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L’immobilisation matérielle du véhicule : procédure et particularités

Table des matières

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L’immobilisation d’un véhicule constitue une arme redoutable dans l’arsenal juridique des créanciers. Cette mesure d’exécution, spécifiquement conçue pour les véhicules terrestres à moteur, permet de contourner leur caractère mobile qui représente souvent un obstacle majeur lors des procédures de recouvrement.

Principe et intérêt de l’immobilisation matérielle

L’immobilisation matérielle représente l’une des deux voies d’exécution prévues par le Code des procédures civiles d’exécution (CPCE) pour saisir un véhicule, l’autre étant la saisie par déclaration auprès de l’autorité administrative.

Cette procédure, régie par les articles L.223-2 et R.223-6 à R.223-13 du CPCE, vise à rendre physiquement indisponible le véhicule du débiteur. Son principal avantage? Elle permet une action immédiate et concrète, empêchant le débiteur de soustraire son bien à la saisie.

L’immobilisation présente une efficacité psychologique indéniable. Un véhicule immobilisé sur la voie publique exerce une pression considérable sur le débiteur, l’incitant souvent à régler sa dette rapidement.

Procédure d’immobilisation

Techniques d’immobilisation

L’article L.223-2 du CPCE prévoit que le commissaire de justice peut utiliser « tout moyen » pour immobiliser le véhicule, sous réserve qu’il n’entraîne aucune détérioration.

En pratique, le sabot dit « de Denver » constitue l’outil privilégié. Comme le souligne le juriste Rémy Bour dans son article d’octobre 2024 sur la saisie des véhicules terrestres à moteur, ce dispositif s’est imposé « en raison d’une aisance d’utilisation et d’une efficacité plutôt optimales ».

D’autres techniques existent, comme l’enlèvement et le transport vers un lieu de dépôt. La Cour de cassation a clairement affirmé dans un arrêt du 7 juin 2006 que « l’huissier de justice a le choix entre l’immobilisation du véhicule ou son transport pour être mis en dépôt » (Civ. 2e, 7 juin 2006, n°04-19.001).

Procès-verbal d’immobilisation

L’article R.223-8 du CPCE exige l’établissement d’un procès-verbal d’immobilisation comportant, à peine de nullité :

  • La mention du titre exécutoire
  • La date et l’heure de l’immobilisation
  • Le lieu d’immobilisation et, le cas échéant, celui du dépôt
  • La description sommaire du véhicule (numéro d’immatriculation, marque, couleur)
  • Le contenu apparent et les détériorations visibles éventuelles
  • La mention de l’absence ou de la présence du débiteur

Le commissaire de justice peut également photographier le véhicule pour prévenir toute contestation ultérieure sur son état (article R.223-6 du CPCE renvoyant à l’article R.221-12).

Information du débiteur

Si le débiteur est absent lors de l’immobilisation, l’article R.223-9 du CPCE impose au commissaire de justice de l’informer le jour même par lettre simple.

Cette lettre doit mentionner :

  • Le titre exécutoire justifiant l’immobilisation
  • Le lieu d’immobilisation et, le cas échéant, de dépôt
  • L’avertissement que l’immobilisation vaut saisie
  • La possibilité d’enlèvement sous 48h si le véhicule est sur la voie publique
  • Les coordonnées du commissaire de justice
  • La possibilité de contester devant le juge de l’exécution

Cette procédure d’information par simple lettre paraît étonnamment légère pour une mesure aussi grave. Bour souligne cette incohérence en relevant qu’il serait « malaisé de lui attribuer la valeur juridique et l’aspect informatif nécessaires au regard du lot de contestations qu’un tel procédé est susceptible d’engendrer ».

Garde du véhicule et responsabilités associées

La question de la garde du véhicule immobilisé revêt une importance particulière.

En cas d’immobilisation sur place, la garde incombe généralement au débiteur propriétaire ou détenteur du véhicule. Le débiteur devient responsable de sa conservation et s’expose à des poursuites pénales s’il détruit ou endommage le dispositif d’immobilisation.

