On nous demande souvent quel est le montant minimum d’une saisie immobilière. Ce qui revient à demander s’il est possible de mettre en œuvre une procédure de saisie immobilière pour recouvrer une petite créance. Le texte ne fixe pas de montant plancher, et néanmoins certaines limitations existent. Peut-on saisir une maison pour une petite dette ?
La liberté de saisir
La saisie immobilière est certainement la procédure de recouvrement la plus dure pour le débiteur. Son déroulement, comme ses conséquences, peuvent être dramatiques. Compte tenu de cette dureté, on constate souvent l’idée qu’elle doit constituer un dernier recours.
A-t-on le droit de saisir et de vendre aux enchères d’un bien immobilier pour recouvrer une créance modique ?
Peut-on saisir une maison pour une petite dette ? La réponse à apporter à cette question se trouve dès les premières lignes du code des procédures civiles d’exécution. L’article L. 111-7 dispose, en effet, que :
Le créancier a le choix des mesures propres à assurer l’exécution ou la conservation de sa créance. L’exécution de ces mesures ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l’obligation.
Deux principes sont donc posés :
- La liberté du créancier, qui a le droit de mettre en œuvre la procédure de recouvrement de son choix,
- La proportionnalité dans la mise en œuvre du recouvrement.
La proportionnalité est appréciée à travers la notions d’abus de saisie. C’est une notion que nous avons déjà eu l’occasion d’aborder en matière de saisie-attribution.
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Pour autant, la saisie-attribution est une procédure moins grave que la saisie immobilière. Celle-ci fait donc l’objet d’un traitement spécifique.
L’abus de saisie
L’abus de saisie est abordé à l’article L. 121-2 du code des procédures civiles d’exécution :
Le juge de l’exécution a le pouvoir d’ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d’abus de saisie.
Ce texte, comme on le voit, ne définit pas la notion d’abus. Cela signifie qu’elle est laissée à l’appréciation du juge. La jurisprudence a néanmoins dégagé quelques grands principes.
Le premier, c’est qu’il appartient au débiteur de prouver l’abus (Civ. 2e, 15 mai 2014, n° 13-16.016). C’est logique : l’abus permet au débiteur d’obtenir la mainlevée de la saisie et / ou des dommages et intérêts.
Cela signifie qu’il a la qualité de demandeur lorsqu’il argumente sur ce terrain. Il doit, dès lors, se soumettre aux dispositions de l’article 9 du code de procédure civile :
Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Le deuxième, c’est qu’il n’y a abus que lorsque le créancier a commis une faute (Civ. 2e, 17 oct. 2013, n° 12-25.147). Cela signifie que la saisie immobilière n’est pas nécessairement abusive lorsqu’elle vise le recouvrement d’une petite créance.
Les critères de l’abus de saisie en matière de saisie immobilière
Quoi qu’il en soit, les cours d’appel dégagent aujourd’hui trois critères pour qualifier l’abus de saisie :
- La modicité de la somme en recouvrement,
- L’existence d’alternatives à la saisie immobilière,
- Le fait que la vente ne permette pas de rembourser le créancier poursuivant.
La cour d’appel d’Aix-en-Provence a dégagé ces critères dans un arrêt du 15 juin 2009 :
A l’exception des droits proportionnels de recouvrement ou d’encaissement qui peuvent être mis partiellement à la charge des créanciers dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat, les frais de l’exécution forcée sont à la charge du débiteur, sauf s’il est manifeste qu’ils n’étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés. Les contestations sont tranchées par le juge.
Ce texte nous indique que le débiteur doit payer les frais de l’exécution forcée. Ces frais correspondent aux dépenses qui ont dû être faites pour mettre en œuvre la saisie. Ces frais s’élevaient en l’occurrence à la somme de 2 897,82 €. Cela démontre, s’il était besoin, qu’il est tout à fait possible d’engager une saisie immobilière pour recouvrer une petite créance.
Le coût de la procédure
Cette jurisprudence peut, au premier abord, étonner. On rappelle toutefois que la procédure de saisie immobilière est longue et coûteuse à mettre en œuvre.
Le créancier doit d’abord obtenir un titre exécutoire (jugement, arrêt…). La procédure de saisie immobilière est donc précédée d’une autre procédure.
Le créancier doit faire signifier au débiteur un commandement de payer valant saisie. L’acte vise le titre exécutoire et rappelle au débiteur qu’il peut saisir la commission de surendettement.
Ce commandement est publié au fichier immobilier.
Un huissier de justice établit un procès verbal contenant la description de l’immeuble.
Une assignation à comparaître à l’audience d’orientation sera ensuite signifiée au débiteur. Cette assignation fixe le montant de la mise à prix.
L’avocat du créancier dépose alors le cahier des conditions de vente au greffe.
Ce dépôt permet de saisir le juge de l’exécution. Le débiteur peut alors demander au juge de bien vouloir autoriser la vente amiable.
Si les conditions de la vente amiable ne sont pas remplies, le juge va ordonner la vente aux enchères, à l’audience d’adjudication du tribunal judiciaire.
Ce processus est très coûteux. En effet, pour parvenir jusqu’à l’audience d’orientation, le créancier doit dépenser jusqu’à 3 000,00 €. S’il continue jusqu’à l’audience d’adjudication, 3 000,00 € supplémentaires seront dépensés.
Condamner le débiteur, qui par sa défaillance a exposé le créancier à ces contraintes, est donc logique et normal.