Le secteur financier compte des structures coopératives aux formes juridiques variées. Au-delà des grands réseaux comme le Crédit Agricole ou les Banques Populaires, deux modèles peu connus méritent attention : les sociétés coopératives de banque et les sociétés de caution mutuelle. Ces structures obéissent à des règles spécifiques et opèrent selon une logique d’entraide financière.
Les sociétés coopératives de banque
Un cadre juridique précis
Les sociétés coopératives de banque sont régies par les articles L.512-61 à L.512-67 du Code monétaire et financier. Elles se constituent sous forme d’unions de coopératives à capital fixe et sont soumises à la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération.
Point crucial : leurs statuts doivent être agréés par le ministre chargé de l’économie (article L.512-66 du CMF). Elles ont le statut d’établissement de crédit, ce qui leur permet de recevoir des dépôts de toute personne physique ou morale.
Un sociétariat limité
Le sociétariat de ces structures est strictement encadré. Selon l’article L.512-61 du CMF, seules peuvent être sociétaires :
- Les sociétés coopératives
- Les sociétés mutualistes
- Les sociétés d’assurance à forme mutuelle
- Les fonds de retraite professionnelle supplémentaire constitués sous forme de sociétés d’assurance mutuelle
- Les associations sans but lucratif (limitées à 30% du capital et des droits de vote)
Ces banques doivent accorder au moins 80% de leurs concours à leurs sociétaires ou à des structures similaires – disposition qui protège leur vocation coopérative.
Une gouvernance originale
La gouvernance des sociétés coopératives de banque présente une particularité intéressante. Leur conseil d’administration ou de surveillance comprend :
- Dix représentants des sociétaires
- Cinq représentants du personnel (dont au moins un cadre)
Ces derniers sont élus par scrutin de liste à la proportionnelle, assurant ainsi une représentation équilibrée des salariés.
Le contrôle par l’État
L’État exerce un contrôle direct via un commissaire du gouvernement désigné par le ministre de l’Économie. Ses pouvoirs sont étendus :
- Présence à toutes les séances du conseil et des comités
- Accès à tous les documents
- Droit de veto sur les décisions contraires aux statuts ou à la réglementation
Ce veto peut être contesté devant le ministre de l’Économie qui dispose de 15 jours pour se prononcer.
Les sociétés de caution mutuelle
Finalité et cadre juridique
Les sociétés de caution mutuelle, encadrées par les articles L.515-4 à L.515-12 du CMF, ont un objet social restreint : cautionner les engagements professionnels de leurs membres.
Initialement créées par la loi du 13 mars 1917, elles peuvent être constituées entre commerçants, industriels, artisans, sociétés commerciales et membres des professions libérales, ou entre propriétaires immobiliers pour garantir des prêts liés à l’immobilier.
Structure juridique et fonctionnement
Ces sociétés de cautionnement sont des sociétés commerciales sous forme coopérative. Leur capital est constitué de parts nominatives qui peuvent être de valeur inégale, sans être inférieures à 1,5 euros.
Particularité notable : la société distingue deux catégories de membres :
- Les membres participants, qui bénéficient des services de cautionnement
- Les membres non participants, qui n’ont droit qu’à la rémunération de leurs apports
Une activité encadrée
L’activité est strictement limitée au cautionnement. L’article L.515-4 du CMF précise que la caution peut être donnée par :
- L’aval ou l’endos d’effets de commerce
- Toute autre forme appropriée
Les statuts doivent déterminer le montant maximum des cautions accordées et leur durée. Le conseil d’administration peut refuser une caution ou l’accorder sous conditions.
L’article L.515-5 autorise la délivrance de conseils aux membres, mais uniquement en lien direct avec une opération de cautionnement.
Des obligations de transparence
Les sociétés de caution mutuelle sont soumises à des obligations spécifiques de publicité. Elles doivent déposer au greffe du tribunal judiciaire :
- Les statuts et la liste complète des administrateurs et sociétaires
- Un état annuel des mutations parmi les administrateurs et sociétaires
- Un tableau sommaire des opérations réalisées
Ces documents sont accessibles à tout requérant (article L.515-10 du CMF).
Atouts et limites de ces structures spécialisées
Ces formes coopératives présentent des avantages distincts :
- Les sociétés coopératives de banque offrent des services bancaires complets tout en maintenant une gouvernance démocratique
- Les sociétés de caution mutuelle permettent à des professionnels d’un même secteur de s’entraider pour accéder au crédit
En contrepartie, ces modèles comportent des contraintes significatives :
- Un encadrement réglementaire strict
- Une tutelle prononcée de l’État
- Des limites d’activité et de sociétariat
Ces structures méritent l’attention des entrepreneurs ou groupements professionnels cherchant des alternatives au financement traditionnel. La consultation d’un avocat spécialisé permet d’évaluer la pertinence de ces montages juridiques au regard des objectifs poursuivis et d’en maîtriser les implications réglementaires.
Sources
- Code monétaire et financier, articles L.512-61 à L.512-67 (sociétés coopératives de banque)
- Code monétaire et financier, articles L.515-4 à L.515-12 (sociétés de caution mutuelle)
- Loi n°47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération
- Répertoire des sociétés — Coopérative de crédit – Thibault de RAVEL D’ESCLAPON – Octobre 2023