Le cadre juridique des pratiques commerciales trompeuses
La commercialisation de produits financiers complexes est encadrée par un droit qui permet aux emprunteurs de contester les contrats conclus sur la base d’informations déformées. L’article L.121-1 du Code de la consommation constitue le fondement de cette protection en matière de pratiques commerciales trompeuses.
Ce dispositif présente une singularité : il peut être invoqué par des emprunteurs non-consommateurs, des collectivités territoriales ou des personnes morales, élargissant son champ d’application. Un jugement du Tribunal de commerce de Saint-Étienne du 13 décembre 2012 indique que « les dispositions relatives aux pratiques commerciales trompeuses peuvent être mobilisées pour contester la validité de prêts structurés, y compris ceux souscrits par des personnes morales. »
S’articule avec d’autres mécanismes protecteurs, comme le devoir de conseil du banquier ou les obligations d’information aux prestataires de services d’investissement. Elle présente l’avantage d’offrir un fondement autonome, aux sanctions plus dissuasives, incluant des sanctions pénales.
Les critères de qualification des pratiques trompeuses
La qualification d’une pratique commerciale repose sur plusieurs critères alternatifs en matière de produits financiers.
D’abord, l’omission d’informations substantielles nécessaires à la prise de décision éclairée de l’emprunteur est une pratique trompeuse. Dans un arrêt de la Cour d’appel de Lyon du 18 septembre 2013, les juges ont sanctionné un établissement bancaire pour avoir « occulté des informations essentielles sur les conditions d’évolution du produit et ses répercussions financières potentielles. »
Ensuite, la présentation déformée des caractéristiques essentielles du produit financier peut caractériser une pratique trompeuse. Les prêts structurés indexés sur des parités monétaires font l’objet d’une vigilance à cet égard.
Enfin, l’occultation des risques inhérents aux produits constitue un critère. La jurisprudence sanctionne les établissements qui minimisent ou passent sous silence les risques spécifiques liés aux produits financiers qu’ils proposent.
Le principe de cohérence de l’information commerciale
La réglementation exige une cohérence dans l’information fournie aux clients, principe consacré par la jurisprudence et le règlement général de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF).
L’article 314-11 du règlement général de l’AMF impose que la documentation publicitaire soit cohérente avec les documents contractuels. Ce principe permet aux investisseurs de contester les opérations présentées de manière séduisante dans la publicité, mais dont les risques apparaissent dans les documents techniques.
Cas : un établissement condamné pour avoir, selon la Cour d’appel de Lyon (18 septembre 2013), « choisi une présentation fondée pour l’essentiel sur le doublement du capital, tout en occultant le caractère et les conditions de l’aléa de performance. » Cette décision illustre l’application du principe de cohérence.
L’obligation de présenter les caractéristiques les moins favorables. Comme l’a confirmé la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 8 mars 2011, la responsabilité du prestataire est engagée s’il ne présente pas « les caractéristiques les moins favorables et les risques inhérents à l’opération. »
La sanction des pratiques commerciales trompeuses
Les sanctions encourues en cas de pratiques commerciales trompeuses sont diverses.
Sur le plan civil, l’emprunteur peut obtenir l’annulation du contrat pour vice du consentement et des dommages-intérêts réparant son préjudice. La jurisprudence tend à considérer que le préjudice correspond à la perte de chance d’avoir pu réaliser un investissement plus adapté ou moins risqué.
Les sanctions pénales sont dissuasives, l’article L.132-2 du Code de la consommation prévoyant des peines pouvant aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende pour les personnes physiques. Pour les personnes morales, le montant de l’amende peut être quintuplé.
Enfin, les autorités de régulation, comme l’AMF ou l’ACPR, peuvent prononcer des sanctions administratives en cas de manquement aux règles de bonne conduite. Ces sanctions, souvent médiatisées, ont un impact réputationnel pour les établissements concernés.
Les affaires emblématiques et leur portée
Des décisions de justice ont marqué le contentieux relatif aux pratiques commerciales trompeuses en matière financière.
Dans le domaine des fonds communs de placement (FCP), l’affaire jugée par la Cour d’appel de Lyon le 18 septembre 2013 est une référence. La Cour a reconnu coupable de pratique commerciale trompeuse un établissement de crédit qui, pour la commercialisation d’un FCP, avait mis en avant le doublement potentiel du capital sans expliciter clairement les conditions et risques associés.
Concernant les produits structurés et emprunts toxiques, le contentieux s’est développé depuis la crise financière. Le Tribunal de grande instance de Paris, dans une décision du 28 janvier 2014, a sanctionné une banque pour avoir présenté de manière trompeuse les risques liés à des swaps de taux proposés à une communauté urbaine.
La jurisprudence semble adopter une approche protectrice envers les emprunteurs, même envers ceux considérés comme « avertis ». Cette évolution traduit une prise de conscience des juges face à la complexité croissante des produits financiers et aux asymétries d’information entre établissements financiers et clients.
Des contentieux relatifs aux crédits immobiliers indexés sur des devises étrangères, dont les risques de change avaient été insuffisamment exposés aux emprunteurs. La Cour d’appel de Limoges, dans un arrêt du 9 décembre 2014, a considéré que l’établissement bancaire n’avait pas fourni une « information objective et suffisante pour alerter du risque pris. »
Sources
- « Responsabilité de la banque et ingénierie financière », JurisClasseur Commercial (2015)
- Décision de la Cour d’appel de Lyon du 18 septembre 2013
- Arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 8 mars 2011
- Arrêt de la Cour d’appel de Limoges du 9 décembre 2014
- Article L.121-1 du Code de la consommation
- Règlement général de l’Autorité des Marchés Financiers, article 314-11