Le traitement comptable et fiscal du crédit-bail immobilier : enjeux pratiques

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Vous avez opté pour le crédit-bail immobilier pour financer vos locaux professionnels? Cet outil de financement présente des particularités comptables et fiscales qu’il convient de maîtriser. Entre provisions spéciales, amortissements financiers et traitement des options d’achat, le régime du crédit-bail immobilier s’avère complexe.

Comprendre la nature hybride du crédit-bail immobilier

Le crédit-bail immobilier est une opération à double visage : juridiquement un bail, économiquement un crédit. Cette dualité génère de nombreuses interrogations sur son traitement comptable et fiscal.

Selon l’article L. 313-7 du Code monétaire et financier, le crédit-bail immobilier est « une opération par laquelle une entreprise donne en location des biens immobiliers à usage professionnel, achetés par elle ou construits pour son compte, lorsque cette opération permet au locataire de devenir propriétaire du bien loué, au plus tard à l’expiration du bail ».

Cette hybridité pose question : doit-on privilégier l’approche juridique (un bail) ou économique (un financement) dans le traitement comptable et fiscal?

La comptabilisation chez le crédit-bailleur

Immobilisations et amortissements

Pour le crédit-bailleur, le bien donné en crédit-bail constitue une immobilisation inscrite à l’actif du bilan pour son prix hors taxes. L’amortissement est pratiqué selon les règles de droit commun.

Mais depuis l’article 29 de la loi de finances rectificative pour 1999, les établissements de crédit-bail peuvent opter pour un amortissement financier. La dotation aux amortissements équivaut alors à la fraction du loyer correspondant au capital investi.

« L’amortissement des biens crédits-baillés est réparti sur la durée des contrats. La dotation aux amortissements de chaque exercice est ainsi égale à la fraction de loyers de cette période correspondant à la reconstitution du capital investi dans l’achat des biens baillés » (CGI, art. 39 C, al. 4).

Le traitement des loyers

Les loyers perçus par le crédit-bailleur constituent un produit d’exploitation, retenu pour la détermination de son résultat imposable. Ils se composent de l’amortissement du capital investi et d’une marge financière.

Une particularité notable : la marge réelle du crédit-bailleur est souvent masquée par la comptabilité classique.

La provision spéciale

Le crédit-bailleur peut constituer une provision spéciale lorsque les amortissements pratiqués excèdent l’amortissement financier. Cette provision, prévue à l’article 39 quinquies I du CGI, permet d’étaler la perte subie au terme du contrat lorsque la valeur nette comptable du bien est supérieure à sa valeur résiduelle.

Elle est égale à « l’excédent du montant cumulé de la quote-part de loyers, déjà acquis, prise en compte pour la fixation du prix de vente convenu pour la cession éventuelle de l’immeuble à l’issue du contrat, sur le total des amortissements pratiqués ».

Un réel avantage fiscal qui permet de différer l’imposition.

La comptabilisation chez le crédit-preneur

Traitement des loyers et charges

Le crédit-preneur n’étant pas propriétaire du bien, il ne l’inscrit pas à l’actif de son bilan. Les loyers constituent des charges d’exploitation, enregistrées au compte de résultat dans les comptes 6122 (crédit-bail mobilier) ou 6125 (crédit-bail immobilier).

Attention toutefois : pour les contrats conclus après le 1er janvier 1996, une partie des loyers peut ne pas être déductible si le prix de l’option d’achat est inférieur au prix d’acquisition du terrain par le crédit-bailleur.

Une jurisprudence constante du Conseil d’État confirme que les loyers de crédit-bail sont déductibles dès lors qu’ils correspondent à une charge effective, en rapport avec la valeur locative réelle du bien, et qu’ils sont engagés dans l’intérêt de l’exploitation.

Préloyers et investissements complémentaires

Les préloyers, versés pendant la phase de construction, sont assimilés à des charges différées. Ils peuvent être étalés sur la durée du contrat.

Quant aux investissements complémentaires réalisés par le crédit-preneur, ils sont inscrits à l’actif dans un compte spécifique (compte 2181) et amortis selon les règles habituelles.

Si ces investissements subsistent à la fin du contrat sans levée d’option, le crédit-preneur doit constater une charge égale à leur valeur résiduelle.

