Les opérations commerciales basées sur des stratégies de prix et modalités de paiement avantageuses attirent efficacement la clientèle, mais comportent de nombreux pièges juridiques. Entre les promotions ponctuelles, les liquidations et les facilités de paiement comme le crédit, les professionnels naviguent dans un environnement fortement réglementé. Ces pratiques commerciales, encadrées par le Code de commerce et le Code de la consommation, exposent les commerçants à des sanctions importantes en cas de non-conformité. Notre cabinet constate régulièrement des erreurs coûteuses dans l’application de ces règlementations. Faire le point sur ces dispositifs s’avère donc essentiel pour tout professionnel souhaitant dynamiser ses ventes sans prendre de risques juridiques.
Les ventes avec réduction de prix hors soldes
Annonces de réduction de prix : règles de calcul et d’affichage
Les annonces de réduction de prix constituent un levier commercial puissant, mais elles sont strictement encadrées. Depuis l’ordonnance n°2021-1734 du 22 décembre 2021, toute annonce de réduction doit obligatoirement indiquer le prix antérieur que le professionnel a pratiqué. Ce prix de référence doit avoir été appliqué pendant au moins trente jours avant l’annonce de la réduction.
Pour les annonces de réduction successives sur un même produit, le prix antérieur doit rester identique à celui utilisé avant la première annonce. Cette règle vise à éviter les pratiques trompeuses consistant à gonfler artificiellement les prix de référence pour dramatiser les rabais.
Le non-respect de ces règles est considéré comme une pratique commerciale trompeuse, potentiellement sanctionnée par une amende pouvant atteindre 300 000 euros pour une personne physique. Elle peut même être portée à 10% du chiffre d’affaires moyen annuel calculé sur les trois derniers exercices.
Distinction entre promotion et pratique trompeuse
La frontière entre une promotion légale et une pratique commerciale trompeuse s’avère parfois ténue. Une annonce de réduction de prix est licite uniquement si elle ne constitue pas une pratique commerciale déloyale au sens de l’article L. 121-1 du Code de la consommation.
Une stratégie est considérée déloyale lorsqu’elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu’elle altère substantiellement le comportement économique du consommateur moyen. Par exemple, un commerçant qui afficherait une réduction de 50% sur un produit dont le prix aurait été artificiellement augmenté juste avant l’opération promotionnelle s’exposerait à des poursuites.
La loi n°2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage a d’ailleurs renforcé ce cadre en réputant trompeuses les pratiques commerciales qui donnent l’impression que le consommateur bénéficie d’une réduction comparable à celle des soldes en dehors des périodes légales.
Attention à la revente à perte
La réduction du prix ne doit pas conduire à une vente à perte, pratique prohibée par l’article L. 442-5 du Code de commerce. Un prix est considéré comme étant « à perte » lorsqu’il est inférieur au prix d’achat effectif.
Le prix d’achat effectif est le prix unitaire net figurant sur la facture d’achat, minoré des avantages financiers consentis par le vendeur (remises, ristournes) et majoré des taxes et du prix du transport.
Certaines exceptions permettent néanmoins de vendre à perte, notamment :
- Les ventes motivées par la cessation ou le changement d’activité commerciale
- Les produits saisonniers en fin de saison
- Les produits démodés ou techniquement dépassés
- Les produits soldés
Le non-respect de l’interdiction de revente à perte est sanctionné par une amende pénale pouvant atteindre 75 000 euros, voire la moitié des dépenses publicitaires en cas d’annonce mentionnant un prix inférieur au prix d’achat effectif.
La liquidation : une vente exceptionnelle soumise à conditions strictes
Définition et motifs légaux de liquidation (cessation, suspension, changement d’activité)
La liquidation constitue un régime particulier de vente encadré par l’article L. 310-1 du Code de commerce. Elle se définit comme une vente accompagnée de publicité qui vise, par une réduction de prix, à écouler rapidement tout ou partie des marchandises d’un établissement commercial suite à une décision exceptionnelle.
