L’exécution forcée face aux procédures collectives et au surendettement

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Vous possédez un titre exécutoire et votre débiteur ne paie pas. La voie semble tracée : saisir ses biens, ses comptes bancaires ou ses revenus. Mais l’ouverture d’une procédure collective ou de surendettement bouleverse la donne. Ces mécanismes, conçus pour traiter globalement les dettes d’un débiteur en difficulté, placent souvent les créanciers dans une situation d’attente forcée.

L’arrêt des poursuites individuelles : principe cardinal des procédures collectives

L’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire entraîne automatiquement l’arrêt des poursuites individuelles. Ce principe fondamental est inscrit à l’article L.622-21 du Code de commerce.

Ce texte est sans ambiguïté : « Le jugement d’ouverture arrête ou interdit toute procédure d’exécution tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n’ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d’ouverture. »

Les conséquences pratiques sont immédiates :

  • Impossibilité d’engager de nouvelles saisies
  • Suspension des procédures d’exécution en cours
  • Arrêt des délais de prescription et de forclusion

La Chambre commerciale de la Cour de cassation a réaffirmé cette règle dans un arrêt du 4 mars 2014 (n°13-10.534), précisant que même une saisie immobilière doit être arrêtée malgré un jugement d’adjudication antérieur à l’ouverture de la procédure si des surenchères sont formées après.

Quels créanciers échappent à la règle ?

Tous les créanciers ne sont pas logés à la même enseigne. Certains conservent leur droit de poursuite individuelle :

  1. Les créanciers postérieurs utiles : l’article L.622-17 du Code de commerce préserve les droits des créanciers dont les créances sont nées régulièrement après le jugement d’ouverture pour les besoins de la procédure ou de la période d’observation.
  2. Les créanciers alimentaires : dispensés de déclaration par l’article L.622-24 du Code de commerce, ils conservent le droit d’être payés.
  3. Les salariés : ils bénéficient d’un régime protecteur particulier prévu à l’article L.622-24 du Code de commerce.

Un arrêt de la Chambre commerciale du 6 juillet 1993 (n°91-15.161) confirme que les créanciers postérieurs utiles peuvent exercer des procédures d’exécution en cas de non-paiement à l’échéance. Les autres créanciers devront respecter la discipline collective.

La sanction redoutable des créances non déclarées

La déclaration des créances est une obligation impérieuse dans les procédures collectives. Cette exigence constitue selon la Cour de cassation « un principe d’ordre public interne et international » (Civ. 1re, 29 septembre 2004, n°02-16.754).

L’article L.622-24 du Code des procédures civiles d’exécution impose aux créanciers antérieurs de déclarer leurs créances dans un délai de deux mois à compter de la publication du jugement d’ouverture.

La sanction est sévère : en l’absence de déclaration dans les délais, l’article L.622-26 alinéa 2 du Code de commerce prévoit que les créances sont inopposables au débiteur pendant le plan et même après si les engagements du plan ont été tenus.

Concrètement, cela signifie que ces créanciers:

  • Ne peuvent pas être payés pendant le plan
  • Ne pourront pas l’être après si le plan est correctement exécuté

En cas de liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d’actif, la situation empire. L’article L.643-11 du Code de commerce stipule que « le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l’exercice individuel de leurs actions contre le débiteur. »

Le surendettement des particuliers : des règles similaires mais distinctes

Pour les particuliers, le droit du surendettement prévoit des mécanismes comparables.

La recevabilité d’un dossier de surendettement entraîne automatiquement la suspension des procédures d’exécution. L’article L.722-2 du Code de la consommation est clair : elle « emporte suspension et interdiction des procédures d’exécution diligentées à l’encontre des biens du débiteur ainsi que des cessions de rémunération consenties par celui-ci. »

Cette suspension peut durer jusqu’à deux ans maximum (article L.722-9 du Code de la consommation).

Exceptions notables :

  • Les dettes alimentaires restent exigibles
  • L’expulsion n’est pas automatiquement suspendue
  • La vente forcée d’un immeuble déjà ordonnée n’est pas automatiquement reportée

Ces nuances ont une importance pratique considérable et nécessitent une analyse précise de chaque situation.

Le rétablissement personnel : l’effacement quasi-total des dettes

La procédure de rétablissement personnel, équivalent de la faillite civile pour les particuliers, peut conduire à l’effacement de presque toutes les dettes.

Selon l’article L.741-2 du Code de la consommation, le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire « entraîne l’effacement de toutes les dettes, professionnelles et non professionnelles, du débiteur. »

Quelques dettes restent toutefois exclues de l’effacement :

  • Dettes alimentaires
  • Réparations pécuniaires allouées aux victimes dans le cadre d’une condamnation pénale
  • Dettes issues de fraudes aux organismes sociaux
  • Prêts sur gage souscrits auprès des caisses de crédit municipal
  • Dettes payées par une caution ou un coobligé personne physique

Pour un créancier, voir ses droits ainsi purgés peut sembler brutal. Cette situation illustre la tension permanente entre droit des créanciers et protection des débiteurs.

Stratégies pour les créanciers

Quelles options pour les créanciers confrontés à ces procédures ?

  1. Agir rapidement avant l’ouverture de la procédure. Une fois la procédure ouverte, il est souvent trop tard.
  2. Déclarer sa créance sans délai. L’ordonnance n°2014-326 du 12 mars 2014 a assoupli les règles de déclaration, mais la vigilance reste de mise.
  3. Vérifier si la créance peut être qualifiée de créance postérieure utile dans le cadre d’une procédure collective.
  4. Examiner la possibilité d’invoquer une fraude qui permettrait de retrouver le droit de poursuite individuelle (article L.643-11, II du Code de commerce).
  5. Envisager les recours contre les garants (cautions, coobligés) qui ne bénéficient pas toujours des mêmes protections que le débiteur principal.

Le positionnement stratégique dès les premiers signes de difficulté du débiteur peut faire toute la différence dans le recouvrement final.

Le créancier doit aussi examiner si les conditions d’ouverture de la procédure sont réunies. Par exemple, un entrepreneur individuel à responsabilité limitée ne peut bénéficier d’un rétablissement professionnel si le montant de son passif est disproportionné par rapport à son actif (article L.645-11 du Code de commerce modifié par la loi n°2022-172 du 14 février 2022).

Ces situations complexes illustrent l’importance d’un accompagnement juridique adapté. N’hésitez pas à nous contacter pour une analyse personnalisée de votre dossier. Notre cabinet dispose d’une expertise approfondie en droit de l’exécution et en procédures collectives qui pourrait s’avérer décisive pour la préservation de vos intérêts.

Sources

  • Code de commerce : articles L.622-21, L.622-17, L.622-24, L.622-26, L.643-11, L.645-11
  • Code des procédures civiles d’exécution : article L.111-3
  • Code de la consommation : articles L.722-2, L.722-9, L.741-2
  • Cour de cassation, chambre commerciale, 4 mars 2014, n°13-10.534
  • Cour de cassation, chambre commerciale, 6 juillet 1993, n°91-15.161
  • Cour de cassation, 1re chambre civile, 29 septembre 2004, n°02-16.754
  • Loi n°2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante
  • Ordonnance n°2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives

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