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Prêts usuraires : sanctions et évolutions récentes de la réglementation

Table des matières

La pratique de taux excessifs expose les prêteurs à de lourdes sanctions. Le dispositif anti-usure se caractérise par sa double nature, pénale et civile. Ces dernières années, le législateur a assoupli certaines règles, notamment pour les crédits professionnels. Pour une compréhension complète de la notion de prêt usuraire, de son calcul et de l’ensemble de son cadre sanctionnateur, vous pouvez consulter notre article dédié. Cet article détaille les sanctions encourues et les évolutions majeures du cadre légal.

Les sanctions pénales en matière d’usure

La constitution du délit d’usure

Le délit d’usure est constitué dès que le taux effectif global (TEG) dépasse le seuil légal au moment de la conclusion du crédit. Les juges du fond doivent préciser ce taux et l’importance du dépassement par rapport au taux moyen de référence.

La Cour de cassation a qualifié l’usure de délit « objectif, voire mathématique ». L’élément intentionnel joue un rôle limité, souvent présumé. Le prêteur, surtout s’il est professionnel, ne peut invoquer son ignorance des seuils légaux régulièrement publiés au Journal officiel.

Depuis l’ordonnance du 1er septembre 2005, les agents de la DGCCRF disposent de pouvoirs d’enquête renforcés pour constater les comportements usuraires.

Les personnes visées et les peines encourues

L’article L. 341-50 du code de la consommation sanctionne non seulement le prêteur direct mais aussi quiconque « apporte à quelque titre et de quelque manière que ce soit, directement ou indirectement son concours à l’obtention ou à l’octroi d’un prêt usuraire ».

Cette rédaction englobe un maximum d’intervenants, comme les intermédiaires ou conseillers financiers. Chacun commet un délit distinct et peut être poursuivi indépendamment du prêteur principal.

Les peines prévues sont :

  • Deux ans d’emprisonnement
  • 300 000 € d’amende
  • Sanctions complémentaires possibles :
    • Publication de la décision dans la presse
    • Affichage
    • Fermeture provisoire ou définitive de l’entreprise

En cas de fermeture, le tribunal fixe la durée pendant laquelle le délinquant doit continuer à payer les salaires de son personnel, dans la limite de trois ans.

La prescription de l’action publique

L’article L. 341-51 du code de la consommation prévoit un régime particulier de prescription. Celle-ci court à compter du jour de la dernière perception d’intérêts ou de capital. Cette règle diffère du droit commun.

La Cour de cassation a précisé que le recouvrement de sommes en exécution d’une décision judiciaire ne peut être considéré comme une perception d’intérêts ou de capital au sens de cet article. Cette distinction est importante pour déterminer le point de départ du délai de prescription.

Les sanctions civiles applicables

Le principe de la réduction du taux excessif

La fixation d’intérêts usuraires n’entraîne pas l’annulation totale du contrat. Cette solution aurait été désavantageuse pour l’emprunteur, contraint de restituer immédiatement le montant du crédit.

Le législateur a opté pour une sanction plus mesurée : la réduction du taux excessif. L’article L. 341-48 du code de la consommation prévoit que les perceptions excessives sont imputées de plein droit sur les intérêts normaux alors échus et subsidiairement sur le capital de la créance.

Cette imputation s’opère dans l’ordre suivant :

  1. Sur les intérêts échus, non encore payés
  2. Sur les intérêts à échoir
  3. Si nécessaire, sur le capital restant dû

Si la créance est déjà éteinte en capital et intérêts, les sommes indûment perçues doivent être restituées avec intérêts légaux du jour de leur paiement.

L’harmonisation des sanctions par l’ordonnance du 17 juillet 2019

L’ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019 a harmonisé les sanctions civiles. Avant cette réforme, la sanction variait selon le type d’irrégularité :

  • Taux usuraire : réduction du taux
  • Absence de mention écrite du TEG : nullité de la clause d’intérêt et substitution du taux légal

Désormais, pour tout défaut de mention ou mention erronée du TEG, le prêteur peut être déchu du droit aux intérêts « dans la proportion fixée par le juge ». Cette nouvelle rédaction offre au tribunal un pouvoir d’appréciation qui tient compte notamment du préjudice subi par l’emprunteur.

La Cour de cassation a étendu cette solution aux contrats conclus avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance, dans un arrêt du 10 juin 2020. Elle y affirme qu’il convient « d’uniformiser le régime des sanctions » pour permettre au juge de prendre en considération la gravité du manquement et le préjudice subi.

Les évolutions récentes du cadre légal

Le déplafonnement de certains taux

La loi du 1er août 2003 relative à l’initiative économique a marqué un tournant dans la réglementation de l’usure. Son article 7 a exclu du champ d’application les prêts consentis aux personnes morales exerçant une activité économique.

La loi du 2 août 2005 a étendu cette exclusion aux personnes physiques agissant pour leurs besoins professionnels. Ces réformes visaient à faciliter l’accès au crédit, notamment pour les entreprises en création ou en difficulté.

Ce déplafonnement repose sur l’idée que le plafonnement des taux constituerait un frein à l’octroi de crédits risqués mais nécessaires. Les établissements financiers pourraient ainsi adapter leur tarification au risque réel que représente l’emprunteur.

L’exception des découverts en compte

Malgré ce mouvement de libéralisation, le législateur a maintenu un encadrement pour les découverts en compte, même professionnels. L’article L. 313-5-1 du code de la consommation continue de qualifier d’usuraire tout découvert dont le TEG excède de plus d’un tiers le taux effectif moyen.

Cette exception s’explique par la vulnérabilité particulière de l’entreprise confrontée à un besoin urgent de trésorerie. Le législateur a voulu éviter que les établissements de crédit n’exploitent cette situation de faiblesse en imposant des taux disproportionnés.

En cas de découvert usuraire, seules les sanctions civiles (restitution du trop-perçu) s’appliquent. Les sanctions pénales ont été supprimées pour cette catégorie, ce qui limite l’effet dissuasif du dispositif.

L’influence du droit européen

Le droit européen a significativement influencé notre réglementation. Deux décrets du 10 juin 2002 ont transposé une directive européenne introduisant la notion de taux annuel effectif global (TAEG).

Ce TAEG, basé sur une méthode de calcul dite « par équivalence », s’applique aux crédits à la consommation et aux crédits immobiliers. Contrairement au TEG classique calculé selon la méthode proportionnelle, le TAEG tient compte de la capitalisation des intérêts.

La directive sur le crédit à la consommation, transposée par la loi du 1er juillet 2010, a également introduit la notion de « taux débiteur ». Ce taux, distinct du TAEG, doit également figurer dans l’offre de crédit pour améliorer l’information de l’emprunteur.

Ces évolutions témoignent d’une tension entre deux objectifs : protéger l’emprunteur contre les abus et permettre un accès suffisant au crédit pour financer l’économie. Le législateur tente de concilier ces impératifs parfois contradictoires.

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La réglementation de l’usure reste complexe malgré les récentes simplifications. Sa bonne application requiert une analyse technique et juridique précise.

Notre cabinet peut vous accompagner, que vous soyez emprunteur confronté à des taux potentiellement abusifs ou prêteur soucieux de conformité. Contactez-nous pour une évaluation personnalisée de votre situation.

Sources

  • Code de la consommation, articles L. 314-1 à L. 314-9, L. 341-48 à L. 341-51
  • Loi n° 2003-721 du 1er août 2003 relative à l’initiative économique
  • Loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises
  • Ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019 relative aux sanctions civiles applicables en cas de défaut ou d’erreur du taux effectif global

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