Saisie des parts sociales et valeurs mobilières : comprendre les étapes de l’exécution

Table des matières

La saisie des parts sociales ou des valeurs mobilières représente une voie d’exécution particulièrement efficace pour un créancier cherchant à recouvrer sa créance. En ciblant directement les actifs que son débiteur détient dans une société, cette procédure permet de geler, puis de faire vendre des biens de valeur. Toutefois, son formalisme est exigeant et chaque étape doit être menée avec précision pour garantir sa validité. Naviguer dans ce processus sans l’assistance d’un professionnel peut s’avérer risqué. Cet article détaille les phases de cette procédure, en complément de notre présentation générale sur le cadre de la saisie des droits incorporels. Pour toute démarche ou défense dans ce contexte, l’intervention d’un avocat compétent en saisie de parts sociales est un atout déterminant.

Le processus de réalisation de la saisie : une procédure rigoureuse

La mise en œuvre d’une saisie sur les droits d’associé ou les valeurs mobilières obéit à une chronologie stricte, dictée par le Code des procédures civiles d’exécution. Alors que notre guide sur le mode d’emploi de la saisie des droits incorporels en dessine les grandes lignes, il est essentiel d’approfondir ici les actes qui la composent. La première étape, fondamentale, est la signification de l’acte de saisie par un commissaire de justice (anciennement huissier de justice).

La signification de la saisie : détermination du tiers saisi

L’acte initial de la procédure n’est pas adressé directement au débiteur, mais à un tiers qui détient ou gère les droits saisis. L’identification de ce « tiers saisi » est donc primordiale et varie selon la nature des titres. S’il s’agit de parts sociales (dans une SARL, une SCI, ou une SNC par exemple), l’acte de saisie est signifié directement à la société émettrice. C’est elle qui est dépositaire des statuts et du registre des mouvements de titres qui matérialisent la propriété des parts. En revanche, pour des valeurs mobilières (actions, obligations) inscrites sur un compte-titres, la signification doit être faite auprès de l’intermédiaire financier ou bancaire qui tient le compte du débiteur.

Les formes et mentions obligatoires de l’acte de saisie

Pour être valable, l’acte de saisie doit contenir un ensemble de mentions prescrites par l’article R. 232-2 du Code des procédures civiles d’exécution. Leur absence peut entraîner la nullité de toute la procédure. L’acte dressé par le commissaire de justice doit ainsi comporter l’identification complète du créancier et du débiteur, l’énonciation du titre exécutoire sur lequel se fonde la poursuite, et le décompte précis des sommes réclamées (principal, frais et intérêts échus). Il doit également mentionner que la saisie rend indisponibles les droits pécuniaires attachés aux parts ou valeurs mobilières. L’acte doit enfin contenir l’indication que le tiers saisi est tenu de fournir des informations sur l’étendue des droits du débiteur et sur d’éventuelles saisies antérieures.

Les effets directs de la signification : indisponibilité des droits pécuniaires

La signification de l’acte de saisie au tiers produit un effet immédiat et puissant : elle rend indisponibles les droits saisis. Concrètement, cela signifie que le débiteur propriétaire des parts ou des valeurs mobilières ne peut plus les vendre, les donner, ou les utiliser en garantie (nantissement). La valeur pécuniaire de son patrimoine social est gelée au profit du créancier saisissant. Toute opération de cession qui serait réalisée en violation de cette indisponibilité serait inopposable au créancier. Cet effet de blocage est au cœur du dispositif. Il peut d’ailleurs être utilisé à titre préventif, avant même de disposer d’un jugement définitif, dans le cadre de la saisie conservatoire des valeurs mobilières et droits d’associé.

Les obligations et responsabilités du tiers saisi

Le tiers saisi, qu’il s’agisse de la société ou de l’établissement financier, devient un acteur central de la procédure dès la signification de l’acte. Il n’est pas une simple « boîte aux lettres » ; la loi lui impose des devoirs précis dont le non-respect peut engager sa propre responsabilité.

Devoir de collaboration et information sur les nantissements/saisies antérieures

La principale obligation du tiers saisi est un devoir d’information et de collaboration. Sur-le-champ, le commissaire de justice qui lui signifie l’acte lui demande de déclarer l’étendue des droits appartenant au débiteur. La société doit donc indiquer le nombre de parts sociales que le débiteur détient dans son capital. De même, l’intermédiaire financier doit communiquer la consistance du portefeuille de valeurs mobilières. Plus encore, le tiers saisi est tenu de déclarer l’existence d’éventuels nantissements ou de saisies antérieures qui grèveraient déjà les droits du débiteur. Cette information est capitale pour le créancier, car elle lui permet d’évaluer ses chances réelles de recouvrement et le rang de sa créance par rapport à d’autres créanciers éventuels.

Sanctions du défaut d’information et limites de l’obligation

Le législateur a prévu des sanctions pour garantir l’effectivité de cette obligation de renseignement. Un tiers saisi qui refuserait de répondre, qui fournirait des informations inexactes ou qui mentirait délibérément, s’expose à de lourdes conséquences. Il peut être condamné par le juge de l’exécution à payer lui-même les sommes dues au créancier saisissant, sans préjudice de dommages et intérêts supplémentaires. Toutefois, cette obligation a des limites. Le tiers saisi n’a pas à se prononcer sur la validité de la créance ou de la procédure. Son rôle se cantonne à fournir les informations factuelles dont il dispose sur les actifs du débiteur. Il ne peut pas non plus être contraint de communiquer des informations qui ne sont pas directement liées aux droits saisis.

La dénonciation de la saisie au débiteur : un acte essentiel

Une fois l’indisponibilité des droits assurée et les informations recueillies auprès du tiers saisi, la procédure se tourne vers le débiteur. Celui-ci doit être informé officiellement de la mesure prise à son encontre. Cette étape, appelée la dénonciation, est encadrée par des conditions de forme et de délai très strictes.

Délais, formalisme et mentions à peine de caducité

Le créancier dispose d’un délai de huit jours à compter de la signification de l’acte de saisie au tiers pour dénoncer cette même saisie au débiteur. Ce délai est impératif. Le non-respect de ce délai de huit jours est sanctionné par la caducité de la saisie. Autrement dit, la procédure est anéantie et l’effet d’indisponibilité des parts ou valeurs mobilières disparaît rétroactivement. La dénonciation doit être effectuée par acte de commissaire de justice et comporter plusieurs mentions obligatoires, dont une copie de l’acte de saisie, la mention de son droit de contester la saisie et le délai pour le faire, ainsi que la juridiction compétente (le juge de l’exécution du lieu où demeure le débiteur).

Contestations du débiteur et rôle du juge de l’exécution

À compter de la dénonciation, le débiteur dispose d’un délai d’un mois pour contester la saisie. La contestation est portée devant le juge de l’exécution (JEX). Les motifs de contestation peuvent être variés. Le débiteur peut contester le principe même de la créance (en arguant l’avoir déjà payée), le montant réclamé, ou encore la régularité de la procédure de saisie elle-même (non-respect des mentions obligatoires, par exemple). Le JEX est alors chargé de trancher les litiges. Il peut valider la saisie, l’annuler, ou en modifier les effets. En l’absence de contestation dans le délai d’un mois, le créancier peut alors demander le paiement ou engager la procédure de vente forcée des droits saisis.

La consignation des sommes et le sort des droits politiques

La saisie des parts sociales et valeurs mobilières affecte principalement leur valeur économique. La procédure ménage cependant des options pour le débiteur et préserve certains de ses droits fondamentaux en tant qu’associé ou actionnaire.

La possibilité de mainlevée par consignation

Le débiteur qui souhaite contester la saisie tout en voulant retrouver la libre disposition de ses titres peut utiliser une faculté prévue par la loi. Il peut demander au juge de l’exécution l’autorisation de consigner une somme d’argent suffisante pour désintéresser le créancier. Cette somme, qui doit couvrir le principal de la dette, les frais et les intérêts, est alors bloquée auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations. Si le juge l’autorise, cette consignation met fin à l’indisponibilité des parts ou valeurs mobilières. Le débiteur peut de nouveau les céder ou les nantir, tandis que le créancier est sécurisé par la somme consignée. La discussion sur le bien-fondé de la créance peut alors se poursuivre sans paralyser les actifs du débiteur.

Le maintien des droits politiques de l’associé/actionnaire

Un point essentiel mérite d’être souligné : la saisie ne prive pas le débiteur de sa qualité d’associé ou d’actionnaire. Seuls les droits pécuniaires (le droit de percevoir des dividendes, le produit de la vente) sont rendus indisponibles. Le débiteur conserve donc ses droits politiques. Il continue d’être convoqué aux assemblées générales et, surtout, il conserve son droit de vote. C’est lui qui participe aux décisions collectives de la société, et non le créancier saisissant. Cette distinction est fondamentale et protège la vie sociale de l’entreprise contre une ingérence directe du créancier dans sa gestion.

La procédure de saisie des droits sociaux est une arme puissante mais complexe, où chaque étape conditionne la réussite du recouvrement. De la signification à la gestion des contestations, l’assistance par un cabinet d’avocats intervenant en voies d’exécution est indispensable pour sécuriser les intérêts du créancier ou pour défendre efficacement les droits du débiteur. Si la saisie n’est pas contestée ou est validée par le juge, l’étape suivante pour le créancier consistera à engager la phase de vente forcée des droits incorporels pour obtenir le paiement effectif.

Sources

  • Code des procédures civiles d’exécution (notamment les articles L. 231-1 et suivants, et R. 231-1 et suivants)
  • Code de commerce

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