La saisie d’une créance de somme d’argent est une procédure redoutée par le débiteur et un outil essentiel pour le créancier. Elle permet à ce dernier, muni d’un titre exécutoire, de se faire payer directement par un tiers qui doit de l’argent à son propre débiteur, le plus souvent une banque. Toutefois, le droit français ne prévoit pas une, mais plusieurs procédures distinctes, dont le choix et l’application dépendent du type de la créance ou de la qualité des parties. Cet article propose une vue d’ensemble comparative de ces mécanismes complexes, souvent sources de contentieux, et dont les aspects plus techniques, par exemple la saisie conservatoire, sont détaillés dans nos publications dédiées sur le sujet. Une mauvaise appréciation de ces règles peut avoir des conséquences financières importantes, d’où la nécessité d’une analyse juridique précise pour sécuriser le recouvrement de vos créances.
Le cadre juridique général de la saisie des créances de sommes d’argent
Pour appréhender la diversité des procédures de saisie, il faut d’abord comprendre le mécanisme de droit commun qui sert de référence : la saisie-attribution. Elle constitue la voie d’exécution la plus courante et son régime, fixé par la loi et son décret d’application, a profondément inspiré les autres procédures.
Principes fondamentaux de la saisie-attribution (droit commun)
La saisie-attribution est la procédure par laquelle un créancier, par l’intermédiaire d’un commissaire de justice (anciennement huissier de justice), contraint par un acte un tiers (le tiers saisi) à lui verser les sommes que ce dernier doit à son débiteur (le débiteur saisi). Son importance pratique est considérable, notamment en matière bancaire, où elle permet d’appréhender les fonds disponibles sur les comptes. La doctrine s’est longtemps interrogée sur la nature juridique de la monnaie scripturale, mais il est aujourd’hui admis que l’objet de la saisie est bien la créance de restitution du déposant contre sa banque. L’innovation majeure de la loi du 9 juillet 1991, précisée par décret, réside dans l’effet d’attribution immédiate : dès l’acte de saisie, la créance sort du patrimoine du débiteur pour être attribuée au créancier saisissant, conformément à cette disposition légale. Ce transfert immédiat, dont l’entrée en vigueur date de cette réforme, protège le créancier contre le concours d’autres créanciers ou l’ouverture d’une procédure judiciaire collective contre le débiteur.
L’ordre de virement et son irrévocabilité
Le virement est aujourd’hui l’instrument principal de transfert de fonds. Comprendre sa mécanique est essentiel car elle interfère avec les procédures de saisie. L’ordre de virement, une fois reçu par le prestataire de services de paiement du donneur d’ordre, acquiert un caractère irrévocable en vertu de l’article L. 133-8 du Code monétaire et financier. Ce principe, souvent rappelé par la jurisprudence, a des conséquences directes sur l’efficacité d’une saisie. Une saisie pratiquée sur le compte du donneur d’ordre après que l’ordre de virement est devenu irrévocable mais avant que les fonds ne soient crédités chez le destinataire soulève des questions complexes sur le sort des fonds en transit, un sujet qui fait l’objet de nombreux débats doctrinaux.
Inventaire et distinction des procédures de saisie
À côté de la saisie-attribution de droit commun, le législateur a institué des procédures dérogatoires, justifiées par la nature particulière de la créance à recouvrer ou de la créance saisie. Cette diversité impose une analyse comparative pour déterminer l’outil le plus adapté et fournir une réponse adéquate à chaque situation.
Une typologie de cinq procédures principales
Le droit français des voies d’exécution sur les créances monétaires s’articule autour de cinq procédures distinctes. La saisie-attribution (articles L. 211-1 et suivants du Code des procédures civiles d’exécution, précisés par décret) est la procédure de droit commun. À ses côtés, existent quatre régimes d’exception :
- La saisie des rémunérations, ou saisie sur salaire, régie par le Code du travail.
- La procédure de demande de paiement direct des pensions alimentaires, une disposition spécifique pour créance familiale.
- La saisie administrative à tiers détenteur (SATD), qui remplace l’ancien avis à tiers détenteur, utilisée par l’administration fiscale et d’autres créanciers publics comme le Trésor public.
- L’opposition à tiers détenteur, employée par les organismes de sécurité sociale pour recouvrer des cotisations ou une prestation sociale impayée.
Critères de distinction et spécificités
La distinction entre ces procédures repose sur leur cause ou leur objet. Le paiement direct, la SATD et l’opposition à tiers détenteur se caractérisent par la nature de la créance à recouvrer (alimentaire, fiscale, sociale, par exemple une aide indûment versée). La saisie des rémunérations, elle, se définit par la nature de la créance saisie (le salaire ou toute autre rémunération). Une autre différence fondamentale tient à l’effet attributif. Tandis que la saisie-attribution, la SATD ou le paiement direct organisent une attribution immédiate au créancier, la saisie des rémunérations obéit à une logique de répartition et de concours entre plusieurs créanciers, gérée par un commissaire de justice répartiteur, sans attribution immédiate, pour ne pas priver brutalement le débiteur de l’intégralité de ses ressources. Chaque procédure de saisie est donc unique.
Enjeux spécifiques de la saisie des créances bancaires
La saisie sur compte bancaire est la forme la plus répandue de la saisie-attribution. Elle soulève des problématiques propres, liées à la situation matrimoniale du débiteur, à la multiplicité de ses comptes ou à la nature des fonds qui y transitent. Il est donc d’un grand intérêt d’en comprendre les mécanismes.
