white sailing boat on body of water

Police de la navigation intérieure : quelles règles respecter sur les fleuves et canaux français ?

Table des matières

Naviguer sur les voies d’eau intérieures françaises, que ce soit pour le transport de marchandises, de passagers ou pour le simple plaisir, n’est pas une activité totalement libre. Loin de là. Un cadre réglementaire précis encadre cette pratique, visant avant tout à assurer la sécurité des personnes et des biens, ainsi que la bonne conservation du domaine public fluvial. Que vous soyez un professionnel de la batellerie, un entrepreneur exploitant un bateau à passagers ou un plaisancier occasionnel, comprendre et respecter ces règles est essentiel. Cet article se propose de vous éclairer sur les principaux aspects de la police de la navigation intérieure en France, hors régimes spécifiques comme ceux du Rhin et de la Moselle. Pour naviguer en toute conformité, obtenir un permis de navigation fluviale en France est un prérequis incontournable pour de nombreux usagers. Ce document atteste que le titulaire possède les compétences nécessaires pour manœuvrer un embarcation tout en respectant les réglementations en vigueur. De plus, le permis contribue à réduire les risques d’accidents sur les voies d’eau, renforçant ainsi la sécurité de tous.

Qui réglemente et où s’appliquent les règles ?

La navigation sur les fleuves, rivières, canaux et plans d’eau intérieurs est principalement encadrée par deux grands ensembles de textes. D’une part, le Code des transports regroupe désormais de nombreuses dispositions anciennement présentes dans le Code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure, notamment celles relatives à la conservation du domaine et à certaines infractions. D’autre part, et de manière très concrète pour les usagers, le Règlement Général de Police de la navigation intérieure (souvent abrégé RGP), annexé au décret n° 73-912 du 21 septembre 1973, constitue le texte de référence pour la circulation quotidienne.  

Ce RGP est complété par des règlements particuliers de police. Ces derniers, souvent pris sous forme d’arrêtés préfectoraux ou ministériels, adaptent les règles générales aux spécificités locales d’une voie d’eau ou d’un bassin de navigation. Il est donc important de se renseigner sur les règles spécifiques applicables à votre zone de navigation. Voies navigables de France (VNF), l’établissement public chargé de la gestion d’une grande partie du réseau, joue également un rôle, notamment en étant consulté sur ces règlements particuliers et, depuis une loi de 2012, en disposant de pouvoirs propres pour prendre certaines mesures temporaires liées à l’exploitation ou aux incidents.  

Ces règles s’appliquent sur l’ensemble des eaux intérieures françaises, jusqu’à la limite transversale de la mer. Elles concernent une large variété de bâtiments : les bateaux de navigation intérieure classiques (péniches, automoteurs), mais aussi les menues embarcations, les bacs, les engins flottants (dragues, grues flottantes) et même les navires de mer lorsqu’ils pénètrent dans ces eaux intérieures. Pour ces derniers, une subtilité existe : ils restent également soumis au Règlement international pour prévenir les abordages en mer (COLREG 72) dans les eaux attenantes accessibles aux navires de mer. Les plans d’eau des ports fluviaux sont également concernés, sans préjudice des règlements portuaires spécifiques.   Il est essentiel de respecter ces règles pour garantir la sécurité de tous les usagers des voies navigables. En effet, naviguer sur les fleuves et canaux nécessite une bonne connaissance des règles en vigueur, afin de prévenir les accidents et d’assurer une circulation fluide. Les plaisanciers, comme les professionnels, doivent donc se familiariser avec ces prescriptions, ainsi qu’avec le statut juridique du bateau de navigation intérieure, pour profiter pleinement de leur expérience sur l’eau.

Utiliser la voie navigable : les précautions de base

La première règle de bon sens, inscrite dans le RGP, est de s’assurer que son bateau est compatible avec la voie navigable empruntée. Ses dimensions – longueur, largeur, tirant d’air (hauteur au-dessus de l’eau) et enfoncement (profondeur immergée) – ainsi que sa vitesse doivent être adaptées aux caractéristiques du chenal, à la hauteur des ponts et à la capacité des écluses. Les règlements particuliers fixent souvent des limites précises. Naviguer avec un bateau trop grand ou trop rapide pour une section donnée expose non seulement à des sanctions, mais surtout à des risques d’accident importants.  

Au-delà de ces aspects dimensionnels, tout usager a des obligations générales pour préserver la voie d’eau et la sécurité collective. Il est interdit de jeter quoi que ce soit qui puisse créer une entrave ou un danger. Si vous perdez un objet (une ancre, une partie du chargement…), vous devez le signaler sans délai aux autorités compétentes. De même, tout dommage causé à un ouvrage (écluse, balise, pont…) doit être immédiatement rapporté. En cas d’échouement ou de naufrage, le signalement est aussi une obligation, tout comme celle de prendre les mesures nécessaires pour dégager le chenal le plus rapidement possible.  

