La saisie-vente constitue une procédure permettant à un créancier muni d’un titre exécutoire de faire vendre les biens mobiliers corporels de son débiteur pour se faire payer sur le prix. Cette mesure d’exécution forcée, prévue aux articles L. 221-1 et suivants du Code des procédures civiles d’exécution (CPC exéc.), soulève une question essentielle : quels biens peuvent concrètement être saisis ?
Les meubles corporels saisissables
Définition et classification
L’article L. 221-1 du CPC exéc. précise que la saisie-vente ne peut porter que sur les biens meubles corporels appartenant au débiteur. Cette procédure vise donc uniquement les choses mobiles par leur nature. Le Code civil distingue deux catégories :
- Les biens qui peuvent se mouvoir eux-mêmes (comme les animaux)
- Les biens qui ne peuvent changer de place que par l’effet d’une force étrangère (tableaux, bijoux, mobilier)
Attention aux titres au porteur qui, bien qu’incorporant une créance, peuvent être traités comme des meubles corporels puisqu’il y a matérialisation de la créance dans le titre qui la constate.
La Cour de cassation a précisé qu’une saisie-vente des parts d’associés d’un notaire dans une SCP était irrégulière car incompatible avec l’agrément préalable du cessionnaire par le garde des Sceaux (Cass. 1re civ., 4 nov. 2003, n° 99-13.965).
Cas des sommes en espèces
L’article R. 221-20 du CPC exéc. autorise l’huissier à saisir les espèces trouvées au domicile du débiteur. Ces sommes sont immédiatement consignées entre ses mains. L’acte de saisie mentionne cette consignation et indique au débiteur qu’il dispose d’un délai d’un mois pour contester.
Si le débiteur conteste, le juge peut ordonner la consignation des sommes auprès de la Caisse des dépôts, leur restitution ou leur versement au créancier. Sans contestation dans le délai d’un mois, les sommes sont versées au créancier.
Cas des meubles par anticipation
Les fruits non encore détachés du sol peuvent être saisis par anticipation, car bien qu’immobiliers par nature, ils sont destinés à devenir mobiliers. Cette « saisie des récoltes sur pied » (articles R. 221-57 à R. 221-61 du CPC exéc.) permet au créancier de faire mettre sous main de justice les récoltes encore attachées à la terre pour les conserver jusqu’à leur maturité avant de les vendre.
Les limites à la saisissabilité
Biens insaisissables par nature
Certains biens échappent à toute saisie en vertu de dispositions législatives. D’abord, les biens appartenant aux personnes morales de droit public bénéficient d’une immunité d’exécution, qu’ils relèvent du domaine public ou privé (art. L. 111-1, al. 3 CPC exéc.).
Pour les États étrangers, la loi Sapin 2 a clarifié leur protection tout en préservant l’exécution des décisions de justice lorsque les biens ne sont pas protégés par des immunités. L’article L. 111-1-2 du CPC exéc. prévoit qu’un juge ne peut autoriser une mesure d’exécution forcée que si l’une des trois conditions suivantes est remplie :
- L’État concerné a expressément consenti à l’application de la mesure
- L’État a réservé le bien à la satisfaction de la demande
- Le bien est utilisé autrement qu’à des fins de service public non commerciales
Il convient également de noter que la saisissabilité des biens peut être affectée par le déclenchement de procédures collectives ou de surendettement, entraînant la suspension des poursuites individuelles.
Biens insaisissables pour des raisons sociales ou humanitaires
L’article L. 112-2 du CPC exéc. énumère les biens qui ne peuvent être saisis, notamment :
- Les biens nécessaires à la vie et au travail du débiteur et de sa famille
- Les objets indispensables aux personnes handicapées
- Les biens destinés aux soins des personnes malades
L’article R. 112-2 du même code précise cette liste en incluant, entre autres, le mobilier nécessaire à la vie quotidienne, les vêtements, la literie, les équipements nécessaires à la préparation des repas, etc.
L’insaisissabilité relative (conditions)
D’autres biens présentent une insaisissabilité relative. Ils sont en principe insaisissables mais peuvent être saisis dans certaines conditions :
- Pour le paiement de leur prix
- S’ils se trouvent dans un lieu autre que celui où le saisi demeure habituellement
- S’ils sont de valeur en raison de leur importance, matière, rareté ou caractère luxueux
C’est notamment le cas du véhicule automobile utilisé pour l’activité professionnelle. La jurisprudence considère qu’il n’est insaisissable que s’il présente « un caractère indispensable et limité à la seule activité du saisi » (CA Pau, 18 juin 2003, n° 03/01238).
La Cour de cassation a ainsi jugé que le véhicule permettant à un médecin de se rendre à son cabinet n’était pas un instrument de travail nécessaire à l’exercice personnel de son activité professionnelle (Cass. 2e civ., 15 déc. 2005, n° 04-14.600).
Le cas particulier des meubles indivis
Les règles applicables aux biens indivis sont différentes selon que les créanciers poursuivent l’indivision elle-même ou l’un des coindivisaires.
L’article 815-17 du Code civil reconnaît aux créanciers de l’indivision le droit de se payer par prélèvement sur l’actif avant le partage et de poursuivre la saisie et la vente des biens indivis.
En revanche, pour les créanciers personnels d’un indivisaire, le même article prévoit l’insaisissabilité de la part indivise. Ces créanciers ne peuvent que provoquer le partage au nom de leur débiteur ou intervenir dans le partage provoqué par lui.
La Cour de cassation a confirmé que l’absence de revendication n’opère pas de transfert de propriété dans le patrimoine du débiteur et n’interdit pas au tiers, qui se prétend propriétaire d’un bien saisi, d’en demander la distraction (Cass. com., 26 nov. 2002, n° 01-03.980).
Le statut de l’EIRL et la création d’un patrimoine affecté
La loi n° 2010-658 du 15 juin 2010 a créé le statut d’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL), permettant à l’entrepreneur de protéger son patrimoine personnel en créant un patrimoine affecté à son activité professionnelle.
Selon l’article L. 526-12 du Code de commerce, les créanciers professionnels de l’EIRL ne peuvent saisir que le patrimoine affecté, tandis que les créanciers personnels n’ont pour gage que le patrimoine non affecté.
La déclaration d’affectation est opposable de plein droit aux créanciers dont les droits sont nés postérieurement à son dépôt. Toutefois, en cas de fraude ou de manquement grave aux règles de constitution du patrimoine affecté ou de comptabilité, l’EIRL pourra être poursuivi sur la totalité de ses biens (C. com., art. L. 526-12, al. 7).
Depuis le 24 mai 2019, toute personne physique souhaitant exercer une activité professionnelle en nom propre doit déclarer, lors de la création de l’entreprise, si elle souhaite exercer en tant qu’entrepreneur individuel ou sous le régime de l’EIRL.
Face à la complexité des règles encadrant la saisie-vente et la saisissabilité des biens, qu’il s’agisse de procéder à une saisie ou de la contester, l’assistance d’un avocat spécialisé est primordiale pour naviguer efficacement ces procédures et sécuriser vos droits.
Sources
- Code des procédures civiles d’exécution, articles L. 221-1 à L. 221-6 et R. 221-1 à R. 221-61
- Code civil, articles 527 et suivants, 815-17, 1538, 2276, 2277, 2284, 2285
- Code de commerce, articles L. 526-6 à L. 526-12 (statut de l’EIRL)
- Cass. 1re civ., 4 nov. 2003, n° 99-13.965
- Cass. 2e civ., 15 déc. 2005, n° 04-14.600
- Cass. com., 26 nov. 2002, n° 01-03.980
- CA Pau, 18 juin 2003, n° 03/01238
- Loi n° 2010-658 du 15 juin 2010 relative à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée
- Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises
- Ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés