Vibrant abstract pattern of illuminated red LED lights forming a dynamic design.

Propriétaire d’un bien hypothéqué : quels sont vos droits et obligations ?

Table des matières

Être propriétaire d’un bien immobilier sur lequel pèse une hypothèque est une situation courante, que vous ayez vous-même contracté un prêt garanti par ce bien, ou que vous ayez acquis un immeuble déjà grevé d’une telle charge. Si l’hypothèque ne vous dépossède pas de votre bien, elle instaure un cadre juridique spécifique. Vous conservez des droits essentiels, mais vous êtes aussi tenu par certaines obligations vis-à-vis du créancier dont la créance est ainsi sécurisée. Que pouvez-vous faire de votre propriété ? Quelles sont les limites à ne pas franchir ? Et que se passe-t-il si vous êtes le nouvel acquéreur (« tiers détenteur ») et que le créancier du précédent propriétaire vient frapper à votre porte ?

Cet article a pour objectif de clarifier votre situation en tant que propriétaire d’un bien hypothéqué. Nous allons détailler les droits que vous conservez sur votre immeuble, les obligations qui vous incombent pour ne pas porter préjudice au créancier, et la position particulière de celui qui acquiert un bien déjà hypothéqué.

Les droits conservés par le propriétaire (constituant)

Contrairement à d’autres formes de garanties comme le gage qui peut impliquer une dépossession, l’hypothèque laisse le propriétaire en pleine possession de son bien. Vous continuez d’exercer les attributs fondamentaux du droit de propriété.

Vous conservez d’abord le droit d’user de votre bien comme bon vous semble : y habiter, y exercer votre activité professionnelle, etc., dans le respect bien sûr des règles d’urbanisme et de copropriété éventuelles.

Vous conservez également le droit de percevoir les fruits de votre immeuble. Cela signifie que vous pouvez encaisser les loyers si le bien est loué, ou récolter les produits agricoles s’il s’agit d’un terrain exploité. Ces revenus vous appartiennent tant que le créancier n’a pas mis en œuvre de procédure de saisie.

Enfin, vous gardez en principe le droit de disposer de votre bien. Vous pouvez donc le vendre, le donner, l’échanger, ou même le grever de nouvelles hypothèques. Cependant, ce droit de disposition est fortement nuancé par les droits du créancier hypothécaire. Si vous vendez le bien, l’hypothèque (si elle est inscrite) le suivra entre les mains du nouvel acquéreur (c’est le « droit de suite » que nous avons abordé précédemment). De même, si vous constituez de nouvelles hypothèques, elles prendront rang après celles déjà inscrites, leur conférant une priorité moindre. Il est néanmoins possible, sous certaines conditions, de libérer le bien de cette charge.

En résumé, tant que la dette est régulièrement payée, l’hypothèque reste une charge « dormante » qui n’entrave que marginalement votre jouissance et votre gestion de propriétaire.

Les limites imposées pour protéger le créancier

Si vous restez maître chez vous, l’existence de l’hypothèque vous impose une obligation essentielle : ne pas diminuer la valeur du bien qui sert de garantie au créancier. Agir de manière à déprécier l’immeuble hypothéqué pourrait avoir des conséquences sérieuses.

Il vous est interdit de poser des actes matériels qui porteraient atteinte à la substance même du bien ou réduiraient significativement sa valeur. Pensez par exemple à la démolition d’une partie des bâtiments sans reconstruction équivalente, à des travaux de transformation hasardeux qui fragiliseraient la structure, ou à une exploitation abusive des ressources (comme une coupe rase non justifiée d’une forêt hypothéquée). Le créancier dont la garantie serait ainsi compromise pourrait agir en justice pour faire cesser ces agissements et demander réparation.

Une conséquence potentiellement redoutable de la diminution de la valeur de la garantie est la déchéance du terme. Si, par votre fait ou votre négligence, la valeur de l’immeuble ne couvre plus suffisamment la dette garantie, le créancier pourrait, si le contrat de prêt le prévoit (ce qui est fréquent), exiger le remboursement immédiat de la totalité du capital restant dû, conformément à l’article 1305-4 du Code civil. Imaginez devoir rembourser l’intégralité de votre prêt immobilier d’un coup suite à des travaux malheureux ou à un défaut d’entretien grave : c’est un risque à ne pas négliger.

Vos actes juridiques peuvent aussi être limités. C’est le cas notamment pour les baux de longue durée que vous pourriez consentir sur l’immeuble. Un bail d’une durée supérieure à douze ans doit, pour être pleinement opposable aux tiers (et donc au créancier hypothécaire antérieur), être publié au Service de la Publicité Foncière. Si vous accordez un tel bail après l’inscription de l’hypothèque, et sans le publier, le créancier hypothécaire ne sera pas tenu de le respecter pour toute sa durée en cas de saisie et de vente du bien ; le bail pourrait être réduit aux douze premières années, voire moins selon les circonstances (conformément à l’article 28 du décret du 4 janvier 1955).

En somme, être propriétaire d’un bien hypothéqué implique une gestion « en bon père de famille », en veillant à préserver la valeur de l’actif qui sécurise la créance de votre prêteur.

La situation particulière du « tiers détenteur » (acquéreur d’un bien hypothéqué)

Que se passe-t-il si vous achetez un bien immobilier (maison, appartement, local…) et découvrez qu’il est grevé d’une ou plusieurs hypothèques inscrites par les créanciers du précédent propriétaire ? Vous devenez alors ce que le droit appelle un « tiers détenteur ».

