordinairement pas une défense au fond, mais le devient dans une procédure d’exequatur lorsqu’est contestée la compétence internationale de la juridiction étrangère (Civ. 1re, 13 juin 1978, D. 1979. 133).

Cette complexité implique une analyse fine de chaque situation. Un conseil juridique expert saura déterminer la qualification adéquate et le régime applicable, maximisant ainsi vos chances de succès.

Notre cabinet dispose d’une expertise pointue en procédure civile et peut vous accompagner pour identifier les moyens de défense appropriés à votre situation. N’hésitez pas à nous consulter pour une analyse personnalisée – la qualification correcte de votre moyen de défense peut changer l’issue de votre procès.

Sources

  • Code de procédure civile, articles 71 à 126
  • Civ. 1re, 9 mai 2001, n° 98-19.145, Bull. civ. I, n° 128
  • Civ. 3e, 19 mars 1986, n° 84-17.524, Bull. civ. III, n° 34
  • Ass. plén., 22 avril 2011, n° 09-16.008, Bull. ass. plén., n° 8
  • Civ. 2e, 5 sept. 2019, n° 18-21.717, Bull. civ., p. 172
  • Civ. 2e, 2 févr. 2023, n° 21-15.924, Bull. civ., p. 67
  • Civ. 2e, 30 janv. 2020, n° 18-22.528, Bull. civ., p. 102
  • Civ. 2e, 15 avr. 2021, n° 19-20.281, Bull. civ., p. 198
  • Civ. 1re, 13 juin 1978, D. 1979. 133, note Santa-Croce
  • Décret n° 72-684 du 20 juillet 1972, D. 1972. 438
  • Décret n° 2017-891 du 6 mai 2017

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