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Qui sont les acteurs clés des procédures collectives en France ?

Table des matières

Lorsqu’une entreprise traverse des difficultés financières importantes, le droit français prévoit des mécanismes spécifiques pour tenter de la sauver ou, si ce n’est pas possible, organiser la fin de son activité de manière ordonnée. Ces procédures, connues sous les noms de sauvegarde, redressement judiciaire ou liquidation judiciaire, peuvent sembler complexes et intimidantes. Elles mobilisent une série d’intervenants aux rôles bien définis. Pour un dirigeant d’entreprise, un créancier ou même un salarié, comprendre qui fait quoi est une première étape essentielle pour naviguer dans cet environnement juridique particulier.

Cet article a pour objectif de démystifier le paysage des procédures collectives en présentant les principaux acteurs que vous pourriez rencontrer : les organes judiciaires qui encadrent la procédure, les professionnels spécialisés désignés par la justice (les mandataires de justice), ainsi que d’autres intervenants représentant des intérêts spécifiques, comme ceux des salariés ou des créanciers. Identifier ces différents interlocuteurs et leurs missions respectives vous aidera à mieux appréhender le déroulement de ces procédures.

Les organes judiciaires : le cadre de la procédure

Au cœur du dispositif se trouvent les institutions judiciaires. Elles prennent les décisions majeures, supervisent le bon déroulement des opérations et veillent au respect des règles légales.

Le Tribunal de Commerce (ou Tribunal Judiciaire) : le décideur

C’est la juridiction qui détient le pouvoir décisionnel principal. Selon la nature de l’activité du débiteur, il s’agira :

  • Du Tribunal de Commerce si l’entreprise exerce une activité commerciale ou artisanale. C’est le cas le plus fréquent pour les sociétés commerciales, les commerçants et les artisans.
  • Du Tribunal Judiciaire (anciennement Tribunal de Grande Instance) dans les autres cas, notamment pour les professions libérales, les agriculteurs ou les associations.

Le tribunal compétent est généralement celui dans le ressort duquel se trouve le siège social de l’entreprise (ou l’adresse principale de l’activité pour une personne physique). Pour les très grandes entreprises ou les affaires ayant une dimension européenne, des tribunaux de commerce dits « spécialisés » peuvent être compétents (C. com., art. L. 721-8).

Quel est son rôle concret ? Le tribunal est la pierre angulaire de la procédure. C’est lui qui :

  • Ouvre la procédure : Il décide s’il y a lieu d’ouvrir une sauvegarde, un redressement ou une liquidation judiciaire, après examen de la situation.
  • Prend les décisions structurantes : Il arrête les plans de sauvegarde ou de redressement, valide les plans de cession de l’entreprise, prononce la conversion d’une procédure en une autre (par exemple, d’un redressement en liquidation), ou ordonne la clôture de la procédure.
  • Nomme les principaux intervenants : Il désigne le juge-commissaire, l’administrateur judiciaire (quand il y en a un), le mandataire judiciaire ou le liquidateur.

Sa fonction est donc centrale : il donne l’impulsion initiale, fixe le cap et tranche les questions fondamentales pour l’avenir de l’entreprise et le sort de ses créanciers.

Le Juge-Commissaire : le superviseur au quotidien

Une fois la procédure ouverte, le tribunal désigne en son sein un juge spécifique : le juge-commissaire. Son rôle est crucial et très concret, agissant comme le véritable chef d’orchestre de la procédure au jour le jour. L’article L. 621-9 du Code de commerce lui confie la mission de veiller au déroulement rapide de la procédure et à la protection des intérêts en présence.

Concrètement, le juge-commissaire :

  • Surveille et contrôle : Il suit de près l’évolution de la situation de l’entreprise, notamment grâce aux rapports des mandataires de justice.
  • Prend des décisions rapides : Il est compétent pour trancher de nombreuses questions qui ne nécessitent pas une audience devant le tribunal collégial. Par exemple, il autorise certains actes de gestion importants (non courants) pendant la période d’observation, statue sur les demandes de revendication de biens par des tiers, ou encore décide du sort des créances déclarées lorsqu’elles sont contestées.
  • Protège les intérêts : Il s’assure que les droits de chacun (débiteur, créanciers, salariés) sont respectés tout au long de la procédure.
  • Informe le tribunal : Il fait rapport au tribunal avant que celui-ci ne prenne les décisions majeures (plan, liquidation…).

Le juge-commissaire est donc un interlocuteur clé, doté de pouvoirs importants pour assurer la bonne marche de la procédure. Il n’est cependant pas omnipotent et ne peut, par exemple, siéger dans la formation de jugement du tribunal lorsque celui-ci examine un recours contre une de ses propres ordonnances ou doit statuer sur des sanctions contre les dirigeants (C. com., art. L. 662-7).

