Le recours à une procédure de saisie immobilière est parfois nécessaire pour les syndicats de copropriétaires confrontés à des impayés chroniques. Cette procédure complexe présente des spécificités importantes lorsqu’elle est mise en œuvre dans le cadre d’une copropriété.
I. Conditions préalables à l’engagement de la procédure de saisie immobilière par le syndicat
L’autorisation de l’assemblée générale
Avant d’engager une procédure de saisie immobilière, le syndic doit obtenir une autorisation expresse de l’assemblée générale des copropriétaires.
Le procès-verbal de l’assemblée générale doit mentionner clairement :
- L’autorisation d’engager la procédure de saisie
- La désignation précise du lot concerné
- L’identité du copropriétaire défaillant
L’absence d’autorisation régulière expose le syndicat à une fin de non-recevoir au sens de l’article 122 du code de procédure civile. Toutefois, cette irrégularité peut être régularisée en cours d’instance par une décision d’assemblée générale ultérieure.
La fixation de la mise à prix par l’assemblée générale
Le procès-verbal doit également fixer le montant de la mise à prix du lot concerné.
Si aucune enchère n’est portée, le créancier poursuivant est déclaré adjudicataire au montant de la mise à prix (article R. 322-47 du code des procédures civiles d’exécution).
Afin d’éviter que le syndicat des copropriétaires ne se retrouve malgré lui propriétaire du bien à un montant trop élevé, il est donc recommandé de fixer la mise à prix à environ un quart de la valeur réelle du bien.
Par ailleurs, si la mise à prix est trop haute et que le syndicat est déclaré adjudicataire, il devient débiteur du copropriétaire, à qui il doit payer le prix d’adjudication. Lorsque le prix de vente est d’un montant supérieur à la créance, le syndicat peut devenir débiteur de l’ancien propriétaire.
II. Double casquette du syndicat : créancier poursuivant et créancier inscrit
Il arrive que le syndicat obtienne un nouveau titre exécutoire en cours de procédure, alors qu’une saisie immobilière a déjà été engagée par un autre créancier. Dans cette situation, le syndicat aura parfois intérêt à publier une hypothèque judiciaire pour garantir ce nouveau titre exécutoire.
Dans cette situation, le syndicat peut intervenir à la procédure en qualité de créancier inscrit en effectuant une déclaration de créance.
Cela arrive souvent lorsque le syndicat des copropriétaires, confronté à des impayés chroniques, doit engager à la fois des procédures de recouvrement pour les jugements qu’il possède déjà, et des procédures au fond pour obtenir de nouvelles décisions.
III. La subrogation dans les poursuites
Mécanismes juridiques de la subrogation
L’article R. 311-9 du code des procédures civiles d’exécution permet aux créanciers inscrits de demander leur subrogation dans les droits du poursuivant. C’est nécessaire lorsque le créancier poursuivant abandonne les poursuites, généralement parce qu’il a été payé.
La demande de subrogation doit être formée par voie de conclusions devant le juge de l’exécution. Le jugement qui accueille cette demande substitue le créancier subrogé dans l’ensemble des droits et obligations du poursuivant initial.
Cas spécifiques impliquant le syndicat des copropriétaires
Le syndicat qui souhaite présenter une demande de subrogation pourra alors être confronté à une difficulté.
En effet, le syndicat des copropriétaires qui intervient à la procédure en qualité de créancier inscrit n’a pas forcément, au dossier, un procès-verbal d’assemblée générale fixant une mise à prix et autorisant une procédure de saisie immobilière.
Dans cette hypothèse, si le créancier poursuivant se désiste, le syndic ne sera pas habilité à reprendre les poursuites pour le compte du syndicat des copropriétaires.
Par ailleurs, si cette autorisation a été donnée, mais que le créancier poursuivant a fixé une mise à prix supérieure à celle qui était autorisée par l’assemblée générale, le syndic sera à nouveau bloqué.
V. Conseils pratiques pour les syndics et les conseils syndicaux
Nous avons l’habitude de recommander à nos clients syndics et aux avocats que nous formons de :
- Privilégier des mises à prix réalistes et proches du montant de la créance : ainsi la carence d’enchères ne pourra pas endetter le syndicat des copropriétaires
- Vérifier soigneusement la régularité de l’autorisation d’assemblée générale : la saisie immobilière ne doit pas devenir un colosse aux pieds d’argile
- Faire voter l’autorisation de poursuivre même lorsque le syndicat intervient comme créancier inscrit : ainsi une subrogation sera possible si le créancier poursuivant se désiste
Sources
- Code des procédures civiles d’exécution, notamment articles L. 311-5 à L. 322-14 et R. 311-1 à R. 322-72
- Loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, article 19
- Cour de cassation, 2e chambre civile, 21 février 2019, n° 17-31.350 (indivisibilité du litige)
- Cour de cassation, 2e chambre civile, 2 décembre 2021, n° 20-15.274 (mise en cause des créanciers inscrits)
- Circulaire CIV/17/06 du 14 novembre 2006 relative à la saisie immobilière