Le séquestre d’intérêt général répond à des impératifs de sécurité publique. Il diffère fondamentalement du séquestre privé. L’État l’utilise comme instrument de contrainte ou de protection collective.
Caractères généraux des séquestres d’intérêt général
Distinction avec les séquestres d’intérêt privé
Le séquestre d’intérêt général présente trois caractéristiques essentielles:
- Il couvre l’intégralité du patrimoine, biens présents et futurs.
- Il n’est pas conservatoire mais préparatoire à une confiscation.
- Son caractère d’ordre public interdit transaction ou renonciation.
Ce mécanisme prend fin uniquement avec la mesure de sûreté qui le justifie.
Caractère d’ordre public et conséquences
Le séquestre d’intérêt général s’impose aux parties. Aucune contestation n’est possible sur son principe.
L’ordre public justifie des dérogations au droit commun:
- Dessaisissement immédiat du propriétaire
- Application aux biens futurs
- Forclusion rapide des créanciers retardataires
Règlement du passif et protection des créanciers
L’article 2285 du Code civil s’applique: les biens du débiteur restent le gage de ses créanciers.
La liquidation du patrimoine séquestré sert d’abord à payer le passif:
- Créanciers hypothécaires pour les immeubles
- Créanciers nantis pour les meubles
- Créanciers chirographaires
Les créanciers doivent déclarer leurs créances dans un délai de trois mois après publication au Journal officiel. Passé ce délai, la forclusion s’applique.
Rôle du ministère public et intervention judiciaire
La procédure débute par une déclaration au procureur de la République et au directeur des Domaines.
Le président du tribunal judiciaire prend les décisions nécessaires:
- Annulation des actes postérieurs au séquestre
- Partage des biens indivis
- Règlement des litiges liés à la gestion
Seul le ministère public peut saisir le juge, sur rapport du directeur des Domaines.
Les principaux types de séquestres d’intérêt général
Séquestre des biens ennemis
Ce séquestre frappe traditionnellement:
- L’ennemi de droit (État, personnes morales, individus)
- L’ennemi de fait (soutiens de l’ennemi)
L’administration des Domaines gère ces biens pendant le conflit.
Biens en lien avec le terrorisme et la criminalité organisée
La lutte contre le terrorisme utilise le séquestre comme arme économique.
La loi française du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne permet la mise sous séquestre des fonds terroristes.
Ce mécanisme fonctionne comme instrument de prévention et de pression internationale.
Cas historiques et évolutions modernes
Plusieurs cas historiques illustrent l’usage du séquestre d’intérêt général:
- Biens des collaborateurs (1944-1951)
- Entreprises de presse (1944-1946)
- Biens juifs (1940-1944)
Ces séquestres historiques soulèvent encore des questions d’indemnisation.
Séquestre en matière d’infractions fiscales
L’article 1751 du Code général des impôts autorise le séquestre pour les infractions aux règles de facturation.
Le séquestre peut s’étendre:
- À l’entreprise du fraudeur
- À l’ensemble de son patrimoine personnel
Cette mesure intervient sur réquisition du procureur ou par décision du juge des référés.
Les séquestres en matière pénale
Évolution: de la contumace au défaut criminel
Jusqu’en 2004, la contumace entraînait le séquestre des biens de l’accusé absent.
La loi du 9 mars 2004 a remplacé la contumace par le défaut criminel. Cette réforme répond aux exigences de la Cour européenne des droits de l’homme.
Le séquestre systématique des biens a disparu avec cette réforme.
Saisie pénale et rôle de l’Agence de gestion des avoirs saisis
La loi du 9 juillet 2010 a créé de nouvelles mesures de saisie et confiscation pénales.
L’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) remplace le séquestre traditionnel. Cette agence:
- Gère les biens saisis
- Valorise les actifs
- Procède aux ventes anticipées
- Centralise les sommes saisies
Le propriétaire reste responsable de l’entretien du bien, sauf défaillance justifiant l’intervention de l’AGRASC.
Spécificités du tribunal aux armées
Le Code de justice militaire maintient une procédure proche de la contumace. Le défaillant voit ses biens séquestrés pendant la durée de la procédure.
Ce séquestre s’applique pour:
- Les crimes
- Le délit d’insoumission
- Le délit de désertion
Le séquestre continue même après condamnation si la confiscation n’est pas prononcée.
Le régime juridique du séquestre d’intérêt général
Installation et fonctionnement
L’administration des Domaines reçoit les biens et dresse un inventaire complet.
Le séquestre s’étend automatiquement aux biens futurs sans formalité supplémentaire.
L’administration peut:
- Accomplir des actes d’administration
- Passer des baux
- Poursuivre l’exploitation commerciale
- Défendre en justice
Expiration et modalités de fin
Quatre causes mettent fin au séquestre:
- Une décision de confiscation
- L’acquittement du propriétaire
- La vente des biens (après dix ans sans autorisation judiciaire)
- La prescription de la condamnation
La mainlevée n’intervient pas si le défaillant est appréhendé. Le séquestre continue jusqu’à jugement définitif.
Responsabilité de l’administration et recours
La responsabilité du service des Domaines peut être engagée pour fautes de gestion.
Les instances contre l’administration sont soumises à la formalité du mémoire préalable (article R. 2331-10 du Code général de la propriété des personnes publiques).
Les intérêts des sommes allouées courent à partir de la décision, sauf motivation particulière.
Protection juridique face aux séquestres d’État
Les séquestres d’intérêt général représentent une ingérence grave dans le droit de propriété. Leur application exige un motif légitime et un cadre procédural strict.
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Sources
- Code général des impôts, article 1751
- Code de justice militaire, articles L. 251-1 à L. 252-8
- Code général de la propriété des personnes publiques, article R. 2331-10
- Loi n° 2010-768 du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale