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Obligations et responsabilités dans le crédit-bail immobilier

Table des matières

Le crédit-bail immobilier constitue un montage juridique original. Ni simple location, ni pur financement, il crée un équilibre spécifique entre les parties. Le crédit-preneur dispose d’un bien immobilier sans investissement initial lourd, tandis que le crédit-bailleur conserve la propriété comme garantie.

Cette structure hybride génère un aménagement des obligations et responsabilités qui diffère du droit commun des baux ou des contrats de prêt. Une méconnaissance de ces subtilités peut conduire à des situations inextricables.

Les obligations du crédit-bailleur

Obligation de délivrance

Le crédit-bailleur doit mettre l’immeuble à la disposition du crédit-preneur. La Cour de cassation a confirmé cette obligation dans un arrêt du 10 janvier 2012 : « le non-respect par le crédit-bailleur de son obligation de délivrance des locaux dans l’état dans lesquels il s’y était engagé permet au crédit-preneur d’invoquer l’exception d’inexécution » (Cass. 3e civ., 10 janvier 2012, n° 11-10.013).

Aucun formalisme particulier n’est requis. La Cour de cassation admet que « l’exécution de l’obligation de délivrance de l’immeuble par le crédit-bailleur peut se déduire valablement des courriers émanant du crédit-preneur démontrant que celui-ci avait accompli, après l’achèvement des travaux, des actes prouvant qu’il était en possession » (Cass. 3e civ., 5 juin 1996, n° 94-16.952).

Exonération de l’obligation de garantie

Contrairement au droit commun des baux, le crédit-bailleur peut s’exonérer de son obligation de garantie. Cette particularité découle de la nature financière du contrat.

La 3e chambre civile de la Cour de cassation a validé cette exonération : « ayant relevé que les crédit-bailleresses n’avaient eu qu’un rôle de financiers, que l’opération d’acquisition, de réhabilitation et aménagement avait été entièrement initiée par le [crédit-preneur], […] la cour d’appel a pu en déduire que l’exception d’inexécution ne pouvait trouver application, la privation de jouissance tenant à des vices cachés dont le crédit-bailleur était exonéré par la convention » (Cass. 3e civ., 15 janvier 2003, n° 00-16.106).

Ces clauses d’exonération doivent cependant être rédigées avec précision. Une simple formulation générale comme « tous les frais d’entretien et de réparation » a été jugée insuffisante (CA Paris, 11 octobre 1989, Juris-Data n° 1989-024872).

Les obligations du crédit-preneur

Paiement des loyers

Le paiement des loyers constitue l’obligation essentielle du crédit-preneur. Ces loyers ne sont pas de simples contreparties d’une jouissance mais comportent une part d’amortissement du capital investi.

Le défaut de paiement peut entraîner la résiliation du contrat et l’application d’indemnités parfois conséquentes. Attention: ces indemnités peuvent être soumises au pouvoir modérateur du juge si elles sont manifestement excessives (art. 1152 du Code civil).

Entretien et conservation du bien

Le crédit-preneur supporte généralement l’intégralité des obligations d’entretien, y compris les grosses réparations normalement à la charge du propriétaire dans un bail classique.

Cette répartition atypique doit être expressément prévue au contrat. Une clause générale ne suffit pas. Pour être valide, la clause doit spécifiquement mentionner les grosses réparations de l’article 606 du Code civil (CA Paris, 11 octobre 1989).

Assurance

Le crédit-preneur doit souscrire une assurance du bien. Cette obligation revêt une importance particulière car elle protège à la fois la jouissance du crédit-preneur et la garantie du crédit-bailleur.

En pratique, le contrat prévoit que:

  • Le crédit-preneur souscrit l’assurance à ses frais
  • Le crédit-bailleur figure comme co-assuré ou assuré additionnel
  • Les indemnités sont versées directement au crédit-bailleur
  • Aucune modification substantielle de la police n’est possible sans l’accord du crédit-bailleur

Le transfert des actions et garanties au crédit-preneur

Un mécanisme fondamental du crédit-bail immobilier consiste à transférer au crédit-preneur les actions et garanties dont dispose le crédit-bailleur contre le vendeur ou les constructeurs.

Ce transfert permet au crédit-preneur d’agir directement contre le vendeur ou les constructeurs en cas de défaut du bien. Il compense l’exonération de garantie accordée au crédit-bailleur.

Deux techniques juridiques sont couramment utilisées:

  • La stipulation pour autrui (article 1121 du Code civil)
  • Le mandat d’ester en justice

Attention: en cas de résiliation du contrat pour faute du crédit-preneur, ce mandat devient automatiquement caduc (Cass. com., 11 juillet 2006, n° 05-11.592).

L’aménagement contractuel des responsabilités

Le contrat de crédit-bail immobilier doit prévoir avec précision:

  1. La résiliation pour défaut de paiement
    • Délai de grâce éventuel
    • Procédure de mise en demeure
    • Calcul des indemnités
  2. Le sort du contrat en cas de procédure collective L’ouverture d’une procédure collective n’entraîne pas automatiquement la résiliation du contrat (C. com., art. L. 622-13).
  3. L’option d’achat anticipée Une faculté de résiliation unilatérale doit être prévue (C. monét. fin., art. L. 313-9), mais ses conditions d’exercice peuvent être encadrées.
  4. Le sort des améliorations et constructions réalisées par le crédit-preneur

Dans une affaire récente, un crédit-preneur avait investi 75.000 € dans des travaux d’agrandissement. Le contrat ne prévoyait rien sur ce point. Après résiliation, le crédit-bailleur a conservé ces améliorations sans indemnité. Le tribunal a invalidé cette situation mais seulement après deux ans de procédure.

Les pièges à éviter dans la rédaction du contrat

Les principaux pièges à éviter sont:

  1. L’absence de clause de résiliation anticipée à la demande du preneur Cette clause est obligatoire à peine de nullité (C. monét. fin., art. L. 313-9).
  2. Des clauses de résiliation anticipée trop coûteuses La clause ne peut mettre à la charge du crédit-preneur des obligations équivalentes à celles de l’exécution du contrat jusqu’à son terme (Cass. 3e civ., 5 mai 1999, n° 97-18.576).
  3. Des clauses d’exonération imprécises Elles doivent mentionner expressément les grosses réparations.
  4. L’oubli de prévoir le transfert des garanties au crédit-preneur Sans ce transfert, le crédit-preneur ne peut agir contre les constructeurs qu’en responsabilité délictuelle, ce qui est moins favorable.
  5. L’absence de précision sur le sort des constructions et améliorations

La rédaction du contrat de crédit-bail immobilier nécessite une expertise juridique pointue. Un accompagnement juridique dès la négociation permettra de sécuriser les intérêts de chaque partie. N’hésitez à consulter notre cabinet pour élaborer ou réviser votre contrat de crédit-bail immobilier avant sa signature.

Sources

  • Code monétaire et financier, article L. 313-7 et suivants
  • Code civil, articles 1152, 1721 et 1741
  • Code de commerce, article L. 622-13
  • Cass. 3e civ., 10 janvier 2012, n° 11-10.013
  • Cass. 3e civ., 5 juin 1996, n° 94-16.952
  • Cass. 3e civ., 15 janvier 2003, n° 00-16.106 et n° 00-16.453
  • Cass. com., 11 juillet 2006, n° 05-11.592
  • Cass. 3e civ., 5 mai 1999, n° 97-18.576
  • CA Paris, 11 octobre 1989, Juris-Data n° 1989-024872

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