Impact de la saisie sur les comptes de couples
Le régime juridique du couple a un impact direct sur l’étendue des biens saisissables. Pour les concubins, la séparation des patrimoines est le principe. Pour les partenaires de PACS et les époux, une solidarité pour les dettes de la vie courante existe (conformément aux art. 515-4 et 220 du Code civil). Toutefois, elle est écartée pour les emprunts, sauf s’ils portent sur des « sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante ». La jurisprudence de la Cour de cassation apprécie cette notion au cas par cas, sans seuil fixe, en comparant le montant du crédit au train de vie du ménage et sa capacité à rembourser. Ainsi, un crédit de 65 500 euros a été jugé non modeste pour un couple aux revenus de 3 607 euros par mois. En régime de communauté, l’article 1415 du Code civil protège les biens communs contre les emprunts et cautionnements souscrits par un seul époux sans le consentement exprès de l’autre.
Pluralité de comptes et sûretés bancaires
Un débiteur peut détenir plusieurs comptes. Si une convention d’unité de compte a été signée, les soldes sont fusionnés en un solde unique qui constituera l’assiette de la saisie. En l’absence d’un tel accord, les comptes sont en principe indépendants, bien que le banquier puisse invoquer une compensation. Par ailleurs, des sûretés comme le nantissement de compte ou le gage-espèces peuvent être mises en place par une société bancaire, créant un droit préférentiel pour la banque créancière, dont l’efficacité est particulièrement scrutée en cas de procédure collective.
Solde saisissable et fonds insaisissables
La saisie ne peut porter sur la totalité des sommes figurant sur un compte. Le banquier a l’obligation de laisser à disposition du débiteur une somme équivalente au montant forfaitaire du Revenu de Solidarité Active (RSA) : c’est le mécanisme du solde bancaire insaisissable (SBI). La loi prévoit cette protection afin de garantir un minimum vital. De plus, certaines créances, par leur nature alimentaire ou sociale (allocations, aide au logement, pension), sont déclarées insaisissables. Si de telles sommes sont versées sur le compte, leur caractère insaisissable s’y reporte, à charge pour le débiteur d’en justifier l’origine dans le délai de contestation. Le maintien du SBI est une obligation légale pour la banque.
Les différentes procédures de saisie de créances constituent un arsenal complexe mais indispensable à la sécurité juridique des transactions. Le choix de la procédure la plus pertinente et la gestion des nombreux incidents possibles, comme une contestation, requièrent une analyse pointue. Pour un accompagnement dans vos démarches de recouvrement et la mise en œuvre des voies d’exécution, notre expertise en voies d’exécution est à votre disposition.
Foire aux questions
Qu’est-ce que la saisie-attribution ?
La saisie-attribution est une procédure d’exécution forcée qui permet à un créancier muni d’un titre exécutoire, via un commissaire de justice (anciennement huissier), de saisir les sommes d’argent que doit un tiers (généralement une banque) à son débiteur. Son principal avantage est l’effet d’attribution immédiate de la créance au profit du créancier, conformément à la loi du 9 juillet 1991 et à son décret d’application. Le présent mécanisme est le plus courant.
Quelles sont les principales procédures de saisie de créances en France ?
Une réponse complète en distingue cinq principales : la saisie-attribution (droit commun), la saisie des rémunérations, la saisie administrative à tiers détenteur (SATD) pour les créances publiques, le paiement direct des pensions alimentaires et l’opposition à tiers détenteur pour les créances sociales. Chacune a des règles fixées par la loi ou par décret, et le choix dépend de la nature de la dette à recouvrer.
Qu’est-ce que le solde bancaire insaisissable (SBI) ?
Le solde bancaire insaisissable (SBI) est une somme que la banque doit obligatoirement laisser sur le compte du débiteur personne physique après une saisie. Son montant, fixé par décret, est forfaitaire et équivaut au Revenu de Solidarité Active (RSA) pour une personne seule, afin de garantir un minimum vital. Cette information est cruciale pour le débiteur.
Une saisie peut-elle porter sur un compte joint ?
Oui, une saisie peut être pratiquée sur un compte joint, même si un seul des cotitulaires est le débiteur. L’effet de la saisie s’étend en principe à la totalité du solde, mais le cotitulaire non-débiteur peut contester la mesure devant le juge dans un délai d’un mois à compter de la réception de l’acte de saisie, en prouvant que les fonds saisis lui appartiennent en propre.
Quel est le rôle du Juge de l’Exécution (JEX) ?
Le Juge de l’Exécution (JEX) est le magistrat compétent pour trancher toutes les difficultés et contestations qui surviennent lors d’une procédure d’exécution forcée. Il statue sur la validité de la saisie, les montants saisissables, les demandes de mainlevée, et pourra imposer des astreintes. Une décision de justice de sa part est exécutoire.
La banque est-elle responsable en cas de virement frauduleux ?
La responsabilité de la banque, qu’il s’agisse d’une société privée ou publique, peut être engagée en cas de virement frauduleux, notamment si elle n’a pas mis en place les dispositifs de sécurité requis. Cependant, sa responsabilité est souvent écartée si elle prouve que le client a commis une « négligence grave », par exemple en communiquant ses identifiants, ce qui peut entraîner un dommage financier important, voire une sanction pénale s’il y a complicité.