Le Ministère Public (Procureur de la République) : le gardien de l’ordre public économique

Le Procureur de la République, représentant le ministère public, joue un rôle non négligeable dans les procédures collectives. Son intervention vise à garantir le respect de la loi et la sauvegarde de l’ordre public économique.

Ses prérogatives sont multiples :

  • Demander l’ouverture d’une procédure : Il peut, au même titre qu’un créancier ou le débiteur lui-même, demander l’ouverture d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire s’il estime que les conditions sont réunies (par exemple, s’il a connaissance d’une cessation des paiements non déclarée). (C. com., art. L. 631-5, L. 640-5)
  • Donner son avis : Son avis est requis par le tribunal avant de nombreuses décisions importantes (ouverture de procédure si une conciliation a eu lieu récemment, prolongation de la période d’observation, adoption ou modification des plans, sanctions contre les dirigeants…).
  • Veiller à la légalité : Il s’assure que la procédure se déroule conformément aux règles légales. Il peut par exemple s’opposer à la nomination d’un mandataire de justice s’il existe un risque de conflit d’intérêts.
  • Exercer des voies de recours : Le ministère public dispose d’un droit d’appel contre de nombreuses décisions, même s’il n’était pas à l’origine de la demande initiale.

Le ministère public agit donc comme un garant de l’intérêt général et de la bonne application des règles complexes du droit des entreprises en difficulté.

Les mandataires de justice : les professionnels au cœur de l’action

Aux côtés des organes judiciaires, interviennent des professionnels désignés par le tribunal, appelés mandataires de justice. Ils sont les chevilles ouvrières de la procédure. Depuis une réforme de 1985, on distingue principalement deux professions distinctes, aux missions bien séparées pour éviter les conflits d’intérêts.

Distinction fondamentale : Administrateur vs Mandataire Judiciaire/Liquidateur

Pourquoi deux types de professionnels principaux ? La loi a voulu séparer clairement :

  • La fonction orientée vers le sauvetage de l’entreprise et sa gestion (confiée à l’administrateur judiciaire).
  • La fonction orientée vers la défense des créanciers et la liquidation des actifs si nécessaire (confiée au mandataire judiciaire puis, éventuellement, au liquidateur).

Cette séparation garantit que les intérêts parfois divergents de l’entreprise et de ses créanciers soient représentés par des intervenants distincts. (Basé sur C. com., art. L. 811-1 et L. 812-1).

L’Administrateur Judiciaire : focus sur l’entreprise

L’administrateur judiciaire n’est pas systématiquement désigné. Sa nomination par le tribunal est :

  • Obligatoire dans les procédures de sauvegarde et de redressement des entreprises dépassant certains seuils (actuellement 20 salariés ou 3 millions d’euros de chiffre d’affaires hors taxes). (C. com., art. L. 621-4, R. 621-11)
  • Facultative pour les entreprises plus petites, mais peut être demandée par le débiteur, le mandataire judiciaire, le procureur, ou décidée d’office par le tribunal en redressement. (C. com., art. L. 621-4, L. 631-9)
  • Possible (voire obligatoire selon les seuils) en liquidation judiciaire si un maintien temporaire de l’activité est décidé. (C. com., art. L. 641-10)

Sa mission principale est centrée sur l’entreprise elle-même, notamment sur la répartition des pouvoirs et des responsabilités avec le dirigeant pendant la période d’observation. Selon la situation et la décision du tribunal, il va :

  • Surveiller la gestion du débiteur (en sauvegarde).
  • Assister le débiteur pour les actes de gestion (en sauvegarde ou redressement).
  • Représenter le débiteur, c’est-à-dire assurer seul l’administration de l’entreprise (principalement en redressement). (C. com., art. L. 622-1, L. 631-12)

Au-delà de la gestion quotidienne, son rôle majeur est d’analyser la situation de l’entreprise (via le bilan économique et social) et d’élaborer, avec le concours du débiteur (en redressement) ou en assistant le débiteur (en sauvegarde), un projet de plan visant à assurer la survie de l’activité. C’est également lui qui gère la poursuite ou non des contrats en cours.

Le Mandataire Judiciaire : la voix des créanciers (Sauvegarde/Redressement)

Contrairement à l’administrateur, le mandataire judiciaire est toujours désigné dès l’ouverture d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire. (C. com., art. L. 621-4)

Sa mission est claire : représenter l’intérêt collectif des créanciers. (C. com., art. L. 622-20) Il n’est pas l’avocat d’un créancier en particulier, mais le défenseur de la masse des créanciers dont les droits sont affectés par la procédure.