Le respect des horaires de navigation, notamment pour le passage des écluses ou des ponts mobiles, est également impératif. Ces horaires sont fixés par l’administration et leur non-respect peut perturber l’ensemble du trafic. Enfin, une obligation formelle, parfois méconnue : un exemplaire à jour du RGP doit se trouver à bord de tout bâtiment, à l’exception notable des très petites embarcations.  

Depuis 2012, une réglementation spécifique peut encadrer la navigation des bateaux traditionnels appartenant à des associations et utilisés par leurs membres. Par ailleurs, le pilotage fluvial par des pilotes professionnels peut être obligatoire dans certaines zones, notamment les estuaires et les accès aux ports maritimes.  

Les règles de route et de signalisation : voir et être vu, céder le passage

La sécurité en navigation repose beaucoup sur une bonne signalisation et le respect des règles de priorité. Le RGP détaille précisément les feux, marques de coque et signaux sonores que les différents types de bâtiments doivent arborer, de jour comme de nuit, qu’ils soient en route ou en stationnement. Des signalisations spécifiques sont prévues pour les situations particulières : transport de matières dangereuses (feux bleus ou rouges selon la nature du danger), convois longs ou larges, bateaux ayant une capacité de manœuvre restreinte, etc. Utiliser les bons signaux, c’est permettre aux autres de comprendre vos intentions et d’anticiper vos manœuvres.  

Concernant les règles de route, une distinction fondamentale est faite entre le bateau « montant » (celui qui va vers l’amont, la source) et le bateau « avalant » (celui qui va vers l’aval, l’embouchure). Sur les canaux, l’avalant est celui qui s’éloigne du bief de partage. Cette distinction est essentielle car elle détermine les priorités, notamment lors des croisements.   De plus, chaque bateau a des responsabilités en matière d’assistance fluviale, ce qui implique qu’il doit être prêt à prêter main-forte à un autre navire en cas de besoin. La connaissance de ces règles de responsabilité en cas d’abordage et d’assistance est d’ailleurs cruciale. Dans cette optique, il est impératif que les équipages soient formés aux règles de navigation et aux mesures de sécurité qui les entourent, afin d’assurer une navigation fluide et sécurisée sur les voies navigables. Ainsi, une compréhension claire de ces distinctions et responsabilités contribue à la sécurité et à l’efficacité de la navigation fluviale.

En règle générale, le croisement et le dépassement ne sont autorisés que si la largeur du chenal est suffisante et si les circonstances le permettent sans danger. Lors d’un croisement, c’est le bateau montant qui doit laisser au bateau avalant une route appropriée. L’avalant a donc priorité. Pour un dépassement, le bateau rattrapant doit s’assurer que la manœuvre est sûre. Le bateau rattrapé a l’obligation de faciliter le dépassement, notamment en réduisant sa vitesse si nécessaire pour que la manœuvre soit rapide et ne gêne pas d’autres bateaux. Des arrêtés spécifiques peuvent préciser ces règles.  

Le RGP définit aussi les manœuvres à adopter dans les virages, pour traverser la voie navigable ou pour entrer et sortir d’un port. Le passage des ponts, barrages et écluses fait l’objet de règles détaillées. Il est notamment interdit de naviguer sous les arches de ponts fermées pour travaux. Aux abords et dans les écluses, les ordres du personnel (éclusier) priment sur la signalisation générale. Ne pas respecter ces ordres peut engager la responsabilité du conducteur en cas d’incident.  

Des règles spécifiques s’appliquent également pour la navigation par visibilité réduite (temps bouché) ou la navigation au radar, ainsi que pour la circulation des bacs.  

Stationner son bateau : où et comment ?

Le stationnement, qu’il soit de courte ou longue durée, est également très réglementé. Le principe de base est de stationner son bateau aussi près de la rive que possible, sans gêner la navigation dans le chenal principal. Cela s’applique aussi bien aux bateaux de commerce qu’aux engins flottants ou aux établissements flottants (péniches-logements, restaurants flottants…).  

L’amarrage doit être suffisamment solide pour résister au courant, au vent, mais aussi au remous et à l’effet de succion provoqués par le passage d’autres bateaux. Crucialement, l’amarrage doit pouvoir s’adapter aux variations du niveau de l’eau pour éviter que le bateau ne se retrouve suspendu ou au contraire submergé.  

Le RGP liste de nombreuses interdictions de stationnement: dans les chenaux étroits, aux abords des ouvrages (écluses, ponts), dans les zones réservées à certaines activités, etc. L’ancrage peut aussi être interdit dans certaines zones pour protéger les fonds ou les câbles sous-marins.  