La fiscalité directe applicable

Déductibilité des loyers

Pour le crédit-preneur, les loyers sont déductibles du résultat imposable, sous réserve qu’ils constituent la juste rémunération du service rendu.

Une limite importante existe depuis 1996 : lorsque le prix d’acquisition prévu dans l’option d’achat est inférieur au prix d’achat du terrain par le crédit-bailleur, la quote-part de loyers correspondant au terrain n’est pas déductible (CGI, art. 39-10).

Le régime des plus-values

À la levée de l’option d’achat, le crédit-preneur doit réintégrer dans son résultat imposable la différence entre la valeur vénale de l’immeuble et son prix d’acquisition réduit (CGI, art. 239 sexies).

Cette réintégration vise à neutraliser l’avantage fiscal lié à la déduction des loyers pendant la période de location.

Si le crédit-preneur revend l’immeuble ultérieurement, la plus-value est considérée comme à court terme à hauteur des amortissements que l’entreprise aurait pratiqués si elle avait été propriétaire du bien pendant la durée du crédit-bail (CGI, art. 39 duodecies A).

La fiscalité indirecte

TVA

Les loyers de crédit-bail immobilier sont soumis à la TVA, récupérable par le crédit-preneur assujetti.

L’administration fiscale considère que « les locations d’immeubles aménagés pourvus d’agencement professionnel ou de mobilier sont, conformément à une jurisprudence constante du Conseil d’État, passibles obligatoirement de la taxe sur la valeur ajoutée ».

Droits d’enregistrement

La publication du contrat de crédit-bail au fichier immobilier est soumise à la taxe de publicité foncière au taux de 0,60% (CGI, art. 740).

La levée de l’option d’achat est soumise au droit d’enregistrement au taux de 3,60%, majoré des taxes additionnelles.

L’évolution du régime fiscal des SICOMI et SOFERGIE

Les Sociétés Immobilières pour le Commerce et l’Industrie (SICOMI) bénéficiaient historiquement d’un régime fiscal avantageux : exonération d’impôt sur les sociétés en contrepartie d’une distribution de 85% des bénéfices.

Ce régime a été progressivement supprimé à partir de 1991, pour disparaître complètement en 1996, sauf pour les contrats conclus avant le 1er janvier 1996 (mesure transitoire).

Les Sociétés pour le Financement des Économies d’Énergie (SOFERGIE) ont connu un sort similaire, avec une suppression définitive de leur régime fiscal de faveur par la loi de finances rectificative pour 1999.

Points d’attention pour optimiser sa fiscalité

Plusieurs aspects méritent une attention particulière :

  • Le moment de la levée de l’option d’achat : il peut être judicieux de l’anticiper si la valeur de marché du bien a fortement augmenté
  • La fixation du prix de l’option d’achat : il doit tenir compte du traitement fiscal différencié du terrain et des constructions
  • Les investissements complémentaires : leur traitement varie selon que l’option d’achat est levée ou non

Dans une affaire récente (CE, 12 janvier 2004), le Conseil d’État a confirmé que les préloyers versés pendant la phase de construction ne constituent pas des loyers payés d’avance mais rémunèrent une prestation de service spécifique. Ils sont donc déductibles au titre de l’exercice de leur engagement.

La maîtrise du régime fiscal du crédit-bail immobilier exige une analyse approfondie. Une erreur d’appréciation peut engendrer un redressement fiscal, comme l’a montré un arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon du 28 mai 2020.

Nos avocats fiscalistes peuvent vous accompagner dans l’optimisation de vos opérations de crédit-bail immobilier, de la rédaction du contrat jusqu’à la levée de l’option d’achat.

Sources

  • Code monétaire et financier, article L. 313-7
  • Code général des impôts, articles 39 C, 39 quinquies I, 39-10, 239 sexies, 39 duodecies A et 740
  • Loi de finances rectificative pour 1999, article 29
  • Conseil d’État, 12 janvier 2004, n° 243273
  • Instruction fiscale 4-H-13-91 du 20 juin 1991 (BOI 2 juillet 1991)
  • El-Mokhtar Bey, « CRÉDIT-BAIL IMMOBILIER – Régime comptable et fiscal », JurisClasseur Droit bancaire et financier, 27 juin 2015
  • El-Mokhtar Bey, « CRÉDIT-BAIL IMMOBILIER – Régime légal – Définition. Conditions de fond », JurisClasseur Droit bancaire et financier, 30 juin 2015

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