Ses tâches principales incluent :

  • Recevoir les déclarations de créances : Tous les créanciers dont la dette est née avant le jugement d’ouverture doivent lui déclarer leur dû.
  • Vérifier le passif : Il examine chaque créance déclarée, en discute avec le débiteur, et propose au juge-commissaire de l’admettre ou de la rejeter.
  • Consulter les créanciers : Il recueille leur avis sur les propositions d’apurement du passif contenues dans le projet de plan (délais de paiement, remises de dettes…).
  • Agir en justice : Il peut engager certaines actions dans l’intérêt des créanciers, comme les actions en nullité d’actes suspects passés juste avant la procédure.

Le mandataire judiciaire est donc l’interlocuteur privilégié des créanciers pendant toute la phase d’observation et de préparation du plan.

Le Liquidateur : l’organisateur de la vente (Liquidation Judiciaire)

Lorsque le tribunal prononce la liquidation judiciaire (soit dès le départ, soit après l’échec d’une sauvegarde ou d’un redressement), il nomme un liquidateur. Très souvent, il s’agit du mandataire judiciaire qui était déjà en fonction. (C. com., art. L. 641-1)

La mission du liquidateur est radicalement différente de celle de l’administrateur : il ne s’agit plus de sauver l’entreprise, mais d’organiser sa fin de manière ordonnée. Pour cela, il :

  • Achève la vérification des créances (si elle n’était pas terminée).
  • Vend les actifs de l’entreprise (réalisation de l’actif) : Cela peut se faire par des ventes séparées (biens immobiliers, matériels, stocks…) ou par la cession globale de l’entreprise ou d’une branche d’activité (plan de cession). (C. com., art. L. 641-4)
  • Licencie les salariés (sauf si un plan de cession prévoit leur reprise).
  • Recouvre les créances que l’entreprise pouvait avoir sur ses propres clients.
  • Distribue le produit des ventes aux créanciers, en respectant un ordre de priorité très strict fixé par la loi. (C. com., art. L. 641-13)
  • Exerce les droits du débiteur sur son patrimoine pendant la durée de la liquidation, le dirigeant étant « dessaisi ». (C. com., art. L. 641-9)

Le liquidateur gère donc la phase finale, visant à payer au mieux les créanciers avec le produit de la vente des biens de l’entreprise.

Les autres intervenants importants

Au-delà des organes judiciaires et des mandataires de justice, d’autres acteurs jouent un rôle spécifique.

Le Représentant des Salariés : défendre les droits des employés

Qu’il existe ou non un comité d’entreprise ou des délégués du personnel, un représentant spécifique des salariés doit être désigné ou élu par les employés au début de la procédure. (C. com., art. L. 621-4)

Son rôle principal est de vérifier les créances salariales (salaires impayés, indemnités, congés payés…) établies par le mandataire judiciaire ou le liquidateur. (C. com., art. L. 625-2) Il s’assure que les droits des salariés sont correctement calculés et pris en compte. Il peut assister les salariés devant le Conseil de Prud’hommes en cas de litige sur ces créances. En l’absence d’autres institutions représentatives, il exerce aussi leurs fonctions d’information et de consultation pendant la procédure.

Les Contrôleurs : un droit de regard pour les créanciers

Le juge-commissaire peut nommer, parmi les créanciers qui en font la demande, un à cinq « contrôleurs ». (C. com., art. L. 621-10) Au moins l’un d’eux doit être un créancier avec une garantie (privilège, hypothèque…), et un autre un créancier sans garantie particulière (chirographaire).

Leur mission est d’assister le mandataire judiciaire et le juge-commissaire dans leur surveillance de la procédure. (C. com., L. 621-11) Ils ont accès à de nombreuses informations et peuvent faire part de leurs observations. Surtout, si le mandataire judiciaire ou le liquidateur reste inactif sur une action qui pourrait bénéficier aux créanciers (par exemple, une action en responsabilité contre un tiers), les contrôleurs (sous condition de majorité pour certaines actions) peuvent être autorisés à agir à sa place. Ils offrent ainsi une garantie supplémentaire pour la défense des intérêts des créanciers.

Comprendre qui sont ces différents acteurs et quelles sont leurs responsabilités est une première étape essentielle pour quiconque est confronté à une procédure collective, que ce soit en tant que dirigeant, créancier ou salarié. La complexité des interactions et des enjeux souligne souvent l’importance d’être bien conseillé.

Si vous vous reconnaissez dans cette situation, n’hésitez pas à contacter notre cabinet pour vous accompagner et défendre vos intérêts, que vous soyez dirigeant d’entreprise, créancier ou salarié, afin de garantir le respect de vos droits dans ce cadre juridique complexe.

Sources

  • Code de commerce (principalement Livres VI et VIII)

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