Quatre motifs légaux peuvent justifier une liquidation :
- La cessation définitive d’activité (départ en retraite, vente du fonds…)
- La suspension saisonnière d’activité (fermeture effective pendant au moins cinq mois)
- Le changement d’activité au sein de l’établissement
- La modification substantielle des conditions d’exploitation (transfert ou transformation du local, travaux importants, changement d’enseigne…)
Ces situations doivent être réelles et sérieuses. Un simple prétexte pour organiser une vente promotionnelle constituerait une fraude à la loi.
Procédure de déclaration préalable en mairie
Autrefois soumise à autorisation préfectorale, la liquidation nécessite désormais une simple déclaration préalable auprès du maire de la commune où se déroulera l’opération. Cette déclaration, indispensable, doit être effectuée par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise directe.
Le délai de déclaration est normalement de deux mois avant la date prévue pour le début de la vente. Toutefois, ce délai est réduit à cinq jours lorsque le motif invoqué résulte d’un fait imprévisible de nature à interrompre le fonctionnement de l’établissement, comme une liquidation judiciaire ou un sinistre grave.
La déclaration doit préciser :
- L’identité du vendeur
- La cause et la durée de la liquidation
- L’inventaire détaillé des marchandises concernées
Le maire délivre alors un récépissé de déclaration dans un délai maximum de quinze jours. Aucune liquidation ne peut débuter avant l’obtention de ce document officiel.
Durée limitée et marchandises concernées
La liquidation ne peut excéder deux mois, réduits à quinze jours dans le cas d’une suspension saisonnière d’activité. Cette période limitée reflète le caractère exceptionnel de l’opération.
Seules les marchandises inscrites dans l’inventaire joint à la déclaration peuvent être liquidées. Pendant toute la durée de l’opération, il est formellement interdit de proposer d’autres produits que ceux figurant sur cet inventaire. Le réapprovisionnement en cours de liquidation est donc exclu.
Cette restriction traduit la nature même de la liquidation : il s’agit d’écouler un stock existant, non de créer une opération promotionnelle déguisée. Elle différencie fondamentalement la liquidation des soldes ou des simples promotions.
Affichage obligatoire et sanctions
Le récépissé de déclaration doit être affiché de manière visible sur le lieu de vente pendant toute la durée de la liquidation. De plus, toute publicité relative à l’opération doit mentionner :
- La date de délivrance du récépissé
- La nature des marchandises liquidées
- Toute autre information requise par arrêté ministériel
Le non-respect des règles relatives aux liquidations est sévèrement sanctionné. L’article L. 310-5 du Code de commerce prévoit une amende de 15 000 euros pour toute personne procédant à une liquidation sans déclaration préalable ou en méconnaissance des conditions déclarées. Depuis la loi du 24 janvier 2023, une amende forfaitaire peut être appliquée pour éteindre l’action publique, fixée à 200 euros pour une personne physique et 1 000 euros pour une personne morale.
La publicité mensongère ou trompeuse relative à une liquidation non déclarée est également interdite et passible d’une amende administrative pouvant atteindre 15 000 euros pour une personne physique et 75 000 euros pour une personne morale.
La vente à crédit : un cadre protecteur pour le consommateur
Champ d’application du crédit à la consommation
La vente à crédit constitue une technique commerciale permettant d’étaler le paiement dans le temps. Elle est strictement encadrée par le Code de la consommation, particulièrement aux articles L. 312-1 et suivants.
Le crédit à la consommation concerne les opérations de crédit dont le montant est compris entre 200 et 75 000 euros. Il englobe les prêts d’argent classiques, mais aussi les achats à paiement différé, la location-vente et la location avec option d’achat.
La réglementation vise à protéger le consommateur contre le risque d’endettement excessif tout en garantissant sa liberté de choix. Le professionnel est tenu à des obligations renforcées, tant au stade précontractuel que durant l’exécution du contrat.
Obligations d’information précontractuelle (FIPEN)
Avant toute signature, le prêteur doit fournir au consommateur une information précontractuelle complète. L’article L. 312-12 du Code de la consommation impose la remise d’une Fiche d’Information Précontractuelle Européenne Normalisée (FIPEN).
