Dandelions stand tall in a field at sunset.

Opposition et contestation d’un virement bancaire : quelles démarches juridiques ?

Table des matières

Face à un virement bancaire suspect ou non sollicité débité de votre compte, la réactivité est essentielle. Qu’il s’agisse d’une opération que vous n’avez jamais autorisée, d’une erreur de montant ou d’un prélèvement dont vous contestez la légitimité, des démarches juridiques existent pour faire valoir vos droits. Comprendre la distinction entre opposition et contestation, connaître les délais pour agir et les procédures à suivre auprès de votre établissement bancaire, voire devant les tribunaux, est fondamental. Le cadre juridique des virements est complexe, mais des mécanismes de protection des utilisateurs de services de paiement sont en place.

Opposition vs contestation : définitions

Il est important de distinguer l’opposition d’un virement de sa contestation, car ces termes recouvrent des situations et des actions distinctes.

L’opposition (ou révocation) sur un virement s’entend généralement de l’action d’empêcher un virement ou un prélèvement futur d’être exécuté. Elle intervient donc avant que l’opération ne soit irrévocablement traitée. Par exemple, vous pouvez révoquer le consentement donné pour une série de prélèvements automatiques. Le Code monétaire et financier prévoit ainsi que le consentement à une opération de paiement peut être retiré tant que l’ordre de paiement n’a pas acquis un caractère d’irrévocabilité (article L. 133-7 et L. 133-8 du Code monétaire et financier). Pour un prélèvement, le payeur peut généralement révoquer l’ordre au plus tard à la fin du jour ouvrable précédant le jour convenu pour le débit des fonds. De même, une autorisation de prélèvement permanent peut être retirée à tout moment, ce qui invalidera les ordres futurs. Il est aussi possible de faire opposition de manière préventive si vous suspectez une fraude potentielle avant même l’exécution d’un virement.

La contestation, quant à elle, intervient après qu’un virement a été débité de votre compte. Vous contestez une opération déjà réalisée parce que vous estimez qu’elle n’aurait pas dû l’être, ou pas dans ces conditions. Les motifs de contestation sont variés :

  • Opération non autorisée : il s’agit typiquement d’un virement frauduleux, d’un virement effectué suite à une falsification de votre signature ou à l’usurpation de vos identifiants bancaires. La Cour de cassation a par exemple jugé que lorsque l’ordre de virement donné à une banque a été falsifié à l’insu du client pour en modifier le destinataire, le client n’a pas consenti au paiement et la banque doit lui en rembourser le montant (Com. 1er juin 2023, n° 21-19.289).
  • Opération mal exécutée : le virement a été effectué pour un montant erroné, ou vers un mauvais destinataire suite à une erreur de la banque (distincte de l’erreur d’identifiant que vous auriez pu commettre). Un virement retardé ou non exécuté peut aussi faire l’objet d’une réclamation.
  • Contestation du montant d’un prélèvement autorisé : même si vous aviez autorisé un prélèvement, vous pouvez en contester le montant s’il n’était pas spécifié à l’avance et qu’il excède ce à quoi vous pouviez raisonnablement vous attendre.

Délais légaux

Agir rapidement est une condition déterminante pour la recevabilité de votre démarche. Le Code monétaire et financier fixe des délais stricts.

Treize mois (art. L. 133-24 CMF)

Pour les opérations de paiement non autorisées (par exemple, un virement que vous n’avez jamais initié ou approuvé) ou les opérations mal exécutées, l’utilisateur de services de paiement doit signaler le problème à son prestataire (la banque) « sans tarder » après en avoir eu connaissance et au plus tard dans un délai de treize mois suivant la date de débit. Ce délai de treize mois est un délai de forclusion, c’est-à-dire qu’une fois expiré, vous ne pouvez plus, en principe, obtenir le remboursement de la part de votre banque sur ce fondement. Ce délai est impératif pour les personnes physiques n’agissant pas pour des besoins professionnels.