Le non-respect de ces règles expose à des sanctions. Laisser son bateau stationner sans autorisation sur le domaine public fluvial, même s’il ne gêne pas ostensiblement, peut être considéré comme un « empêchement » et constituer une contravention de grande voirie. Cela s’applique aussi aux épaves. Les sanctions peuvent aller d’une amende (jusqu’à 12 000 €) à la confiscation de l’objet et au remboursement des frais d’enlèvement si l’administration doit intervenir d’office. Récemment, le Conseil d’État a confirmé que ces dispositions visent à maintenir le domaine public en état et à assurer la sécurité, justifiant l’obligation d’enlèvement aux frais du contrevenant.  

Attention, le fait de payer une redevance domaniale pour stationnement ne vaut pas autorisation si les règles de police ne sont pas respectées par ailleurs. La puissance publique peut aussi voir sa responsabilité engagée si des ordres de stationnement donnés par ses services causent un dommage à un bateau (par exemple, échouement suite à une baisse du niveau d’eau mal gérée).  

Situations particulières et interruptions

Certains types de bateaux ou d’activités font l’objet de règles spécifiques. Le déplacement d’établissements flottants (comme un ponton ou un dock) est considéré comme un transport spécial nécessitant une autorisation. Leur stationnement doit impérativement laisser le chenal libre.  

Les bateaux destinés à une activité commerciale directe avec le public (bateaux-épiceries, restaurants, cinémas, expositions flottantes…) nécessitent une autorisation préfectorale ou ministérielle pour circuler ou stationner. Cette autorisation est limitée dans le temps et précise l’itinéraire et les lieux de stationnement autorisés. Les services publics réguliers de transport de passagers sont également soumis à des conditions d’exploitation particulières fixées par les préfets (horaires, embarcadères…).  

La navigation peut être interrompue pour diverses raisons. Créer volontairement un obstacle à la circulation, par des manœuvres ou un stationnement inapproprié, constitue une infraction (contravention de grande voirie). Dans le cas de barrages organisés par des mariniers lors de mouvements sociaux, la responsabilité de l’État est rarement engagée pour faute (abstention d’utiliser la force publique souvent justifiée par les risques de trouble à l’ordre public), mais elle peut l’être sur le fondement de la rupture de l’égalité devant les charges publiques si le préjudice subi par les autres usagers est anormal et spécial (par exemple, une interruption très longue).  

De même, en cas de grève des services publics de la navigation (éclusiers par exemple), la responsabilité de l’État pour faute est difficile à établir si les usagers ont été prévenus et si le droit de grève est exercé légalement. Le préjudice n’est généralement pas considéré comme anormal.  

VNF a mis en place des règles d’indemnisation forfaitaire pour les transporteurs subissant des arrêts de navigation inopinés dus à une faute des services, une défaillance d’ouvrage ou un défaut d’entretien. Cette indemnisation ne couvre cependant pas les arrêts pour cause naturelle (crues, étiages), les grèves ou les interruptions programmées (sauf cas particuliers de travaux très longs entraînant des déroutements).  

Sanctions en cas de non-respect

Le non-respect des règles de police de la navigation est principalement sanctionné par le biais des contraventions de grande voirie lorsque le domaine public fluvial est atteint (dégradations d’ouvrages, obstacles, stationnement illégal). Ces contraventions relèvent de la compétence du juge administratif. Les agents assermentés de l’État et, depuis 2012, ceux de VNF, sont habilités à constater ces infractions ainsi que les infractions aux règlements de police eux-mêmes. Les sanctions pécuniaires peuvent être lourdes, sans compter l’obligation de réparer les dommages causés.  

Au-delà des sanctions administratives, la responsabilité civile du conducteur ou du propriétaire du bateau peut être engagée en cas de dommage causé à un tiers du fait d’une violation des règles de navigation (abordage, par exemple).

La complexité des règles de navigation fluviale peut entraîner des sanctions ou engager votre responsabilité. Pour naviguer en toute sérénité ou en cas de litige, notre cabinet peut vous conseiller sur vos droits et obligations. Nous offrons également une expertise complète en droit commercial, couvrant la gestion, le financement et la résolution des litiges pour les professionnels de la navigation et du transport fluvial.

Sources

  • Code des transports (notamment les parties législatives et réglementaires relatives au domaine public fluvial et à la police de la navigation)
  • Décret n° 73-912 du 21 septembre 1973 portant règlement général de police de la navigation intérieure (RGP) et ses annexes
  • Règlements particuliers de police applicables aux différentes voies d’eau (consultables auprès des services de navigation ou de VNF)
  • Loi n° 2012-77 du 24 janvier 2012 relative à Voies navigables de France

Vous souhaitez échanger ?

Notre équipe est à votre disposition et s’engage à vous répondre sous 24 à 48 heures.

07 45 89 90 90

Vous êtes avocat ?

Consultez notre offre éditoriale dédiée.

Dossiers

> La pratique de la saisie immobilière> Les axes de défense en matière de saisie immobilière

Formations professionnelles

> Catalogue> Programme

Poursuivre la lecture

fr_FRFR