Cette fiche doit indiquer :
- Le taux débiteur fixe ou variable et les conditions d’application
- Le montant total du crédit et les modalités de mise à disposition
- La durée du contrat
- Le montant, le nombre et la périodicité des échéances
- Le Taux Annuel Effectif Global (TAEG) incluant tous les frais
- Le coût total du crédit
L’article L. 312-5 du Code de la consommation impose également l’inclusion d’un avertissement explicite dans toute publicité : « Un crédit vous engage et doit être remboursé. Vérifiez vos capacités de remboursement avant de vous engager. »
Le non-respect de ces obligations d’information est passible d’une amende administrative de 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale.
Le délai de rétractation
La protection du consommateur repose principalement sur le droit de rétractation. L’article L. 312-19 du Code de la consommation accorde au consommateur un délai de quatorze jours calendaires révolus à compter de l’acceptation de l’offre pour revenir sur son engagement, sans justification ni pénalité.
Pour faciliter l’exercice de ce droit, un formulaire détachable doit être joint à l’offre de crédit. Le consommateur peut toutefois utiliser tout autre moyen prouvant sa volonté de se rétracter.
Par ailleurs, l’article L. 312-25 interdit pendant les sept premiers jours suivant l’acceptation du contrat tout paiement du prêteur vers l’emprunteur ou inversement. Cette règle empêche les versements prématurés et renforce l’effectivité du droit de rétractation.
Le professionnel qui ne respecterait pas ces dispositions s’expose à une amende de 300 000 euros, selon l’article L. 341-12 du Code de la consommation.
Conséquences en cas de non-respect par le vendeur/prêteur
Les sanctions en cas de non-respect de la réglementation sur le crédit à la consommation sont sévères et variées :
- La nullité du contrat peut être prononcée en cas de manquement aux mentions obligatoires ou aux conditions formelles d’établissement de l’offre.
- Le juge peut écarter l’application des intérêts conventionnels et y substituer l’intérêt légal, voire prononcer la déchéance du droit aux intérêts pour le prêteur.
- En cas de retard dans le remboursement du consommateur qui s’est rétracté, l’article L. 242-4 du Code de la consommation prévoit des majorations progressives du taux d’intérêt légal pouvant atteindre 50% pour un retard de 60 à 90 jours.
- Pour les crédits affectés (finançant un achat précis), l’indivisibilité entre le contrat principal et le contrat de crédit est strictement appliquée. Comme le prévoit l’article L. 312-55 du Code de la consommation, la résolution judiciaire du contrat principal entraîne de plein droit l’annulation du contrat de crédit.
Le respect de ces règles s’impose tant au vendeur proposant un financement qu’à l’établissement de crédit partenaire, la jurisprudence considérant qu’ils sont solidairement responsables envers le consommateur.
Ventes liées et offres conjointes : ce qui est permis
Le principe d’interdiction des ventes liées et ses exceptions
Les ventes liées (ou subordonnées) consistent à obliger un consommateur qui souhaite acquérir un produit ou service à acheter simultanément un autre produit ou service, ou encore une quantité imposée.
L’article L. 121-11 du Code de la consommation interdit ces pratiques lorsqu’elles constituent une pratique commerciale déloyale au sens de l’article L. 121-1. C’est-à-dire lorsqu’elles sont « contraires aux exigences de la diligence professionnelle » et qu’elles « altèrent ou sont susceptibles d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur ».
La Cour de Justice de l’Union Européenne a jugé qu’une interdiction générale et absolue des ventes liées serait contraire au droit européen (CJUE 23 avril 2009). Ainsi, la vente liée n’est interdite que si elle est déloyale.
Certaines exceptions sont explicitement prévues, notamment pour les services d’assurance. L’article L. 121-11, alinéa 3, précise qu’il est interdit de subordonner la vente d’un bien ou la fourniture d’un service à la conclusion d’un contrat d’assurance accessoire sans permettre au consommateur d’acheter le bien ou d’obtenir le service séparément.
Distinction avec les offres conjointes (lots)
Les offres conjointes ou ventes par lots diffèrent des ventes liées en ce qu’elles proposent ensemble plusieurs produits ou services, mais sans caractère obligatoire. Le consommateur conserve généralement la possibilité d’acheter les éléments séparément.