Huit semaines (art. L. 133-25 CMF)

Un délai plus court s’applique pour la contestation du montant d’un prélèvement que vous aviez autorisé, mais dont le montant exact n’avait pas été spécifié et qui s’avère plus élevé que ce à quoi vous pouviez raisonnablement vous attendre (en considérant vos dépenses passées, les termes de la convention-cadre, etc.). Dans ce cas précis, la demande de remboursement doit être présentée dans un délai de huit semaines à compter de la date à laquelle les fonds ont été débités de votre compte.

Procédure auprès de la banque

La première étape en cas de virement contesté est de contacter votre établissement bancaire. Dès que vous constatez une opération anormale, informez votre banque sans tarder. La loi impose à l’utilisateur de signaler l’opération non autorisée ou mal exécutée dans les délais mentionnés (treize mois ou huit semaines).

En cas d’opération de paiement non autorisée signalée dans les délais, la banque du payeur doit rembourser immédiatement au payeur le montant de cette opération et rétablir le compte débité dans l’état où il se serait trouvé si l’opération non autorisée n’avait pas eu lieu (article L. 133-18 du Code monétaire et financier). Cela inclut le remboursement des éventuels frais ou agios qui auraient été générés par ce débit indu. Il appartient à la banque de prouver que l’opération en question a été authentifiée, dûment enregistrée et comptabilisée et qu’elle n’a pas été affectée par une déficience technique ou autre (article L. 133-23 du Code monétaire et financier). Le simple fait que l’opération ait été effectuée en utilisant un instrument de paiement (comme vos identifiants de banque en ligne) ne suffit pas nécessairement à prouver que vous avez autorisé l’opération ou que vous avez commis une fraude. La Cour de cassation a d’ailleurs rappelé que si la banque ne prouve pas que le titulaire du compte a divulgué intentionnellement ou par négligence grave ses données confidentielles, elle doit rembourser les débits frauduleux, même si une hypothèse de « hameçonnage » est évoquée sans être prouvée (Com. 18 janv. 2017, n° 15-18.102).

Concernant la contestation du montant d’un prélèvement (délai de huit semaines), la banque doit, dans les dix jours ouvrables suivant la réception de la demande de remboursement, soit rembourser le montant de l’opération, soit justifier son refus de rembourser, en indiquant les procédures de recours possibles.

Il est à noter une évolution jurisprudentielle concernant la contre-passation : sauf stipulations contractuelles contraires, si la banque du payeur a remboursé ce dernier (par exemple, pour fraude), la banque du bénéficiaire, même si elle a restitué les fonds à la banque du payeur, ne peut contre-passer l’opération sur le compte de son client bénéficiaire sans son autorisation (Com. 24 nov. 2021, n° 20-10.044).

Voies judiciaires

Si la démarche amiable auprès de votre banque n’aboutit pas, ou si la banque refuse de reconnaître ses torts, des voies de recours existent. Avant d’envisager une action en justice, il est souvent possible de recourir à la médiation bancaire. Le médiateur est une personnalité indépendante qui peut aider à trouver une solution amiable au litige. La banque doit vous informer des coordonnées de son médiateur. Le recours au médiateur est gratuit.

Si la médiation échoue ou si vous préférez agir directement en justice, vous pouvez saisir le tribunal compétent. L’assistance d’un avocat en droit bancaire est alors fortement conseillée pour évaluer les chances de succès de votre action et vous représenter. Les litiges peuvent porter sur le refus de remboursement par la banque, sur l’appréciation d’une négligence grave de votre part, ou sur la responsabilité de la banque en cas de manquement à ses propres obligations de vigilance bancaire et de sécurité. Par exemple, la banque est tenue de s’assurer que l’ordre de virement émane bien du titulaire du compte et ne présente aucune anomalie apparente, formelle ou intellectuelle (Com. 14 févr. 2024, n° 22-11.654). Si vous avez fourni par erreur un identifiant unique incorrect (IBAN) pour un virement, et que la banque ne parvient pas à récupérer les fonds, elle doit vous transmettre toutes les informations utiles en sa possession pour vous aider à engager une action judiciaire afin de récupérer les fonds auprès du bénéficiaire effectif.