Le tiers détenteur est celui qui détient l’immeuble hypothéqué sans être personnellement obligé de rembourser la dette initiale garantie par cette hypothèque. Vous avez acheté le bien, vous n’avez pas repris la dette du vendeur. Néanmoins, comme nous l’avons vu (Article 3), vous êtes exposé au droit de suite du créancier hypothécaire inscrit (article 2454 du Code civil). Celui-ci peut venir vous réclamer le paiement ou engager une saisie sur le bien que vous venez d’acquérir.

Face à cette situation potentiellement inconfortable, la loi vous offre plusieurs options lorsque le créancier vous adresse la fameuse sommation de payer ou de délaisser (prévue à l’article 2456 du Code civil) :

  1. Payer la dette : C’est l’option la plus simple pour éviter la saisie. Vous payez ce que le vendeur devait au créancier hypothécaire. Bien sûr, vous disposez ensuite d’un recours contre votre vendeur pour vous faire rembourser cette somme que vous avez payée à sa place.
  2. Purger l’hypothèque : La procédure de purge (articles 2462 et suivants du Code civil) est un mécanisme spécifique permettant à l’acquéreur de « nettoyer » l’immeuble des hypothèques inscrites par les créanciers du vendeur. En simplifiant, vous notifiez officiellement à tous les créanciers inscrits le prix que vous avez payé (ou la valeur estimée du bien si vous l’avez reçu par donation ou legs). Les créanciers ont alors un délai (quarante jours) pour accepter ce prix ou pour demander une mise aux enchères publiques (« surenchère ») s’ils estiment le prix insuffisant. Si personne ne surenchérit, le prix est fixé, vous le payez (ou le consignez), et l’immeuble est libéré des hypothèques. La loi a également consacré une forme de « purge amiable » (article 2463 du Code civil) où un accord est trouvé avec les créanciers pour affecter le prix à leur paiement, éteignant ainsi leur droit de suite.
  3. Subir l’expropriation : Vous pouvez choisir de ne rien faire et de laisser le créancier poursuivre la saisie immobilière et la vente aux enchères du bien que vous détenez. Vous perdrez alors la propriété du bien.
  4. Opposer des exceptions : Dans certains cas, vous pouvez contester l’action du créancier. L’exception la plus notable est l’exception de discussion (article 2455 du Code civil) : si le débiteur initial (votre vendeur) possède encore d’autres biens immobiliers qui sont également hypothéqués pour la même dette, vous pouvez exiger que le créancier saisisse ces autres biens en priorité avant de s’en prendre à celui que vous avez acquis. Vous pouvez aussi opposer la nullité de l’hypothèque, l’extinction de la dette, ou encore, plus rarement, une exception de garantie si, par une situation particulière, le créancier qui vous poursuit est aussi celui qui vous doit une garantie contre l’éviction (par exemple, s’il est l’héritier de votre vendeur).

Le choix entre ces options dépendra de votre situation financière, du montant de la dette garantie par rapport au prix d’achat, et de la valeur des autres biens éventuels du débiteur.

Les droits du tiers détenteur en cas d’expropriation

Si vous, en tant que tiers détenteur, finissez par subir la saisie et la vente forcée de l’immeuble, vous n’êtes pas totalement démuni.

Vous avez droit au remboursement des impenses. L’article 2457 du Code civil prévoit que vous pouvez récupérer, sur le prix de vente, les dépenses que vous avez engagées pour la conservation nécessaire de l’immeuble, ainsi que celles qui ont augmenté sa valeur (améliorations utiles), mais seulement à concurrence de la plus-value constatée au moment de la vente. Si vous avez fait des travaux qui ont objectivement valorisé le bien, vous ne perdez pas totalement cet investissement.

De plus, et c’est fondamental, vous conservez un recours contre votre vendeur. En vertu de la garantie d’éviction (articles 1626 et suivants du Code civil), celui qui vous a vendu le bien vous doit protection contre les troubles de droit émanant de tiers, ce qui inclut l’action d’un créancier hypothécaire antérieur. Vous pourrez donc lui réclamer non seulement le remboursement du prix payé, mais aussi des dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de cette éviction.

La situation de propriétaire d’un bien hypothéqué, et plus encore celle de tiers détenteur, soulève des questions juridiques complexes et implique des choix stratégiques importants. Une bonne compréhension de vos droits et obligations est essentielle. Si vous êtes dans cette situation ou envisagez d’acquérir un bien potentiellement grevé, un conseil juridique avisé peut vous aider à naviguer ces complexités et à protéger au mieux votre patrimoine. N’hésitez pas à contacter notre cabinet pour discuter de votre cas spécifique.

Sources

  • Code civil (notamment articles 1305-4, 1626 et suivants, 2454, 2455, 2456, 2457, 2462 et suivants)
  • Décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière (notamment article 28)

Vous souhaitez échanger ?

Notre équipe est à votre disposition et s’engage à vous répondre sous 24 à 48 heures.

07 45 89 90 90

Vous êtes avocat ?

Consultez notre offre éditoriale dédiée.

Dossiers

> La pratique de la saisie immobilière> Les axes de défense en matière de saisie immobilière

Formations professionnelles

> Catalogue> Programme

Poursuivre la lecture

fr_FRFR