La Cour d’appel d’Orléans a ainsi reconnu coupable de détournement d’objet saisi un débiteur qui avait fracturé le sabot apposé sur son véhicule (Orléans, 24 novembre 2008, n°08-00.211).

En cas d’enlèvement, la garde est transférée au dépositaire, qu’il soit rémunéré ou non.

Relation avec d’autres procédures

Articulation avec la saisie-vente

L’article R.223-7 du CPCE prévoit une restriction importante : « Si le véhicule est immobilisé à l’occasion des opérations d’une saisie-vente pratiquée dans les locaux occupés par le débiteur ou entre les mains d’un tiers qui le détient pour le compte de ce dernier, il est procédé comme en matière de saisie-vente. »

Cette disposition limite l’efficacité de la procédure spécifique d’immobilisation au profit de la saisie-vente classique dans certaines circonstances. Elle soulève des questions d’interprétation sur la notion de « locaux occupés », qui selon Bour, peut recevoir « une acception extensive » dépassant le simple domicile.

Conflit avec d’autres mesures d’exécution

Plusieurs types de procédures peuvent coexister selon la qualité du créancier et l’objectif poursuivi :

  1. Immobilisation pour obtenir le paiement d’une somme d’argent (article R.223-10 du CPCE)
  2. Immobilisation pour remise au propriétaire (article R.223-12)
  3. Immobilisation pour remise à un créancier gagiste (article R.223-13)

En cas de conflit entre créanciers, aucune priorité n’est expressément prévue pour le premier saisissant. À défaut d’accord amiable, une distribution judiciaire du prix de vente s’impose généralement au marc le franc, sauf si l’un des créanciers bénéficie d’un privilège.

Le créancier gagiste ayant régulièrement inscrit son gage bénéficie d’un traitement préférentiel conformément à l’article R.223-5 du CPCE. Depuis la réforme du droit des sûretés par l’ordonnance n°2021-1192 du 15 septembre 2021, le gage automobile est soumis au droit commun du gage, avec une spécificité concernant son inscription au Système d’Immatriculation des Véhicules (SIV).

En pratique, des défis stratégiques se posent fréquemment. Imaginons un créancier qui a procédé à une saisie par immobilisation alors qu’un autre créancier a effectué une saisie par déclaration préfectorale. Qui détient la priorité? La jurisprudence reste limitée sur ce point précis, mais une approche pragmatique consiste souvent à négocier un accord entre les différents créanciers.

Les professionnels du recouvrement constatent régulièrement la difficulté d’articuler ces différentes procédures. Il appartient au créancier d’analyser attentivement sa situation et celle du débiteur pour choisir la voie la plus adaptée.

L’immobilisation matérielle d’un véhicule constitue donc une procédure technique aux multiples subtilités. Son efficacité dépend d’une exécution précise et méthodique. Les enjeux juridiques et pratiques qu’elle soulève nécessitent l’intervention d’un professionnel du droit maîtrisant parfaitement les arcanes du droit de l’exécution.

Un cabinet d’avocats spécialisé peut vous accompagner, que vous soyez créancier cherchant à recouvrer votre créance ou débiteur confronté à une immobilisation contestable. N’hésitez pas à nous contacter pour analyser votre situation et déterminer la stratégie optimale.

Sources

  • Articles L.223-1 à L.223-2 et R.223-1 à R.223-13 du Code des procédures civiles d’exécution
  • Cour de cassation, 2e chambre civile, 7 juin 2006, n°04-19.001, Bull. civ. II, n°152
  • Cour d’appel d’Orléans, 24 novembre 2008, n°08-00.211
  • Rémy BOUR, « Saisie des véhicules terrestres à moteur », Répertoire de procédure civile, octobre 2024
  • Ordonnance n°2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés
  • Décret n°2023-97 du 14 février 2023 relatif à la publicité du gage portant sur un véhicule terrestre à moteur ou une remorque immatriculés

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