Limites de responsabilité du payeur (négligence grave)

Si la banque doit en principe vous rembourser en cas d’opération non autorisée, votre responsabilité peut être engagée, et le remboursement limité ou exclu, si vous avez commis une négligence grave. Selon l’article L. 133-19 du Code monétaire et financier, le payeur supporte toutes les pertes occasionnées par des opérations de paiement non autorisées si ces pertes résultent d’un agissement frauduleux de sa part ou s’il n’a pas satisfait, intentionnellement ou par négligence grave, à ses obligations de prendre toute mesure raisonnable pour préserver la sécurité de ses dispositifs de sécurité personnalisés (identifiants, mots de passe, etc.) et d’informer sans tarder sa banque en cas de perte, vol ou détournement de son instrument de paiement ou des données qui lui sont liées.

La notion de « négligence grave » est appréciée au cas par cas par les tribunaux. A été considérée comme une négligence grave le fait pour un utilisateur de communiquer ses données personnelles de sécurité en réponse à un courriel frauduleux (hameçonnage ou « phishing ») lorsqu’il aurait dû raisonnablement avoir conscience du caractère frauduleux du message (par exemple, en raison d’anomalies dans le courriel). Cependant, la jurisprudence récente tend à protéger davantage le consommateur. Par exemple, il a été jugé qu’un client qui a communiqué par négligence son code de sécurité à un tiers n’a pas à supporter les conséquences financières si la banque n’a pas exigé son authentification forte avant de valider le paiement (Com. 30 août 2023, n° 22-11.707). De même, aucune négligence grave n’a été retenue à l’encontre d’un client piégé par un faux conseiller bancaire ayant usurpé le numéro de téléphone de la banque (Com. 23 oct. 2024, n° 23-16.267). Il est important de noter que la responsabilité en cas d’opération non autorisée ou mal exécutée est exclusivement régie par les articles L. 133-18 à L. 133-24 du Code monétaire et financier, à l’exclusion de tout régime alternatif de responsabilité de droit commun (Com. 27 mars 2024, n° 22-21.200).

Sauf agissement frauduleux de votre part, vous ne supportez aucune conséquence financière si l’opération de paiement non autorisée a été effectuée sans utilisation de votre dispositif de sécurité personnalisé, ou si l’instrument de paiement a été contrefait et que vous étiez toujours en possession de l’instrument original et de ses données de sécurité. De même, si l’instrument a été perdu, volé ou détourné, les pertes subies avant que vous n’ayez pu en informer votre banque (opposition) sont généralement limitées à un plafond de 50 euros, sauf négligence grave de votre part.

La contestation d’un virement bancaire peut s’avérer complexe et nécessite une bonne compréhension de vos droits et des obligations de votre banque. Face à une situation litigieuse, il est souvent judicieux de se faire accompagner. Si vous rencontrez des difficultés pour obtenir le remboursement d’un virement contesté ou si vous estimez que votre banque a manqué à ses obligations, notre cabinet peut vous conseiller et vous assister dans vos démarches.

Sources

  • Code monétaire et financier, notamment les articles L. 133-6 à L. 133-8, L. 133-16, L. 133-18, L. 133-19, L. 133-21, L. 133-23, L. 133-24, L. 133-25.

Vous souhaitez échanger ?

Notre équipe est à votre disposition et s’engage à vous répondre sous 24 à 48 heures.

07 45 89 90 90

Vous êtes avocat ?

Consultez notre offre éditoriale dédiée.

Dossiers

> La pratique de la saisie immobilière> Les axes de défense en matière de saisie immobilière

Formations professionnelles

> Catalogue> Programme

Poursuivre la lecture

fr_FRFR