Longtemps réglementées, les ventes par lots bénéficient aujourd’hui d’un régime plus souple. Elles sont autorisées lorsqu’elles :
- Résultent d’un usage constant du commerce
- Sont effectuées dans l’intérêt du consommateur
- N’altèrent pas substantiellement son comportement économique
Pour qu’une vente par lots soit légale, le professionnel doit afficher clairement :
- Le prix et la composition du lot
- Le prix de chaque produit composant le lot s’ils sont disponibles à l’unité
Cette transparence permet au consommateur de comparer effectivement le prix du lot avec celui des éléments achetés séparément, évitant ainsi toute confusion.
La jurisprudence distingue également le lot comme unité de vente (des produits formant un ensemble cohérent et indissociable) et le lot promotionnel (association temporaire de produits habituellement vendus séparément).
Sécuriser ses opérations commerciales basées sur le prix
Audit des pratiques promotionnelles
Pour éviter les risques juridiques liés aux opérations commerciales basées sur le prix, un audit préalable des pratiques promotionnelles s’avère indispensable. Cette démarche préventive permet d’identifier et corriger les non-conformités avant qu’elles ne soient sanctionnées.
L’audit doit porter sur :
- La conformité des prix de référence utilisés (justification du prix antérieur)
- Le respect des périodes légales pour certaines opérations (soldes, liquidations)
- L’exactitude et la clarté des annonces de réduction
- La vérification des seuils de revente à perte
- La conformité des offres de crédit proposées
L’examen des supports publicitaires et des modalités pratiques de mise en œuvre constitue également un point crucial. Il convient de s’assurer que les messages promotionnels ne risquent pas d’être qualifiés de pratiques commerciales trompeuses.
En matière de vente à crédit, une attention particulière doit être portée au respect des obligations précontractuelles et à la correcte mise en œuvre du droit de rétractation du consommateur.
Rédaction de mentions légales claires
La sécurisation juridique des opérations commerciales passe également par la rédaction de mentions légales claires et complètes. Ces mentions doivent figurer sur tous les supports promotionnels et contractuels.
Pour les réductions de prix, les mentions doivent préciser :
- La nature et le montant de la réduction (en pourcentage ou valeur absolue)
- La période exacte de validité de l’offre
- Les produits ou services concernés
- Les éventuelles conditions ou restrictions applicables
Pour les liquidations, les supports publicitaires doivent obligatoirement mentionner la date du récépissé de déclaration et la nature des marchandises liquidées.
Les offres de crédit à la consommation nécessitent quant à elles des mentions standardisées et réglementées incluant :
- La mention « Un crédit vous engage et doit être remboursé »
- Le taux débiteur fixe ou variable
- Le montant total du crédit
- Le TAEG (Taux Annuel Effectif Global)
- La durée du contrat
- Le montant des mensualités
Ces mentions, loin d’être de simples formalités, constituent des éléments déterminants pour apprécier la loyauté de la pratique commerciale et peuvent faire toute la différence en cas de contentieux.
Les opérations commerciales basées sur le prix représentent un enjeu stratégique pour les entreprises, mais leur mise en œuvre requiert une connaissance fine et actualisée de la réglementation. Les risques encourus en cas de non-conformité justifient pleinement un accompagnement juridique personnalisé. Notre cabinet vous propose d’analyser vos projets promotionnels et de vous conseiller sur leur sécurisation. Pour toute question concernant vos stratégies commerciales ou pour une vue d’ensemble des ventes réglementées, n’hésitez pas à nous contacter.
Sources
- Code de commerce : articles L. 310-1 à L. 310-7 (liquidations), L. 442-5 (revente à perte)
- Code de la consommation : articles L. 121-1 et suivants (pratiques commerciales déloyales), L. 121-11 (ventes liées), L. 312-1 à L. 312-94 (crédit à la consommation)
- Ordonnance n°2021-1734 du 22 décembre 2021 relative aux annonces de réduction de prix
- Loi n°2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire
- Arrêté du 11 mars 2015 relatif aux annonces de réduction de prix à l’égard du consommateur